Et si on refaisait l’histoire des Chaprais (suite)
Les Chaprais uchroniques et la vie de ses habitants (2)
Les deux Chaprais
Les Chaprais ont la réputation d’être un quartier avec une certaine mixité. Mais qu’en serait-il dans notre uchonie ?
« Le Siècle, 13 mars 2021
Chapraisien, des larmes aux rires,
35 rue de Belfort, Pierre et sa femme Laura tous deux 34 ans, ouvrent leur librairie, la seule de cette partie des Chaprais. Il est 9 heures et l’un des salariés du couple, Fred, ouvre les grillages de la librairie qui fait également office de café et d’épicerie. « Notre commerce est un lieu de vie pour tous, nous sommes ouverts sept jours sur sept de neuf heures à vingt heures. Nos habitués aiment ce mélange des genres. » note Pierre. Effectivement, avant la crise sanitaire, il était courant de voir une table discuter de foot autour d’un apfelschorle, la boisson importée par l’immigration suisse tandis qu’à côté une dame se faisait conseiller un livre de littérature scandinave.
Dans cette partie du quartier, plusieurs commerces ont fermé, la faute à des loyers qui augmentent, à une gentrification qui ne dit pas son nom mais qui avance à petit pas. « Il y a encore une dizaine d’années quand nous avons ouverts, il y avait vraiment une vie de quartier, les ouvriers du Che ou les retraités étaient encore légion, il y avait un vrai esprit chapraisien » ajoute Laura en train d’aligner des boissons en vente libre.
Qu’est-ce que l’esprit chapraisien ?
Une ancienne du quartier, Raymonde, 87 ans tente de l’expliquer : « C’est un mélange entre culture ouvrière et culture locale. Les ouvriers étaient nombreux à la sortie des manufactures horlogères, de l’usine Chevrolet et de la Rhodia, on se retrouvait ici et nous faisions régulièrement des fêtes, tout le monde se connaissait. Un vrai esprit de village ».
Mais tout cela, c’était avant, avant que les « Chaprais de la rivière » décident de s’étendre derrière les usines de Chevrolet et les dernières manufactures horlogères. A la fin du XIXème siècle, la cité est en pleine croissance industrielle. Plusieurs entrepreneurs décident de développer le potentiel touristique du quartier. Des infrastructures très connues sortent de terre : le casino et son hôtel, le parc Micaud,. Ce développement s’accentuera avec la création de quelques dizaines de villas tenues par de riches citoyens d’origine alsacienne ou suisse. Encore aujourd’hui, selon l’enquête annuelle du CCAS de Besançon, cette partie du quartier est habité à 65% par des cadres.
Le développement de l’industrie horlogère et de l’usine de Chevrolet va cependant casser cette dynamique en direction des quartiers des Vaites. Derrière ces entreprises, les cités ouvrières vont être construites dès les années 20, les Chaprais touristiques ne se contentant que de la colline de Bregille connue pour son panorama et son célèbre funiculaire qui relie la gare de Besançon-Mouillère et les hauteurs de la ville. Ces Chaprais populaires constitueront un ilot densément peuplé pendant plusieurs décennies dans le quartier.
Le casino et son restaurant, emblématique de la richesse des Chaprais.
La crise des années 70 a entrainé la fermeture de plusieurs sites de production. Dès les années 1980, les programmes de réhabilitation ont permis aux Chaprais riches de poursuivre son développement. Puis en 2012, les deux parties résidentielles du quartier ont été reliés. Depuis, de nombreux achats sont réalisés à des fins locatives type « Air Bnb » dans la partie populaire du quartier. Ces investissements entrainent une hausse continue des prix et également un dépeuplement de la zone. L’architecture si particulière de ces bâtiments dont beaucoup sont d’avant-guerre contribue à en faire un lieu d’attraction à Besançon.
« Le quartier est clairement en train de mourir une bonne partie de l’année » déplore Agathe, ancienne ouvrière à Chevrolet qui a ouvert il y quatre ans un restaurant de spécialité suisse et comtoise. « Avant les confinements, l’été les touristes consommaient quelque peu dans le coin, nous pouvions réaliser un chiffre d’affaires intéressants mais le reste de l’année, les autres bisontins viennent peu ici et notre quartier se dépeuple pour laisser place à des logements vacants, ce n’est pas bon pour nous. »
Difficulté de concilier tourisme, la métropole de Besançon a accueilli soixante mille nuitées en 2019, et vie locale est un des défis majeurs de la nouvelle municipalité.
Maxence Pourchot.
En réalité ?
La réalité est tout autre, malgré des écarts de revenus, le quartier des Chaprais est l’un des quartiers les plus homogènes en terme de revenus à Besançon. L’étude annuelle du CCAS sur l’analyse des besoins sociaux en 2019 a cependant noté « une hausse significative des ménages à bas revenus » entre 2012 et 2016 sur l’unité territoriale Chaprais-Cras. Comme dans la ligne temporelle évoquée précédemment, Besançon-les-Bains a été l’un des principaux dynamiseurs dans le développement du quartier. Enfin de nombreuses industries automobiles, horlogères,… ont existé aux Chaprais avant de péricliter tout au long du XXème siècle.
Un mot sur le tourisme comtois, qui est peu développé. La région ne comptait en 2015 que 25000 nuitées. En matière d’hébergement, le quartier des Chaprais n’est pas en reste puisque plusieurs hôtels y sont recensés.
Mais les sites touristiques sont peu nombreux.