Réunion Coups de coeur de lecture
Quelques livres présentés le jeudi 23 novembre, prochaine réunion le 11 janvier
Parmi les activités proposées par l’Association Vivre aux Chaprais, il y a les réunions d’échange de coups de coeur de lecture.
Comment ça se passe ? chacun apporte un livre qu’il a lu et qui a plu. Chacun présente ce livre sans le raconter en entier, simplement pour donner envie de le lire.
Perspective(s) de Laurent Binet
édité par Grasset
Perspective(s) est le 4ème roman de Laurent Binet, dont le premier HHhH (dans lequel il est question du projet d’assassiner Heydrich, le bras droit d’Hitler à Prague) a obtenu le prix Goncourt du premier roman et avait été suivi de Civilizations, uchronie dans laquelle Christophe Colomb ne découvrait pas l’Amérique, mais c’étaient les Incas qui débarquaient en Europe. Donc voilà un romancier qui s’intéresse beaucoup à l’histoire.
Celui-ci se passe à Florence, la ville des Médicis, en 1557, en pleine Renaissance. Tout est vrai, mais cette fois, c’est un roman épistolaire avec 20 personnages, et c’est aussi un roman policier dont voici l’intrigue : Le peintre Pontormo, chargé d’effectuer les fresques d’une église auxquelles il travaillait depuis 11 ans, est retrouvé assassiné sur le lieu de son travail et à côté de lui un tableau de sa main qui a été maquillé : le visage d’une fille de Côme de Médicis remplaçant le visage original.
Comme dans tout polar, on a un meurtre, des suspects, des mobiles, une enquête et des enquêteurs, mais ici, on a 20 suspects, autant de mobiles ; les personnages dans leurs lettres parlent à la première personne et on ne doit croire aucun d’entre eux, le lecteur doit mettre en doute la parole de chacun. L’intérêt est décuplé par l’arrière-plan historique authentique : la cour des Médicis, la cour de France puisque Catherine de Médicis est un des personnages, la ville de Rome dans laquelle réside et travaille Michel-Ange occupé par la peinture de la chapelle Sixtine, tous sont suspects et tous parlent du crime et de ce fameux tableau qui a disparu et risque de faire scandale s’il réapparaît. Le huis clos est bien là, la ville de Florence, mais grâce aux personnages de Michel Ange à Rome et Catherine de Médicis à Blois on en sort régulièrement. Les personnages sont de tous les milieux, royal, princier, artistique et populaire car on a aussi affaire aux aides des peintres, les broyeurs de couleurs ou les fabricants du cadre et de la toile des tableaux.
Grâce à la diversité de tous ces éléments, l’intérêt de la lecture est multiplié et cette petite coquetterie du S mis entre parenthèses au titre « Perspective(s) » est une excellente trouvaille, la perspective dans les tableaux et les différents points de vue des personnages s’imbriquant parfaitement dans ce roman. Laurent Binet est coutumier du fait déjà avec HHhH et Civilizations, les deux précédents romans.
Glen Affric de Karine Giebel
Plon 2021
Un pavé de 750 pages que j’ai dévoré en trois jours, me forçant à en stopper la lecture parce qu’il était tard, un thriller psychologique, moi qui ne lis jamais de polar, une auteure à grand succès de moi parfaitement inconnue, voilà de quoi surprendre !
Trois personnages : Léonard, 16 ans que les autres appellent le triso, le batard, trouvé dans un fossé à l’âge d’environ 4 ans, qui ne sait ni lire, ni écrire, souffre-douleur et rançonné par les autres dans la classe, mais qu’il ne dénonce jamais et dont il cache les turpitudes à sa mère adoptive, Mona. Voilà le deuxième personnage, femme admirable, courageuse, qui inculque à ce fils adoptif une morale irréprochable et l’aime d’un amour sans faille, mère d’un fils Jorge. Et voilà le troisième, 16 ans d’incarcération pour un double meurtre qu’il n’a pas commis et qui sort en libération conditionnelle le jour où Léonard y rentre !
D’autres personnages sont aussi très attachants, Vicky une gamine amoureuse de Léo ; Sacha, l’ébéniste généreux qui donne du travail à Léo pour qu’il puisse payer ses tortionnaires à l’école ; Angélique, la fille mutique victime de son oncle.
Et ce titre Glenn Affric, un endroit en Ecosse où Jorge est censé se trouver, d’où il a envoyé une carte postale à Mona et qui est l’objet de tous les fantasmes de Léo, là où il rêve d’aller avec son frère qu’il ne connaît pas encore, puisqu’il était déjà en prison, lorsque Mona l’a recueilli, ce que Léo ignore.
Ce livre m’a bouleversée d’abord et chronologiquement, par sa description du monde carcéral : si on y entre innocent, on ne peut en sortir que futur criminel. Ames sensibles, armez-vous de courage ! Bouleversée par ces trois personnages extraordinaires, par la méchanceté, la haine, la lâcheté des autres. Quant au talent de l’auteure pour analyser les personnages, ficeler son intrigue, distiller quelques indices et nous amener au dénouement, j’avoue que j’ai été bluffée. Je crains d’avoir chopé le virus Giebel.
A suivre
G.C.
Prochaine réunion le jeudi 11 janvier à 18 h à la Cassotte