Incendie rue des Chalets, une usine Lipmann détruite…. C’était en novembre 1918

Incendie rue des Chalets, une usine Lipmann détruite…. C’était en novembre 1918

Dans le journal quotidien l’Eclair Comtois du 23 novembre 1918, on pouvait lire :

Violent incendie

Dans la nuit de vendredi à samedi, vers 10 heures un violent incendie s’est déclaré rue des Chalets, derrière la gare de la Mouillère, dans une vaste usine située à proximité du dépôt de charbon et de la clinique Heitz, vis-à-vis usine Lipmann et appartenant également à la même firme. On y confectionnait les boutons à pression.

On ignore encore comment le sinistre a éclaté quand on s’en est aperçu tout le bâtiment était déjà en flammes et les pompiers rapidement arrivés n’eurent d’autres soins que de préserver les bâtiments voisins, ce qui nécessita de leur part un travail très actif et très difficile, l’eau étant gelée dans les conduites.

Ils y réussirent cependant à une heure du matin, après de constants efforts, l’incendie était complètement circonscrit. Seul, le bâtiment Lipmann s’est écroulé.

Sur les lieux remarqués Monsieur le Maire, M. Le commissaire central et de nombreux officiers.

Un détachement d’artillerie avait joint ses efforts à la compagnie des sapeurs-pompiers dirigés par M. Hugenschmidt, capitaine et M. Thieulin sous-lieutenant.

On nous a signalé la conduite des sergents Grenet et Bardot et du caporal Bessonnet

Nous ignorons la valeur des pertes.

incendie nov 18 Lipmann

 

Dans son numéro paru le lendemain 24 novembre 1918 :

L’incendie de l’usine Lipmann

Détails complémentaires

C’est vers 10 heures du soir que l’incendie s’est déclaré dans le bâtiment servant à la fabrication des boutons à pression, appartenant à M. Lipmann rue des Chalets et dont la fabrique d’horlogerie se trouve située en face.

Les premières lueurs de l’incendie furent aperçues au 2° étage de l’immeuble touchant d’une part une maison appartenant à M. Cain Henri, fabricant de guêtres et d’autre part à la maison de M.  Sommery négociant en vins.

Dès que l’alarme eut été donnée, les pompiers arrivèrent sur les lieux avec la pompe automobile et s’employèrent de leur mieux à combattre le sinistre malgré la pression d’eau qui au début était insuffisante pour alimenter la pompe automobile. Le feu qui se propageait avec rapidité ne tarda pas à embraser tout l’immeuble, menaçant la maison voisine. L’immeuble de M. Cain et celui de M. Sommery purent être préservés ainsi que de petits corps de bâtiments adjacents au rez-de-chaussée de l’immeuble incendié lesquels renfermaient les principales machines et l’outillage servant à la fabrication des boutons à pression.

Les dégâts en ce qui concerne six corps de bâtiment sont peu importants et les machines sont intactes, sauf les détériorations produites par l’eau. Du bâtiment incendié il ne reste plus que les quatre murs. Les machines qu’il renfermait ont beaucoup souffert et sont pour la plupart inutilisables. Une grande quantité de marchandises prêtes à être expédiées sont en partie détruites ou détériorées.

Il n’a pas encore été possible d’établir d’une façon certaine quelles sont les causes du sinistre. On croit pouvoir l’attribuer à un court-circuit. Les pertes sont très importantes et évaluées à plus de 100 000 Frs ; couvertes par des assurances à diverses compagnies.

Dans l’immeuble incendié, M. Lipmann employait un certain nombre d’ouvriers et d’ouvrières qui de ce fait vont subir un chômage forcé pendant un laps de temps non encore déterminé.

incendie Lipmann nov 18

Le concurrent et adversaire de l’Eclair Comtois, Le Petit Comtois, donne pour sa part, aux mêmes dates, des renseignements intéressants. Ainsi alors que l’Eclair Comtois indique dans sa première version de cet  incendie que l’eau avait gelé dans les tuyaux (ce qui paraît surprenant pour un 22 novembre !), il est question cette fois d’un manque de pression.

Le Petit Comtois du 24 novembre 1918 nous éclaire un peu plus sur ce point :

Nous avons dit hier que l’eau manquait au début de l’incendie. Par la suite de la rupture d’une conduite d’eau dans ce quartier, accident qui eut lieu dans l’après-midi, il avait été décidé de fermer les conduites en attendant les réparations. C’est ce qui fut fait, et c’est ce qui explique le manque d’eau au début de l’incendie.

