Qu’y avait-il jadis dans le secteur de la Cassotte ?
Histoire de la Grange Coulon, de John Acton et des deux Princesses
Une partie de ce texte a été publié sur le n° 40 du journal Vivre aux Chaprais. Voici la première partie
A la confluence des rues de la Cassotte et des Deux Princesses, au plan relief de 1722, la Grange Coulon, propriété résidentielle et exploitation agricole.
C’est une entrée de ville animée avec des commerces et des auberges dont celle des « Deux Princesses » dédicacée peut-être aux filles de Louis XV. A droite, le ruisseau Fontaine Argent.
La conquête française consommée, Besançon double sa population intra-muros au cours du 18ème siècle. Dans la Boucle, les étages sont surélevés, les cours et les jardins privés sont mis à contribution. Alors, en dépit des servitudes militaires interdisant toute construction à moins de 500 mètres de l’extérieur des fortifications, bourgeois, curés, militaires, magistrats… construisent rive droite leurs maisons de campagne.
La dénomination Grange Coulon apparaît encore sur le plan Bugnet de 1942
C’est ainsi qu’apparaît vers 1750, au 28 de la rue de la Cassotte, un joli pavillon qui accueille bientôt John Acton, né à Besançon en 1737, de parents immigrés irlandais. Il s’engage dans la marine française. Il passe au service du roi de Toscane où il sauve 4 000 Espagnols des navires arabes, ce qui lui vaut un poste de Ministre de la Marine puis des Finances au Royaume de Naples.
Disgracié, il meurt exilé en Sicile en 1808.
Ces maisons dites « de campagne » sont souvent remarquables, mais elles vont être victimes de la campagne de France de Napoléon. Marulaz est en charge de la défense de la ville face au blocus mis en place par les Autrichiens de janvier à mai 1814. Il fait raser 200 maisons de la banlieue pour ne pas qu’elles servent de point d’appui à l’ennemi. Besançon hors les murs est réduit à un alignement de tas de gravats.
La Mouillère et le parc Colombot sur un plan de 1848
Détruite la villa de l’architecte Claude Antoine Colombot rue de la Mouillère et son magnifique parc qui allait jusqu’à la rivière. Détruite l’habitation du brasseur Joseph Greiner à la Mouillère ainsi que la demeure de l’abbé Millot aux Chaprais. Certains en mourront de chagrin. Mais étonnamment la villa du 28 rue de la Cassotte est épargnée. Manque d’intérêt stratégique ? Solidarité de Corps ?
Objet d’une vente notariale en 1839, la Grange Coulon défraie la chronique municipale peu avant . Le Conseil est tout au retour des eaux d’Arcier. Ce dossier a occupé trois maires : Micaud, Brétillot et Convers. Les discussions s’éternisent. Les gens d’Arcier argumentent. Besançon n’a pas besoin des eaux d’Arcier. Les Bisontins ont la rivière, la source de la Mouillère (Isenbart) et Billecul en aval du Pont Saint-Pierre.
Billecul : en référence aux canards habitués du lieu en quête de nourriture le bec dans la vase et le croupion emplumé dressé vers le ciel
Au conseil du 22 juin 1836, le rapporteur de la Commission rappelle un incident fâcheux. Quelques années auparavant, deux tonneaux de goudron ont été déversés à la Grange Coulon et la pollution reparut aux deux sources les rendant inutilisables, à la grande colère de la population. Le responsable de l’entreprise fut traduit en Correctionnelle. Une analyse de ces eaux est effectuée en 1874 par Sainte-Claire-Deville, Président de la Faculté des Sciences, dans le cadre de l’alimentation en eau du quartier de Saint-Claude. Elle confirme leur piètre qualité, leur vulnérabilité et leur inconstance. Il faut tordre le cou à cette idée qui veut que le succès de la bière de la Mouillère (puis Gangloff) tenait à la qualité des eaux d’Isenbart.
L’affiche de la vente notariale de la Grange Coulon du 26 juin 1839 nous en apprend davantage sur la réalité de la propriété. La vente intervient à la requête de Laurent et Charles Monnot, suite au décès d’un troisième frère, Pierre Louis Monnot médecin, mort en Louisiane, Etats-Unis.
La maison se compose d’une cave voûtée. Au rez de chaussée, 2 pièces sur la cour et 2 chambres sur le jardin. A l’étage, 4 chambres. Une grange avec écurie joint l’habitation. Au-dessus de cette grange, une petite chambre, un grenier à foin et un débarras. Adossé à la grange, un vaste hangar surmonté d’un grenier. Puis appuyés contre le mur de clôture, deux petits bâtiments contigus. L’un sert d’écurie, l’autre de chambre à four avec à l’étage, une chambre surmontée d’un colombier. Pour en terminer avec ce mur, signalons encore une hutte à porcs. Un jardin potager contigu à la maison est planté d’arbres fruitiers en plein rapport. Des treilles garnissent une partie des murs de la maison et de la clôture du jardin sur la rue. Cette partie de propriété est entourée de murs de clôture.
Elle est limitée à l’Est et au Sud par le ruisseau Fontaine-Argent. Un verger est affecté à ce premier ensemble. A ce verger, il convient d’en relier 4 autres appuyés sur le ruisseau et un pré au-delà sous Bregille. La Grange Coulon occupait 3 hectares 23.
Cette vente est certainement le prélude au démantèlement. En 1866, les Soeurs de la Charité de Besançon, congrégation fondée par Jeanne Antide Thouret ouvrent entre le chemin Fontaine Argent et les rues de la Cassotte et des Deux Princesses, Saint-Vincent des Chaprais, une école et un pensionnat pour 120 internes.
A suivre …
Rappelons que des réunions sur l’histoire du quartier des Chaprais ont lieu au Centre Pierre Mendès France
Celle du 19 mai était consacrée notamment à la rue de la Cassotte après une conférence de Delphine Lantuas sur l’histoire de la rue de Vittel