Ernest Butaud, Louis Maire, René Munier, Louis Belle : quatre chapraisiens morts lors de la guerre 14/18
Nous avions annoncé un travail de recherche sur les combattants de la guerre 14/18 tués lors des combats et dont les noms
figurent sur des plaques commémoratives de l’église Saint Martin des Chaprais ou du Sacré-Coeur. Voici donc un premier article de M. Guy-Georges Lesart, membre du groupe de travail « Histoire, Mémoire et Patrimoine » des Chaprais.
Ajoutons que M. Lesart que nous remercions pour ce travail est l’auteur d’une étude historique parue aux éditions Cêtre :
« Notre-Dame du Doute : le culte marial en Franche-Comté (du XIX° au début du XX° siècle). Nous aurons l’occasion d’en reparler.
Ernest Butaud , Louis Maire, René Munier et Louis Belle.
Ces quatre noms vous sont-ils connus ? Peut-être qu’à Besançon ou quelque part en Franche comté une ou deux personnes gardent le pieux souvenir de lointains ancêtres portant ce nom?
Il s’agit de quatre hommes morts au combat en 1914/18. Ils ont été choisis de manière presque arbitraire sur le marbre de Saint Martin des Chaprais commémorant le conflit dont nous célébrons le centenaire pendant quatre ans. Comment évoquer en effet les habitants de notre quartier victimes de cet immense massacre ? Dans le moindre village de France on trouve un monument aux morts de 14/18. Il contient parfois plus de noms que le bourg n’a aujourd’hui d’habitants. Comment évoquer, en ce qui nous concerne, les 143 noms inscrits sur les plaques de Saint Martin et du Sacré Cœur probablement à peine entraperçues occasionnellement par quelques-uns ? Un travail universitaire de plusieurs années y parviendrait à peine.
Sur quels critères choisir? Aucune de ces victimes ne mérite plus que les autres d’être mises en exergue pour commémorer ce centième anniversaire. Le héros décoré comme le malheureux « fusillé pour l’exemple » ont été emportés par la folie meurtrière qui a embrasé l’Europe et particulièrement notre sol à cette époque.
Notre démarche s’inspirera donc, à une bien humble échelle, de celle de Notre dame de Lorette dans le nord de la France près de Lens, sur l’une de ces multiples collines où vinrent se sacrifier durant quatre ans des jeunes du monde entier pour faire parfois bouger la ligne de front de quelques kilomètres. La région Nord-Pas de Calais a choisi un geste architecturale intelligent pour sauver de l’oubli les soldats victimes de cette impensable boucherie, un anneau conçu par l’architecte Philippe Prost.Sur ce monument d’un périmètre de 345 m, on trouve la liste des noms de 579 606 soldats de 40 nationalités différentes tués sur les 90 kilomètres de front du Nord Pas de calais entre 1914 et 1918. Chacun peut aller voir si l’un de ses ancêtres n’est pas enterré dans cette immense nécropole. Je vous invite à y passer. Ce monument, avec celui construit par les canadiens à Vimy à dix km de là, mérite notre détour. Les victimes sont classées volontairement par ordre alphabétique sans distinction de nationalité ni de grade, pour montrer leur commune destinée dans la mort, français allemands, anglais, indiens, marocains, algériens, portugais, australiens, russes etc. La nuit un faisceau balaye tel le phare du veilleur ces listes terrifiantes pour que chaque nom soit, une fois par jour, mis en lumière symboliquement.
Mettons en lumière pour notre part quatre chapraisiens dont le nom est gravé sur le marbre commémoratif qui se trouve dans l’église Saint Martin des Chaprais. Ils raconteront à leur manière un peu de cette guerre dont nous commémorons le triste souvenir.
Ernest Butaud
Commençons par Ernest Butaud. Pourquoi ce choix ? Parce que cet homme est l’une des premières victimes d’un conflit qui tua au total 9 720 453 combattants, 8 871 248 civils et fit plus de vingt et un millions de blessés. Agé de 32 ans, Ernest Butaud meurt au feu le 12 novembre 1914 à Autrêche dans l’Oise près de Soissons. Ce combat est l’un des épisodes consécutifs de à la « bataille de la Marne » au cours de laquelle les Français arrêtent l’armée allemande qui s’apprêtait à fondre sur Paris. Ironie de l’histoire, Ernest Butaud est enterré à la nécropole nationale de Cuts, carré C tombe 319, entre Noyon et Soissons. Pouvait-il s’imaginer qu’il faudrait quatre années de massacre , pour qu’à quelque 15 km de là, à « Rethondes », le 11 novembre 1918, quatre ans presque jour pour jour après sa mort , soit signé l’armistice mettant fin à cette tragédie.