L’employé chargé de l’ouverture des vannes s’acquitta de sa mission dès qu’il fut prévenu, mais à ce moment le foyer de l’incendie était tel que les pompiers ne purent que préserver les bâtiments voisins.

Le tocsin fut sonné à Saint-Pierre et dans la plupart des églises.

Autre précision donnée : cette usine est dirigée par M. Camille Lipmann, le frère d’Ernest qui lui dirige l’usine d’horlogerie située en face, de l’autre côté de la rue. Et ce journal évoque, en ce qui concerne les pertes, la somme de 200 000 Frs.

La publicité Lip après la victoire

Enfin dans son édition du 26 novembre 1918, Le Petit Comtois publie ceci :

Echos de l’incendie de vendredi soir. –

Nous avons reçu la lettre suivante :

Monsieur le rédacteur en chef

du Petit Comtois

Nous nous permettons d’avoir recours à votre organe pour adresser publiquement nos remerciements à toutes les personnes civiles et militaires qui ont bien voulu contribuer à l’extinction de l’incendie qui a détruit une partie de notre fabrique. Dans la mesure de leurs moyens, tous ont fait leurs devoirs. Nous citerons d’une façon tout à fait particulière la poignée de pompiers dirigés par le commandant Dodivers, assisté du capitaine Hugenschmidt et du lieutenant Thieulin.

Avec nos remerciements nous vous prions de bien vouloir, Monsieur le rédacteur en chef l’assurance de nos sentiments les plus distingués.

Le Directeur commercial

incendie Lipmann nov 18

Au-delà des faits eux-mêmes rapportés ces deux organes de presse et soulignent la présence de deux officiers de sapeurs-pompiers chapraisiens le capitaine Hugenschmidt dont l’entreprise était rue Belfort et le lieutenant Thieulin dont le garage était installé avenue Fontaine Argent. Revoir un précédent article sur le manque d’eau lors d’un violent incendie rue de la Mouillère  en 1913

Ce qui peut également retenir notre attention c’est cette fabrication de boutons pression.

Nous avons demandé à des historiens plus compétents que nous de nous dire si cette fabrication était liée à l’horlogerie. Il ne semble pas. La publicité concernant un bracelet montre Lip déjà en vigueur à l’époque démontre (c’est le cas de le dire !), s’il en était besoin, qu’il n’était pas utilisé.

pub bracelet montre Lip

Inventé dès le XIX° siècle, était-il, en cette fin de l’année 1918 utilisé par l’armée ? La question est posée, et nous l’avons posée également à l’association du Mémorial du Linge, à Orbey, dans les Vosges (à 25 km à l’ouest de Colmar) qui gère un musée inauguré en 1981, en témoignage du champ de bataille des Vosges, d’Alsace et du Val d’Orbey

http://www.linge1915.com/fr/accueil/

Si vous passez dans la région, cet été, ne manquez pas de vous y rendre !

Et merci beaucoup.

Contrairement à l’armée allemande où un certain nombre d’équipements utilisent des boutons pression dès l’avant-guerre (housse de gourde par exemple) l’armée française n’en fait pas usage.

Il n’y a guère qu’un seul exemple d’utilisation militaire avéré pendant la guerre, certaines pochettes destinées à la compresse anti-gaz C1 se fermant par deux boutons pression.

Maintenant il ne faut pas oublier que l’usage de cet accessoire vestimentaire est largement répandu dans le civil (attaches de bretelles, support-chaussettes, guêtres ….).

Gilles BERNARD

Pub montres Lip pour l'armée

Dans le premier article cité de L’Eclair Comtois, il est indiqué que dans le bâtiment voisin de l’usine Lipmann existait une fabrique de guêtres. Etait-ce le seul débouché ?

Il existe toujours aujourd’hui, en France, une grande industrie du bouton pression qui depuis 5 générations fabrique des boutons pressions, l’entreprise Albert Raymond ! Voir leur site web  : ARaymond: 150 ans

https://fr.araymond-150.com/5-generations-entrepreneurs

A noter, dans un autre ordre d’idée qu’un fait divers dramatique est rapporté dans ces journaux bisontins datés du 23 novembre 1918 :à Saint Ferjeux, une femme est écrasée mortellement par le tramway!

Après l’armistice du 11 novembre, cette fin de mois est bien sombre à Besançon.

Sources : Mémoirevive Besançon; musée mémorial Linge à Orbey (Vosges)

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