Quel rapport entre le révolutionnaire Garibaldi et le banquier Schlumberger ?

Quel rapport entre le révolutionnaire Garibaldi et le banquier Schlumberger ?

Une rue des Chaprais relie involontairement les deux hommes : l’histoire de la rue Garibaldi


La rue Garibaldi en 2004
La rue Garibaldi en 2004 avant la construction de trois nouveaux immeubles.

Imaginez-vous l’actuelle rue Garibaldi comme une rue de banquiers et négociants ?

Ce fut pourtant le cas il y a un siècle. Lors du recensement de 1921, la rue Garibaldi ne comptait que 22 habitants répartis en 6 ménages. Le plus important est domicilié au n° 2. Le chef du ménage est une femme, Marie Schlumberger née en 1858 en Alsace (à Wintzenheim). Avec elle, ses quatre fils : Robert, Jean, Pierre et Marcel et sa fille Louise (née en 1901). Anna Schlundt née aussi en 1901 mais à Isenheim est leur domestique. Le registre du recensement indique la profession de banquier pour Marie Schlumberger.
Dans la même rue, au numéro 7, réside Lazare Poitrey né en 1877 à Montferrand exerçant la profession de comptable chez Schlumberger.

5 rue Garibaldi
La seule maison un peu ancienne de la rue Garibaldi située à l’actuel n° 7

Au numéro 3, habitent Samuel Lazar et son épouse Jeanne nés tous les deux en 1851 en Alsace. Samuel Lazar déclare comme son fils Maurice, la profession de patron négociant en métaux.
Deux autres familles sont domiciliées au numéro 8 de cette nouvelle rue : celle d’Alphonse Gendre (forgeron chez Regnier) et de Victor Viennet palefrenier dans la même entreprise Regnier.
Enfin, Joseph Toubin (artiste dessinateur né à Levier en 1876, ancien combattant, engagé volontaire malgré sa petite taille 1m 534) vit avec son épouse Elise au numéro 5 de cette rue ou de la rue du Balcon


Rue Garibaldi ancienne maison du Balcon
Entre la rue Garibaldi et la rue du Balcon, plusieurs belles maisons anciennes avec un parc ont été démolies récemment pour construire des immeubles et densifier la population. Ce n’était pas le cas dans les années 30. Au recensement de 1931, le numérotage des maisons a changé et on ne dénombre plus que 9 habitants répartis en trois ménages. Plus de Schlumberger, mais toujours Lazare Poitrey directeur de banque à la Compagnie Schlumberger et son épouse Marie Choulet employée à la banque Schlumberger. La famille Lazar est toujours présente avec d’un côté le père Samuel et son épouse Jeanne née Hirsch et de l’autre, le fils Maurice négociant, son épouse Suzanne Blum, leurs deux enfants ainsi qu’une domestique.

En résumé, une rue qui contraste avec les rues voisines Viotte et Jeanneney beaucoup plus populaires tant par la densité de la population que par les situations professionnelles.

Marie-Fanny Schlumberger née Goguel est la veuve de Georges-Emile Schlumberger décédé le 8 janvier 1916

avis de décès de G.E Schlumberger

Sur cet avis de décès, on remarque la profession déclarée : agent de change et l’adresse 15 bis rue de Belfort. Le chemin privé entre les numéros 17 et le 21 rue de Belfort n’était pas encore dénommé Garibaldi. Pourtant les Archives de Besançon disposent d’un document datant de 1890 (coté 10106).
plan 1896
Sur ce plan de 1896, on remarque une voie tracée entre la rue de la Viotte et la rue de Belfort, parallèlement à la rue de l’Industrie avec une demi douzaine de maisons.

Le classement de ce chemin privé a fait l’objet d’une longue procédure (de 1931 à 1951), complétée entre 1999 et 2003. Le dossier est consultable aux Archives. (cote 1O426).

Qui était Georges Emile Schlumberger ?

Les bisontins actuels ont gardé le souvenir ou ont entendu parler de la présence à Besançon de l’importante entreprise des Compteurs Schlumberger installée face à l’école de l’horlo. remplacée par le bâtiment de la Chambre de Commerce. Mais le rôle d’Emile Georges Schlumberger semble oublié.

