Vital Dreyfus, un passeur chapraisien

Vital Dreyfus, un passeur chapraisien

Vital Dreyfus, un chapraisien, médecin et résistant



Mars 1943 à la frontière franco-espagnole. Dans les Pyrénées catalanes, l’hiver se lève peu à peu dans cette région épargnée par les turpitudes de la guerre. La neige fondue fait cependant apparaître des drames résultant du conflit mondial. Un corps sans vie est retrouvé.
La malheureuse victime était-elle un réfugié ? L’identité de cette personne est vite connue, c’est un homme né à Besançon en 1901 qui se nomme Vital Dreyfus. Les Espagnols en informent les autorités françaises. Comment cet homme s’est-il retrouvé ici ? Retour sur l’identité d’un résistant bisontin.


Vital Ferréol Jules est né le 20 octobre 1901 dans la capitale comtoise comme en atteste cet extrait d’acte de naissance. Vital est un prénom rare. Depuis 1900, il a été donné à moins de 2300 garçons. La plupart nés avant la première guerre mondiale. Les amateurs d’Histoire locale remarqueront le deuxième prénom de Vital, Ferréol, l’un des deux saint-patrons de Besançon. Quand au nom de famille de l’intéressé, rien n’indique qu’il soit issu de la parenté du célèbre capitaine.



Une famille originaire d’Alsace


Les parents de Vital sont d’origine alsacienne. Le père, Marcel Victor Dreyfus, fils d’un horloger alsacien est médecin. Il est membre en 1889 de la Société d’émulation bisontine et est chapraisien une bonne partie de sa vie. On le retrouve, rue de la Mouillère en 1893 ou encore rue de la Cassotte en 1912.
ex clinique de la Mouillère
Ce qui reste en 2020 de la clinique de la Mouillère entourée de constructions plus récentes

Au vu de la première adresse, il est légitime de penser qu’il devait exercer au sein de la clinique située rue de la Mouillère. Il disparaît en 1914.

La mère de Vital, Stéphanie Lévy est née le 21 août 1866 à Saverne, elle est la fille de Jules, greffier de la justice de paix et de Pauline Gerschel. La famille maternelle est implantée depuis au moins plusieurs générations en Alsace.

Vital passe donc les premières années de sa vie dans le quartier des Chaprais. Orphelin de père à 13 ans, il n’en suit pas moins les traces paternelles en commençant à son tour des études de médecine. Il partage dès lors sa vie entre Paris et sa région natale. Devenu médecin généraliste, il s’établit définitivement à Paris dans les années 30. S’il soigne la santé des autres, l’état physique du néo-médecin n’en est pas moins fragile, il est réformé de l’armée en raison notamment de problèmes pulmonaires importants qu’il subit depuis au moins l’adolescence.
Ses soucis de santé semblent cependant être à l’origine de sa rencontre avec sa femme, Marguerite Petite. En effet, Vital se retire à quelques reprises pour sa santé aux Hôpitaux-Neufs. A côté de cette commune se trouve Touillon-et-Loutelet, le village de sa future femme Marguerite. Le couple se marie à Paris XVII en 1931. A cette époque, les jeunes époux habitent au 92 rue de Lévis dans un immeuble d’un certain standing. Le couple a deux enfants.
rue Lévis Paris

Quelques années plus tard, Vital participe à une conférence sur le vin en Bourgogne en 1936. Dans son exposé, il confronte le vin aux habitudes alimentaires des patients. Il apparaît comme la plupart des praticiens présents à ce colloque de septembre 1936 comme partisan d’une consommation régulière de vin.


Comme ses contemporains, la vie de Vital est bouleversée par la Seconde Guerre mondiale. Malgré ses 38 ans et surtout handicapé par ses problèmes, il se réengage dans le corps médical de l’armée comme en atteste la photo ci-après. Il est alors nommé médecin-chef du 17ème secteur de la défense passive de Paris. Ces sections créées en 1935 ont pour but de protéger la population civile contre les attaques aériennes.
Vital Dreyfus
Engagé en avril, il va voir l’écroulement de la France le mois suivant. Dès lors, il s’engage progressivement dans la Résistance. Son combat se réalise notamment autour de l’un de ses amis, Jean Weidner, entrepreneur et célèbre résistant néerlandais. Weidner et Dreyfus ont pu se rencontrer ou se retrouver à la fin des années 1930 quant l’industriel néerlandais a lancé une activité à Paris.
L’hollandais est surtout connu comme cofondateur du réseau de résistance « Dutch-Paris ». Ce mouvement de résistance a pour objectif de permettre l’évasion de réfugiés, d’aviateurs,… Comme le nom du réseau l’indique, ce sont principalement des personnes de nationalité néerlandaise qui sont les bénéficiaires de ces transports. L’essentiel des trajets partent du nord de la France ou du futur Benelux pour ensuite atteindre l’Espagne en passant par Paris et l’Espagne ou la Suisse.
Franc-Comtois et proche de Weidner, Vital entre dans le réseau de son ami. Bien qu’habitant à Paris, Dreyfus utilise ses racines comtoises pour faciliter les évasions en accompagnant lui-même certains réfugiés. Il en fait de même à la frontière espagnole. Fin 1942, Weidner demande à son ami chapraisien de se rendre au Royaume-Uni afin de contacter les autorités néerlandaises. Le but de ces échanges est pour le chef du réseau d’améliorer les communications et les transports du réseau.
Vital se résout à quitter la France pour réaliser cette mission. Il traverse la frontière espagnole, mais ne parviendra pas à atteindre son objectif. Il décède selon toute vraisemblance à cause des conditions climatiques et peut-être également par la méconnaissance de la région.


A son sujet, certaines sources françaises déclarent que Vital Dreyfus est mort « fusillé par les Allemands »
Vital Dreyfus
Or son état-civil indique bien qu’il est décédé en territoire espagnol, il n’est donc pas possible qu’il ait été arrêté par les autorités nazies.
L’action de Vital et de son réseau a permis de sauver plus de huit cent juifs principalement néerlandais et une centaine d’aviateurs. En 1950, Vital est décoré à titre posthume par les Pays-Bas, la croix de la Résistance pour sa participation au réseau de Weidner. Il est également reconnu mort pour la France.
Veuve, Marguerite Dreyfus ne se remariera jamais, elle décédera à Besançon en novembre 1978. Pour sa part, Johan Weidner survivra au conflit alors qu’il a été l’un des résistants les plus recherchés de France surtout après une évasion. Il partira en 1955 aux Etats-Unis où il mourra en 1994.