Shakespeare au CDN avec Antoine et Cléopâtre

Shakespeare au CDN avec Antoine et Cléopâtre

Six représentations de cette tragédie mise en scène par Célie Pauthe au CDN du 10 au 13 février


Dans Antoine et Cléopâtre, l’une de ses dernières grandes tragédies, Shakespeare peint un moment de bascule de l’Histoire. Une de ces déflagrations dont nous n’avons pas terminé, aujourd’hui encore, de ressentir les répliques. D’un côté, le couple éponyme, dont l’alliance est faite d’excès, de passion érotique, de narcissisme flamboyant ; face à eux, le jeune Octave, futur empereur Auguste, qui veut faire régner sur un monde unifié l’ordre, la mesure et la stabilité. Après avoir exploré l’épure racinienne avec Bérénice, Célie Pauthe réunit une troupe de treize comédiens, comédiennes et musiciennes, pour plonger dans cette œuvre aussi exubérante que crépusculaire.

La langue de Shakespeare, dans une nouvelle traduction d’Irène Bonnaud, précise et charnelle, aura pour contrepoints musicaux des chansons de Mohammed Abdel Wahab ou des poèmes de Constantin Cavafy, comme autant d’ouvertures sur un univers à réinventer. Car au-delà des derniers éclats d’une civilisation sur le point de s’éteindre, ce que Shakespeare explore, c’est le rêve fou d’une reine d’Égypte et d’un général romain qui ont cru qu’ils pourraient, à l’aube de notre ère, redessiner un monde où les notions mêmes d’Orient et d’Occident n’existeraient plus, mais se fondraient en une même hybridité originelle, indémêlable.


Antoine et Cléopâtre

Un extrait

Scène 1, Acte 1

Démétrius
Non vraiment, notre général est gâteux,
Ça déborde la mesure : ces yeux qu’il avait – superbes ! –
Quand il passait les troupes en revue
Étincelants comme l’armure de Mars…
Maintenant ils se baissent, maintenant ils tournent
Devoir et dévotion de leurs regards
Vers un front tanné ; son cœur de capitaine
Qui, au milieu des grands combats,
Au corps à corps avec l’ennemi, faisait craquer
Les boucles de sa cuirasse, oublie toute retenue
Et s’est changé en soufflet et éventail
Pour refroidir les chaleurs d’une garce d’Égypte.
Observez bien, et vous verrez en lui
Un des trois piliers du monde transformé
En bouffon d’une putain. Contemplez et voyez.


Cléopâtre
Si c’est vraiment de l’amour, dis-moi : combien ?
Antoine
Misérable l’amour qui peut être compté.
Cléopâtre
À moi de fixer la borne jusqu’où être aimée.
Antoine
Alors tu devras trouver un nouveau ciel et une nouvelle terre.

Texte de William Shakespeare
Traduction d’ Irène Bonnaud
Mise en scène de Célie Pauthe

L’avis de Célie Pauthe

L’union d’Antoine (le romain) et Cléopâtre (l’égyptienne) est doublement étonnante en cela qu’elle cristallise une dimension dionysiaque, faite de désordre, de passion, d’érotisme hautement inflammable, et qu’elle est également un rêve politique.
Elle tendait à redessiner la carte du monde connu à l’aube du premier millénaire de notre ère en une entité multipolaire où Alexandrie aurait pu devenir, à l’égal de Rome, l’un des centres d’une nouvelle organisation politique dans le sillage d’Alexandre Le Grand. Il s’agissait, ni plus ni moins d’agréger et de fusionner jusqu’à l’exubérance tous les héritages et les imaginaires dont ils sont issus, dans le creuset des civilisations égyptienne, hellénistique et romaine ; de métisser leurs Dieux jusqu’à en inventer de nouveaux ; d’imaginer un monde, en somme, où les notions mêmes d’Orient et d’Occident n’existeraient plus, mais se fondraient en une même hybridité originelle, indémêlable.


Durée: 3 h 45 (entracte compris) CDN Salle Karl Auer

  • Jeudi 10, vendredi 11, mardi 15 et mercredi 16 février à 19h00
  • Samedi 12 et dimanche 13 à 16 h


CDN statue de la danse

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