Poisson d’avril ? Non une nouvelle Uchronie

Poisson d’avril ? Non une nouvelle Uchronie

La Suisse des Chaprais
drapeau suisse

Extraits du journal L’hebdo, 1° avril 2021

La France Helvète, Besançon.

« Cela fera septante euros ». Combien de voyageurs suisses n’ont pas été surpris d’entendre cette expression dans des commerces bisontins ? Les helvétismes sont monnaie courante à Besançon et dans sa région. Selon des recherches de chercheurs de l’université de Besançon, près d’un bisontin sur trois est d’origine suisse. Le consulat suisse, situé avenue Fontaine Argent, traite des demandes quotidiennes.

Comment expliquer cette surreprésentation romande ? « Une très forte immigration a touché le centre de la Franche-Comté à partir des années 1860» relève Jean-Philippe Zoll, professeur à l’Université de Franche-Comté. « Une bonne partie des migrants suisses qui rêvaient de gagner l’Amérique faisait halte et souvent s’installait en trouvant des emplois à Besançon. De nombreux entrepreneurs à l’image de la famille Chevrolet se sont installés dans la région.

Ce phénomène de migration ne s’est tari réellement que dans les années 1920 si bien que près de 75000 Suisses se sont établis en Franche-Comté sur cette période. En 1921, les Suisses représentaient 7% de la population totale de la région, dans certains cantons, cette proportion montait aisément à 30 voire 35% de la population notamment autour de Besançon » Cette immigration a durablement marqué la région tant dans son parler que ses coutumes, l’Apfelshorle est par exemple devenu une boisson locale.

L’étude de l’Université de Franche-Comté apporte également des surprises quant à l’origine des immigrés. « Nous avions imaginés avant de commencer l’étude que les Romands seraient une écrasante majorité par les migrants. Or, force est de constater que les Alémaniques représentent près de la moitié des nouveaux arrivants. » note Mr Zoll. Parmi les arrivants, un certain nombre ont fondé des entreprises notamment dans les domaines horloger et agricole.

Dans cette dynamique, certains quartiers de Besançon ont été un facteur, un accélérateur de ce phénomène. Parmi ces endroits, le quartier des Chaprais. « Les immigrants suisses descendaient de train à la gare de Besançon-Mouillère. Beaucoup avait comme objectif de poursuivre la route, mais l’existence d’un véritable réseau helvète permettait de trouver un emploi assez facilement dans le quartier. Une réelle petite Suisse s’est créée aux Chaprais avec l’existence de cinq associations en lien avec la Suisse que ce soit dans le football ou l’aide aux arrivants. Ces organismes ont peu à peu structurés cette immigration et focaliser leur accueil dans le quartier et aux alentours. »

Les entreprises suisses créées en Franche-Comté ont profité de quelques capitaux outre-Jura et ont créé durant ces décennies des milliers d’emploi à travers toute la région. Un journal comtois de l’époque, « L’Etudiant » écrivait en 1889, « Quand une industrie comtoise périclite, une suisse la remplace »

Le « Miracle franc-comtois » comme le titrait l’historien Jean-François Salomon dans son livre éponyme en 1986, a eu des conséquences démographiques positives. Des territoires ruraux comme la Haute-Saône ont ainsi pu garder une part non négligeable de leur population. Lors de l’exode rural, la naissance de ces nouvelles industries dans des centres-bourgs comme Vesoul a contribué à fixer les paysans en ces lieux. De même, certaines activités de secteur ont pu se moderniser grâce à ce surplus de commandes, c’est notamment le cas de la métallurgie haut-saonoise qui a pu survivre et se restructurer avec l’afflux de commandes des industries automobiles et ferroviaires.

voie ferrée

Voie de train vers la frontière suisse

Mais cette dynamique n’a pas été sans provoquer son lot de conflits, de tensions sociales voire ethniques. Oubliées, les émeutes anti-suisses des Chaprais en 1894 reflètent ces moments de crise. « Les années 1890 ont été marquées par une montée du chômage en France et également en Franche-Comté. La presse nationaliste locale s’est emparée de cette thématique et a rejeté la faute sur les Suisses. Le 18 janvier 1894, le journal « Boulanger de Besançon »  [du général Boulanger, ndlr] a appelé ses lecteurs à manifester à travers la capitale comtoise deux jours plus tard. Chauffée par quelques agitateurs, la foule a traversé le quartier chapraisien et s’est alors attaquée à tout ce qui ressemblait de près ou de loin à la Suisse ». Bilan de ces émeutes : 2 morts et 18 blessés dont 12 ressortissants suisses.

Dès le lendemain, l’ambassadeur de France à Berne a été convoqué pour des explications. Au prix d’excuses officielles et de quelques indemnités pour la communauté suisse bisontine, l’affaire a été passée sous silence. Ce méfait n’a cependant pas arrêté l’immigration helvète puisque dans les décennies suivantes, près de vingt-cinq mille ressortissants de Berne se sont installés en Franche-Comté. La Grande Guerre a nettement ralenti les flux : le développement de la Suisse, la peur d’être mobilisé pour les binationaux a favorisé le départ de plusieurs milliers de confédérés vers d’autres contrées dont les Etats-Unis.

train wagon

Image d’un train en provenance de Besançon, avril 1977, archives journal

Jean-François Zoll conclut « Aujourd’hui, la Franche-Comté et ses 1.8 millions d’habitants doit énormément aux petits ouvriers agricoles du Valais, aux fabricants d’horloge venus des montagnes jurassiennes. Chaque comtois est tributaire de cette histoire »

 

Qu’est-ce qu’une uchronie ?

Un exercice littéraire et historique qui réécrit l’Histoire en partant d’un point de divergence. Imaginons que les Français tiennent sur la Meuse en 1940 ? Vivrions-nous encore en IIIème République ?
Imaginons que Napoléon remporte la campagne de Russie, serions-nous encore dans un régime impérial ? C’est en tout cas le thème de la première uchronie écrite par Charles Renouvier en 1857.
Vous l’aurez compris les uchronies peuvent prendre une multitude de formes mais beaucoup d’entre elles ont un cadre national ou international. Aujourd’hui, nous vous proposons dans un cadre régional et local, imaginons que notre point de divergences parte d’un petit changement de lieu dans le quartier des Chaprais et c’est le développement de toute la région qui change….

Voir le premier article sur la gare à la Mouillère, sur Chevrolet aux Chaprais

Et en réalité ?

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