Lectures de vacances : 7 livres coups de coeur

Lectures de vacances : 7 livres coups de coeur

Compte rendu de la rencontre lecture du mercredi 9 septembre 2020

Parmi les activités de l’association Vivre aux Chaprais, les rencontres pour échanger des Coups de coeur de lecture sont régulières

Réunion lecture septembre 20

Malgré l’absence de l’animatrice clouée par un lumbago récalcitrant, six lectrices se sont retrouvées le mercredi 9 septembre, afin d’échanger sur les livres marquants pour chacune, des semaines estivales.
Voici ce qui a été présenté :

-Vers le Phare de Virginia Woolf
– Un atlas de Anuradha Roy
-Le coeur de l’Angleterre de Jonathan Coe
-Ainsi vont les filles d’Agatha Christie
-La commode aux tiroirs de couleurs
-Gabriële de Claire et Anne Berest
-Âme brisée de Akira Mizubayashi

Livres coups de coeur été 2020

Danièle a présenté :

Vers le phare de  Virginia Woolf

L’auteure : Romancière anglaise née en 1882 dans une famille recomposée de la haute société londonienne ( ses 2 parents étaient veufs) dans un environnement culturel et littéraire. Elle se suicidera en 1941.

V Woolf phare
«Vers le phare » ( to the lighthouse) est son 5e roman.

C’est le plus autobiographique de ses romans, en particulier dans les portraits qu’elle réalise de Mme Ramsay, la mère, et de Mr Ramsay, le père. Lily Briscoe serait assez proche de sa propre personnalité. Il est aussi parsemé de ses souvenirs d’enfance.
La structure du roman m’a beaucoup plu. Il se compose en effet en trois tableaux, faisant écho au tableau inachevé de Lily, représentant trois époques. Des tableaux qui représentent tous cette maison de vacances dans les iles Hébrides, au large de l’Écosse.
Dans le premier tableau, intitulé « la fenêtre », la partie la plus longue, on assiste au déroulement d’une journée, par le flot des pensées des différents personnages présents dans cette maison : va-t-on aller au Phare le lendemain ou non ? Cruciale question…Mme Ramsay, la mère, est le personnage central : elle exerce un grand pouvoir de séduction sur famille et amis. Le regard y joue un rôle important.
Dans le second tableau, intitulé «  Le temps qui passe », demeure cette maison, à présent abandonnée de ses occupants, et qui voit défiler les saisons, puis les années. Impressions fugitives du temps qui passe, à peine entrecoupées du récit bref des événements qui ont marqué la famille. Un drame, puis deux, puis trois, surviennent. Mais rien de tout cela n’est au premier plan, ce qu’il advient de la famille reste anecdotique puisque le récit se concentre tout entier sur cette maison, altérée par le temps qui passe et l’absence. Cet entre temps est celui de la 1ere guerre mondiale
Enfin, le troisième et dernier tableau, «  Le phare », voit le retour de la famille dans cette maison, et une promesse enfin honorée, mais pas avec les mêmes personnages, accompagnée de la même animosité vis-à-vis du père, dix ans plus tard.
Ce qui m’a plu :
Ces personnages sont comme seuls au milieu des autres . Chacun garde aussi une part mystérieuse. Nombreux monologues internes dans l’inaction faits de commentaires à des faits ou des dires, ou des pensées refoulées décrits dans le roman. Il ne se passe rien ou presque rien mais il m’a fait réfléchir.

Katherine a rendu compte de :

Un Atlas de l’impossible de Anuradha Roy

A Roy Atlas de l'impossible

Anuradha Roy 2008, France 2011
Anuradha Roy, née en 1967, est une auteure indienne qui écrit en anglais, mais vit en Inde. Très engagée. A récemment pris position contre le nationalisme de Modi et sa gestion du coronavirus. Dernière publications : Toutes ces vies jamais vécues (2020 en France)
Une histoire de famille qui se déroule sur plusieurs générations, entre 1907 et1957, et aussi une histoire d’amour fou.
Les deux premières parties (la moitié du récit) sont écrites à la troisième personne. La première centrée sur le personnage d’Amulya qui, en 1907, a quitté Calcutta pour Songarh pour fonder une fabrique de médicaments et parfums, Songarh est perçu comme un lieu perdu par les gens de Calcutta, mais va se développer économiquement au fil du temps. La deuxième partie est centrée sur la complicité enfantine entre Bakul, la petite fille d’Amulya (dont la mère est morte lors de l’accouchement et dont le père, Nirmal, archéologue, est souvent absent) et Mukunda, un orphelin qui avait été pris en charge par Amulya. Cette partie s’achève sur la séparation des deux adolescents : Mukunda est envoyé dans un collège de Cacutta. Le dernier volet du récit est pris en charge par un personnage : c’est Mukunda, devenu jeune adulte qui prend la parole, il vit à Calcutta et va raconter la suite des péripéties qui finalement l’amèneront à retrouver Bakul.
L’histoire, très romanesque, est attachante, de nombreux personnages dont on a envie de suivre l’évolution, en particulier les personnages féminins, par exemple Kananbala, la femme d’Amulya, révoltée contre l’exil et la solitude que lui a imposés son mari (même un changement de langue : l’hindi et non plus le bengali). Au fil du temps elle deviendra à la fois folle et hyper-consciente, finira quasiment séquestrée tout en communiquant avec une voisine excentrique : Mme Barnum. Au total, beaucoup de notations sur le statut de la femme indienne.
Il est aussi question des castes puisque Mukunda est d’une classe indéterminée, sûrement basse et c’est en fait la raison pour laquelle, devenu adolescent, il est éloigné de Bakul. La dernière partie du roman, celle où Mukunda est narrateur, élargit le champ de vision, d’autant plus que l’action se situe principalement à Calcutta : moment des massacres interreligieux, de la partition Inde Pakistan, de l’exode des musulmans. Mukunda, qui vivait chez un couple musulman, va rester dans leur maison et même l’habiter avec sa femme. Par son travail dans un entreprise de construction, il peut observer toutes les magouilles de rachat et destruction de maisons ( et c’est même à cette occasion qu’il va retrouver le contact avec Bakul).
Le titre est plus explicite en anglais : An atlas of impossible longing, un atlas du désir impossible. Les désirs de Mukunda, bien sûr (cf p. 296) mais aussi ceux de Bakul, ceux de Kananbala, la femme d’Amulya, ceux de Nirmal et Neerma, une jeune veuve surveillée par l’entourage. Beaucoup de frustration, mais malgré tout un happy end.

