L’origine et la fin de la caserne Vauban racontées par Christian Mourey

L’origine et la fin de la caserne Vauban racontées par Christian Mourey

Histoire de la lunette de Charmont et de la caserne Vauban (2e)

Avant et après avoir été en 1940 un centre d’internement, ce fut une caserne militaire


caserne Vauban vue de Beauregard par Dubois

La caserne Vauban au dessus de la Madeleine photographiée depuis Beauregard R . Dubois

L’explosion de la lunette de Charmont

Ce mercredi 9 mai 1883, à 15 heures, une formidable explosion fait trembler la Boucle et les faubourgs. Un nuage d’une épaisse fumée s’élève au-dessus de Charmont.

La lunette de Charmont vient de sauter. Des artilleurs occupés à laver la poudre ont, par une imprudence, fait exploser 10 caisses de poudre de 55 kg chacune. On déplore cinq victimes parmi la troupe plus une jeune mère des environs morte de peur.
L’émotion est profonde. La presse interpelle le Maire Delavelle sur la présence d’un tel établissement à proximité d’habitations.


victimes de l'explosion de 1883 Charmont

Au cimetière des Chaprais, à l’ombre d’un lierre retombant, la tombe des 5 victimes de l’explosion de 1883
La lunette de Charmont, élément avancé de défense de la Porte Charmont, avait été érigée à l’origine par Vauban, à l’est de la rue Voirin (entre les actuels château d’eau et Pont de Montrapon). Mais mal entretenue et gênée dans son fonctionnement par la proximité de la récente voie ferrée, elle est transférée à l’ouest de la rue Voirin, à la veille de la Guerre de 1870.

lunette Charmont 1722
Première lunette de Charmont. Maquette du plan-relief original. 1722

La caserne Charmont et la guerre de 14-18


vestiges de la lunette Charmont

Vestiges de la seconde lunette. Caserne Vauban. Avril 2016. R.Bois
Suite à l’explosion de 1883, la lunette n’est pas relevée et sur son emplacement agrandi, on
construit en 1910, la caserne Charmont pour accueillir à l’approche de la Guerre 1914/1918
le 60 ème Régiment d’Infanterie, à Besançon depuis 1874.
Ce régiment est l’héritier de prestigieuses unités dont le Royal de la Marine (1669/1791). Il est composé de Comtois, Bourguignons et Bressans mais aussi de Lyonnais, Gascons et Parisiens.

L’ami « bidasse » n’a pas le loisir d’essuyer les plâtres de la nouvelle caserne Charmont. Lorsque tonne le 1er Août, vers 17 h. les 3 coups de la mobilisation, le régiment est prêt. Deux jours plus tard, le 60 ème n’est plus à Besançon.

Caserne Charmont
Arrivée des « bleus ». Le corps de garde Ouest est en construction
Avec trois autres régiments, le 60 ème forme la 14 ème Division d’Infanterie, unité d’élite du 7 ème Corps d’Armée. Il va payer un lourd tribut à la grande faucheuse. 2410 tués à lui seul. Il fallut reconstituer huit fois le régiment pour combler les pertes. Cet engrenage va conduire à la tragédie de l’exécution, pour l’exemple, du soldat Lucien Bersot.
Lors de la bataille de Soissons de la mi-janvier 1915, le 60 ème a perdu, après repli, 25 officiers dont son colonel et 1800 hommes de troupe, tués, blessés ou faits prisonniers. Le nouveau colonel, Auroux, est chargé de reconstituer le régiment. Les nouveaux convergent de partout. On a vidé les « fonds de tiroirs » des dépôts et l’esprit n’est pas très bon. Le colonel Auroux a sa méthode : la manière forte. L’incident du 11 février opposant Bersot au fourrier tentant de lui remettre un pantalon souillé sera prétexte à autorité. Bersot est condamné le jour même à huit jours de prison par son commandant. S’en suit une réaction collective de ses camarades en sa faveur qui va provoquer sa convocation pour le lendemain devant le Conseil de Guerre Spécial où le colonel Auroux s’auto-désigne président en toute illégalité, mais avec la bénédiction de sa hiérarchie. Condamné à mort, Lucien Bersot est exécuté le 13 au matin. Il sera réhabilité le 10 avril 1922 par la Cour d’Appel de Besançon.
C’est le scénario du téléfilm « Le pantalon » d’Yves Boisset de 1997.