Pourtant Emile Georges Schlumberger a été un entrepreneur très actif notamment dans le domaine des transports ferroviaires, de la banque et de la construction. Lorsque le Conseil Général du Doubs vote en 1896 l’installation du chemin de fer d’intérêt local (tacot), il concède la ligne Pontarlier-Mouthe à Schlumberger. Ce projet à vocation touristique ne survivra pas à la Seconde Guerre Mondiale.
Emile Schlumberger fut élu conseiller municipal à Besançon durant quelques années jusqu’en avril 1908. Alexandre Grosjean était alors le sénateur-maire de Besançon jusqu’en 1912.
réseau ferrovaire de FC années 30
Gagné par la fibre ferroviaire, Schlumberger proposa au Conseil municipal bisontin le raccordement de la voie PLM de Morteau au tacot de Vesoul. Suite aux objections, le projet fut reporté et bloqué par la construction par l’armée d’un manège à Rivotte. Schlumberger revint à la charge lors du conseil municipal du 15 janvier 1908. Le maire lui donna la parole, il exposa alors une longue argumentation pour réduire les réticences.
Schlumberger 15/1/08

Schlumberger 15/1/08 suite

Il voulait donc faire passer les trains par le centre-ville sur les remparts dérasés depuis la gare de Rivotte, les faire traverser le Doubs sur un pont Denfert-Rochereau élargi pour monter sur la rampe entre Battant et le vallon de la Mouillère.
tacot mouillère Pelote

A défaut d’éliminer tous les obstacles à son projet qui nécessitait de réaliser d’importants travaux sur les remparts et à Rivotte,, Schlumberger obtint la constitution d’une commission mixte.
gare du tacot
gare du tacot d’Amathey-Vésigneux à Rivotte

Schlumberger fut aussi fondateur du Crédit Agricole du Doubs et de la société d’habitations à Bon Marché le Foyer familial à qui l’on doit par exemple les petites maisons mitoyennes de la rue Charles Fourier (au bas ou en haut de la rue ?)
remettre sens nique rue Charles Fourier
Le conseil municipal attribua le nom de Schlumberger à une rue située non pas aux Chaprais, mais à Rosemont.
C’est le nom d’un héros de la guerre de 1870 qu’on donna à la rue des Chaprais.

Qui était Garibaldi ?

Rue Garibaldi plaque

Giuseppe Garibaldi a voué sa vie à la défense des causes patriotiques. Né à Nice en 1807, de parents italiens, il est attiré par la vie maritime et s’engage à 17 ans dans la marine. Sa première tentative de révolte à Gênes échoue, ce qui lui vaut de devoir quitter l’Italie en 1835. Au cours de son exil en Amérique du Sud, il mène ses premiers grands combats insurrectionnels (au Brésil et en Uruguay notamment), aidé d’une légion italienne vêtue des désormais célèbres chemises rouges. Il est surnommé le « Héros des Deux Mondes » en raison des actions militaires qu’il a réalisées aussi bien en Amérique du Sud qu’en Europe, ce qui lui a valu une notoriété considérable tant en Italie qu’à l’étranger. 
Giuseppe Garibaldi
A l’âge de 63 ans, il décida de venir en aide à la jeune république française. Le vieux révolutionnaire Giuseppe Garibaldi a établi son quartier général à Dole et organisé les francs-tireurs (civils armés) de la région. Il est arrivé à la gare Viotte le 14 octobre 1870. Bien que le personnage soit très controversé, voire méprisé par les militaires classiques, le passage de Garibaldi aurait eu un impact positif sur le moral des troupes selon quelques témoignages. En effet, le moral des soldats et des habitants avait été touché la veille par la venue du général Albert Cambriels handicapé par une blessure. Ce général emmenait avec lui les restes de son armée qui battait en retraite depuis les Vosges. René de Belleval, historien, sert alors comme soldat à Besançon. Il est témoin de cette arrivée. Il écrit « Ce qui reste de l’Armée de l’Est est logé aux Chaprais, où se presse une foule curieuse et presque hostile. Les feux de bivouac sont allumés dans les rues. Les corvées vont et viennent. Les estafettes et les ordonnances se croisent au galop… » Fin décembre, l’Armée de l’Est de Bourbaki s’est formée à Besançon dans la plus totale anarchie. Le 24 ème Corps s’établit aux Chaprais.
Revoir un précédent article sur les généraux de cette guerre


Merci à Sandrine Natter et à Christian Mourey pour leur aide.
Sources : Eveline Toillon Les rues de Besançon, Mémoire vive de Besançon archives numérisées : résultats des recensements, registres d’état civil, délibérations du conseil municipal et la page Facebook Besançon, j’aime ma ville autrefois administré par Mikaël Demenge.
Si vous disposez de photos anciennes de la rue Garibaldi, vous pouvez nous les faire parvenir à chaprais@gmail.com Nous les publierons avec plaisir. Merci d’avance.