Christian Mourey revient sur un épisode de la guerre de 1940, évoqué dans un article de Jordan Lahmar Martins
Christian Mourey avait réalisé il y a trois ans avec l’aide de Roland Bois et Laurent Bonnefoy, une recherche sur l’histoire de cette caserne sur une longue période. Son étude sera publiée en deux articles en commençant par les années 1940-41.
Avant d’être transformée récemment en écoquartier, cette caserne dénommée Charmont a été occupée par le 60 e Régiment d’infanterie, elle est devenue caserne Vauban en 1936
Quelles étaient les prestations offertes par cet immobilier militaire ? Une recrue de 1933 témoigne. La troupe couche dans des chambres d’une vingtaine de lits. Les douches sont aléatoires. Les WC sont à l’extérieur, dans la cour. Le tout-à-l’égout et le papier hygiénique n’existent pas. Il faut « officier » sur de gros tonneaux en tôle que des jardiniers de proximité viennent récupérer quand ils sont pleins.
Ce sont les conditions que doivent affronter les prisonniers français victimes de l’offensive éclair allemande de juin 1940. La Caserne Vauban devient alors le « Front Stalag 142 », un camp d’internement destiné d’abord aux soldats français défaits.
Prisonniers français bivouaquant dans la cour. Eté 1940
Suite à leur départ pour l’Allemagne pour emprisonnement ou travail obligatoire, des places se libèrent. C’est alors que survient un évènement peu connu des Bisontins eux-mêmes :
L’internement à Vauban de 4000 ressortissants civils britanniques de décembre 1940 à mai 1941 dont 400 religieuses.
Religieuses anglaises se déplaçant dans la cour au rythme de chants religieux
Ce transfert par train de civils anglais à Besançon fait suite à l’engorgement des camps de Drancy et de Saint-Denis. Cette population, en majorité féminine, comprend des enfants, des vieillards, des femmes enceintes qui seront progressivement libérés. Mais les différences sociales et culturelles créent des tensions, des exclusions. Les conditions de détention sont difficiles. Il fait froid. On a faim. Il n’y a ni infirmerie, ni médicaments. Une épidémie de diarrhée et de dysenterie provoque de nombreux décès.
Dessin réalisé par une prisonnière britannique
Mais des solidarités spontanées se mettent en place entre ordres religieux, notamment avec les Soeurs de la Charité de l’Hôpital Saint-Jacques où seront reçus 500 détenus. Par l’intermédiaire de la Croix Rouge, Winston Churchill fait savoir à Hitler que si les conditions de détention des ressortissants britanniques à Besançon ne s’amélioraient pas, il se réservait le droit d’envoyer les prisonniers allemands retenus par les Anglais dans le Grand Nord canadien.
Suite à une visite du Front Stalag 142 par le Comité International de la Croix-Rouge helvétique, les Allemands transfèrent les internés de Besançon à Vittel où un camp a été organisé en regroupant une dizaine de grands hôtels du centre-ville.
Les conditions de détention y sont moins spartiates. Ce camp de Vittel est libéré le 12 septembre 1944 par la 2ème D.B du Général Leclerc, sous les acclamations des sujets de sa Majesté.
Plusieurs témoignages concordent. La femme de Goering et celle d’Himmler auraient inspecté le camp de Besançon, mandatées par la Croix-Rouge allemande. Quelle est la réalité de cette visite ? Interpelé à la Chambre des Communes sur le nombre de décès à Besançon, pendant la détention des sujets britanniques, Anthony Eden répond le 20 mai 1942 qu’à sa connaissance, seuls 24 morts étaient à déplorer.
Une des 9 tombes visibles au carré militaire de Saint-Claude
Le « casting » des internées de la Caserne Vauban réserve des surprises ; ainsi Margaret Kelly, danseuse franco-irlandaise, fondatrice des « Bluebell Girls » du Lido de Paris en 1932.
Internée à Besançon, son mari, pianiste juif roumain parvient à la faire libérer. Il est interné à son tour au camp de Gurs. La Résistance l’aide à s’enfuir. Margaret le cache à Paris jusqu’à la Libération au péril de sa vie. Elle a inspiré le personnage interprété par Catherine Deneuve dans le film « Le dernier métro » de Truffaut (1980). Elle meurt à Paris en 2004 Elle était décorée de la Légion d’Honneur et de l’Ordre de l’Empire britannique. –
Pour ne pas oublier cet internement de décembre 1940 à avril 1941 une plaque commémorative a été gravée il y a 17 ans pour la visite d’une délégation britannique. Elle attend toujours au Musée de la Résistance sa pose dans l’écoquartier.
Dans un prochain article, Christian Mourey évoquera l’explosion de la lunette de Charmont, la participation du 60 e Régiment d’infanterie à la guerre de 1914-18, l’histoire de Julien Vachey et la fresque de Pierre Duc dans la salle égyptienne
Revoir l’article de Jordan Lahmar Martins : des milliers de civils britanniques internés à la caserne Vauban