Lucien Bersot plaque
Plaque déposée sur la façade de la Maison du Peuple, 11 rue Battant, le 11 novembre 2009

Le juge et l’assassin Joseph Vacher

Le 60 ème R.I. et la Caserne Charmont devenue Caserne Vauban en 1936, ont suscité à plusieurs reprises l’intérêt du cinéma français.
60e régiment d'infanterie

L’épisode le plus ancien concerne Joseph Vacher. Il est né en Isère, en 1869. Au sortir d’une adolescence perturbée, il est affecté le 15 novembre 1890 au 60 ème Régiment d’Infanterie à Besançon. Ses troubles du comportement contrarient sa promotion. Le colonel lui redonne cependant sa chance. Il sera caporal puis sergent.
Mais éconduit par une jeune cantinière, le 25 juin 1893, il tente de la tuer puis de se suicider. Tout rate. Considéré comme irresponsable, il est réformé de l’armée et interné.
C’est à sa sortie de l’asile le 1er avril 1894 qu’il entame son tour de France criminel. Il est arrêté le 4 août 1897. On lui attribue une trentaine de crimes où l’extrême violence côtoie l’ignoble. Il en avoue 11 et une tentative de viol.
Joseph Vacher criminel
Condamné à mort par les Assises de l’Ain le 28 octobre 1898, il est guillotiné à Bourg en Bresse le 31 décembre devant 2000 personnes. Son personnage est interprété par Michel Galabru dans le film de Bertrand Tavernier « Le juge et l’assassin ».



La fin de la première guerre mondiale


Après avoir terminé la Première Guerre Mondiale sur le front de Champagne, le 60 ème R.I. n’intègre pas les forces d’occupation. Il fait un retour triomphal à Besançon le 13 mars 1919.
60 e régiment en 1919

Le défilé rue de la Préfecture (Président Wilson après la victoire). Notez à droite le Café de Paris aux Carmes. Le journaliste du Petit Comtois avoue n’avoir jamais vu une telle foule et autant d’allégresse. En bas de la rue Battant et Place Jouffroy, ils sont 5000 pour accueillir le 60 ème emmené par sa fanfare. La municipalité a offert un fanion aux couleurs de la Ville. Les vendeuses des Nouvelles Galeries se sont cotisées pour offrir une oeuvre d’art.
salle de banquet 60 e RI

A 17 h. un banquet de 1400 couverts est offert aux héros, dans le manège de la caserne, cadeau des entreprises locales de l’Alimentation.
La vie de garnison reprend. En 1925, à la demande des associations d’Anciens, on érige un monument aux morts à l’entrée de la place d’armes

En 1940, la caserne sert de centre d’internement de milliers de britanniques
Voir l’article précédent : en 1940 un centre d’internement,

La caserne Vauban après la Libération et avant sa transformation en écoquartier


Après la seconde Guerre Mondiale, différents services s’installent à Vauban. En 1964, Besançon y accueille le 19ème Génie revenant d’Algérie. Il quitte la caserne en 2006. La Ville de Besançon reprend terrain et bâtiments pour une réalisation urbanistique importante. Le Quartier va devenir EcoQuartier. 7 hectares pour 800 logements. On prévoit de ne conserver que les 2 corps de garde, 2 bâtiments de commandement, le château d’eau ? et l’infirmerie devant laquelle coulera un ruisseau d’agrément enjambé par son petit pont de bois bordé de ferronnerie.


salle égyptienne caserne Vauban

La Salle Egyptienne en 1987

En 1968, le Colonel Lestien fait aménager une salle de lecture dans les locaux de l’Officier Conseil. La décoration est confiée à un appelé, Pierre Duc ; c’est sa première oeuvre monumentale. Elle se situait dans le second bâtiment, côté Est. Que sont les fresques devenues ?

En décembre 2016, des fouilles archéologiques mettent à jour un petit bâtiment d’habitation périurbain du III ème siècle.
Depuis longtemps, les Hommes ont laissé leurs empreintes sur cette terrasse qui fait face aux premiers contreforts du Jura. Apprécions ce mille-feuilles de l’Histoire, même si certaines couches n’ont pas la saveur du sucre-glace veiné de chocolat.

Christian Mourey
Sources : Marcel Petitjean « En garnison à Besançon de 1900 à nos jours »
Robert Dutriez « Besançon, années 1937-1945 : quelques épisodes oubliés ou mal connus »

Merci à Roland Bois et Laurent Bonnefoy

Prochaine réunion sur l’histoire et le patrimoine des Chaprais jeudi 16 novembre à 15 h 30 à la Cassotte
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