Louis Maire
Continuons avec Louis Maire. Lui est enterré précisément à la nécropole Notre Dame de Lorette dont nous avons évoqué l’impressionnant témoignage au début de cet article . Louis, Eugène Maire meurt au combat à 23 ans , le 9 mai 1915 à Ablain-Saint-Nazaire dans le Pas de calais. Ce village occupe une position stratégique, au pied du plateau de Notre-Dame de Lorette. En octobre 1914, les Allemands s’emparent de cet éperon modeste qui, avec Vimy, domine d’un côté Arras et de l’autre Lens et ses charbonnages. Les troupes françaises n’auront de cesse de reconquérir Notre-Dame de Lorette. Le 9 mai 1915, elles passent à l’attaque. Anglais, Canadiens , portugais, marocains participent avec de lourdes pertes à cette tentative qui vire à l’holocauste. Après six jours de bombardement, les alliés réussissent à percer les lignes allemandes mais ne peuvent exploiter ce succès initial. 15 jours de combats sauvages, 102 000 hommes tués, mais la crête de Vimy reste pour sa part hors de portée des alliés. Ablain-Saint-Nazaire est reconquis en même temps que Lorette. Les ruines de l’église de ce village peuvent être encore observées à quelques dix kilomètres de l’anneau de Lorette. Elles ont été laissées volontairement intactes en témoignage de la barbarie humaine. Si vous allez les observer, ayez une pensée pour Louis Eugène Maire. Nous n’avons pas, en ce qui le concerne, de numéro de sépulture. Ses restes sont sans doute dans l’ossuaire de cette nécropole avec ceux des dizaines de milliers de combattants dont les corps n’étaient plus identifiables.
René Munier
Notre coup de projecteur suivant se portera sur René Munier. Il représentera pour nous toutes les victimes de l’abominable bataille dite de « Verdun ». Cette bataille, connue dans le monde entier, est devenue emblématique. Verdun sur Meuse c’est un peu le Stalingrad français. Quatre mois de sauvagerie intense. 306.000 tués et disparus (dont 163.000 Français et 143.000 Allemands). Environ 406.000 blessés (dont 216.000 Français et 190.000 Allemands) pour aboutir …… à un statu quo !… qui sera maintenu jusqu’à la fin du conflit. Sur le livre d’or des habitants de Besançon victimes des guerres du XXe siècle, peu d’informations sur ce bisontin mort à Verdun. Je suis parti à la recherche de données complémentaires qui m’ont permis de compléter cette fiche nécrologique. Une grande émotion pour moi, une goutte d’eau dans un immense travail collectif de mémoire, mais un geste qui correspond tout à fait à l’optique de cet article: remettre modestement à la lumière pour quelques temps quelques noms presque effacés d’un massacre inimaginable.
René Munier, soldat du 47e régiment d’artilleurs, meurt le 09/03/1916, au tout début de la bataille, devant le fort de Vaux, à Damloup. Ce fort deviendra l’un des symboles majeurs des combats des « poilus » de la première guerre mondiale animés par le sens du devoir jusqu’à l’ultime sacrifice. Pris par les allemands le 2 avril, 1916, celui-ci est réoccupé par les troupes françaises dans la nuit de 2 au 3 novembre 1916. René Munier est inhumé dans la nécropole nationale de Douaumont n° de sépulture 3530. Il y aura cette année à Verdun plusieurs cérémonies de commémoration pour le centenaire de cette bataille, dont une en présence de Monsieur Hollande et Madame Merkel. Si vous y allez, passez vous recueillir devant cette sépulture.
Louis Jean-Baptiste Belle
Nous terminerons par un homme qui fit partie des ultimes victimes de cette guerre. A quelques mois près, il aurait pu rejoindre son foyer et vivre sa vie. Louis Jean-Baptiste Belle, né à Beurre, meurt le 24 avril 1918 à l’âge de trente ans. Cela se passe à Locre, à la frontière franco-belge près de Bailleul. J’y suis d’autant plus sensible que toutes mes vacances d’enfants se sont passées sur ce territoire. Insouciant, j’ai même beaucoup joué au milieu des multiples cimetières militaires qui parsèment cette région et qui formaient pour moi un paysage familier.
Au printemps 1918, l’État-major allemand lance la «Kaiserschlacht », « bataille de l’Empereur ». Jouant son va-tout sur le front ouest, il lance successivement des assauts dans la Somme et en Flandre. A partir du 9 avril, les allemands enfoncent les défenses britanniques dans la plaine de la Lys et remontent vers les monts de Flandre. Ce dernier coup de boutoir s’achève le 29 avril sur les pentes du mont Kemmel. Bailleul est tombé ; mais les Alliés ont réussi à stabiliser une dernière fois le front, empêchant l’ennemi de percer. Louis Belle, décédé le 28, y a pris sa part. Lui aussi est inhumé à la nécropole Notre Dame de Lorette. Si vous visitez ce site particulièrement émouvant , vous pouvez trouver sa sépulture dans le cimetière entourant la chapelle- basilique Notre dame de lorette (carré 34 rang 5 tombe 6721).
Guy-Georges Lesart