La ferme des Bertrand excellent documentaire de Gilles Perret retrace la vie d’une famille de paysans qui habite à Quincy en Haute-Savoie.
Au début du film, on découvre des images tremblantes en noir et blanc. A l’écran, des hommes cassent des cailloux. Nous sommes en 1972 et c’est le cinéaste communiste Marcel Trillat qui filme les Bertrand. Vingt-cinq ans plus tard en 1997, Gilles Perret suit la vie de cette même famille et réalise un documentaire intitulé « Trois frères pour une vie» .
C’est en voisin qu’il réalise ce documentaire et pas seulement. Depuis des années, Gilles Perret filme la transmission de la ferme de génération en génération et en même temps l’évolution de l’agriculture. Au départ la ferme est tenue par trois frères célibataires : Joseph, André et Jean ; ils connaissent les signes du ciel remplacé aujourd’hui par la météo, la joie du travail bien fait au moment de la fenaison, la solitude imposée par le célibat, les longues journées de travail…
En 1997 les trois agriculteurs transmettent leur ferme à leur neveu, Patrick et son épouse Hélène.
Le film utilise habilement des flashbacks pour revenir à une autre époque changement perceptible par le passage d’un format standard au panoramique. Si l’agriculture évolue, le cinéma aussi.
Même si les temps changent, les Bertrand se transmettent l’amour de la terre, le goût de la vie simple. Ils traversent des deuils et composent avec ce qui arrive et avec l’évolution des modes de vie. Déjà, la ferme des trois célibataires est transmise à un couple. Le réchauffement climatique impose une approche différente de l’eau. Une autre réalité s’impose, l’arrivée des robots pour faciliter la traite mais chez les Bertrand on n’oublie jamais ceux qui avant eux se sont éreintés à cultiver la terre, à la transmettre tout en évitant de la vendre pour la construction de résidences, à quelques encablures de Genève l’acquisition de terrains à bâtir est très prisée ; chez les Bertrand on ne vend pas son âme, on reste debout quoiqu’il arrive même si au quotidien la vie est loin d’être simple. Dans cette agriculture de montagne où les prés sont pentus, les vaches aux noms joyeux (Jugeotte, Drolette, Fantaisie etc… se précipitent vers l’herbe fraîche au printemps. Les petites filles racontent l’histoire de la ferme à leur façon ; très âgé le dernier frère encore vivant poursuit sa route avec sa canne.
Loin de l’image bucolique le film pose les questions de l’agriculture, hier et aujourd’hui et maintient le débat ouvert lors des dernières manifestations paysannes avec l’étrange paradoxe que ceux qui nourrissent la terre gagnent très mal leur vie.,