Sandrine a aimé :

Ainsi vont les filles d’Agatha Christie (publié sous le pseudonyme de Mary Westmacott)

Ainsi vont les filles AC

On ne présente plus Agatha Christie (1890-1976), auteure anglaise de nombreux romans policiers au succès mondial mettant en scène des héros comme Hercule Poirot et Miss Jane Marple (ce qui lui a valu le surnom de Reine du crime).
On sait moins en revanche qu’elle a également écrit une série de 6 romans sous le pseudonyme de Mary Westmacott. Pas d’intrigues policières ici, mais plutôt des romans plus intimes et psychologiques, parfois avec des éléments autobiographiques, mettant en scène des personnages (essentiellement féminins) en proie aux difficultés de la vie. Ainsi vont les filles est l’un d’eux.

Nous y faisons la connaissance d’Ann Prentice, une veuve d’une cinquantaine d’années, qui vit dans un appartement londonien avec sa fille adolescente, Sarah, et sa domestique et confidente, Edith. Lors d’un séjour en Suisse de Sarah, Ann fait la connaissance de Richard Caudfield et c’est le coup de foudre. Mais Sarah est fermement opposée à ce remariage…

Ce roman est très intéressant pour la psychologie de ces personnages et pour le traitement des relations mère-fille : Ann et Sarah sont deux figures complexes, on ne sait pas trop laquelle a raison, laquelle s’en sort le mieux de sa façon de traiter l’autre… Ces questions restent en suspens une fois le livre refermé, faisant d’ Ainsi vont les filles un roman assez marquant.
La construction du roman est par ailleurs très intéressante car elle évoque une intrigue théâtrale (découpage en 3 parties, intrigue se déroulant essentiellement dans un même lieu clos…). C’est d’ailleurs ainsi que l’auteure avait envisagé Ainsi vont les filles à l’origine, sous forme de pièce de théâtre. Et il a été adapté deux fois sous cette forme en Angleterre, la plus récente étant en 2009.

Catherine a présenté :

Le cœur de l’Angleterre de Jonathan Coe:

L’auteur :
Jonathan Coe est né en 1961 à Birmingham. Ancien élève du King Edward’s School à Birmingham et du Trinity College à Cambridge, il enseigne à l’Université de Warwick. En 1994, son quatrième roman, Testament à l’anglaise (What a Carve Up! or The Winshaw Legacy), virulente satire de la société britannique des années du thatchérisme lui vaut un important succès auprès du public et il obtient le prix John-Llewellyn-Rhys et le prix du Meilleur Livre Etranger en 1996.

Coe coeur de l'Angleterre

Le Cœur de l’Angleterre (Middle England)
Publié en 2018, ce douzième roman de J Coe est la première œuvre de fiction abordant le Brexit. On y retrouve les mêmes personnages que dans ses romans antérieurs : Bienvenue au club (The Rotters’ Club), et Le Cercle fermé (The Closed Circle). Cette trilogie traite des aventures d’un même groupe de personnes depuis leur dernière année de lycée jusqu’à l’âge mûr et forme une fresque du Royaume-Uni des années 1970 à 2018 avec les mutations profondes subies par la société entre ces deux dates.
Ce roman se présente comme une chronique d’avril 2010 à septembre 2018 dont les personnages sont les membres de la famille Trotter et leurs proches (époux et amis) :
Colin, le grand père qui vient de perdre sa femme,
Lois, fille de Colin qui ne s’est jamais remise d’un attentat en 1974,
Benjamin, frère de Lois, écrivain taciturne, qui tire sa notoriété d’un seul roman,
Sophie, fille de Lois, intellectuelle et universitaire, épouse d’un moniteur d’auto-école, Ian, son opposé, sportif, golfeur émérite…
Et tous les autres, leurs proches, parents et amis de jeunesse (devenus entre autres homme politique, journaliste, clown…).
Tous ces personnages sont partie prenante du contexte politique et social, celui d’une Angleterre tour à tour confiante et meurtrie, émeutes de 2011, JO de 2012 puis déchirure profonde du Brexit…

Mon avis
Un roman très agréable à lire, des chapitres courts, un style alerte et souvent empreint d’humour « british » qui nous offre une réflexion lucide sur l’évolution de la société anglaise, sachant mêler adroitement les destins individuels aux changements profonds de la société
« Ce qui m’intéresse, c’est de voir comment mes personnages romanesques peuvent être affectés par l’histoire et la politique », confie Jonathan Coe. Cette oeuvre essaie de répondre à la question : comment en est-on arrivé là ? Immigration, paupérisation, rupture entre la capitale et la province, fracture entre les classes supérieures et populaires.
C’est aussi une méditation teintée de mélancolie sur les relations humaines, l’amour et ses (des)illusions, sur le passage du temps. Ainsi le livre s’ouvre et se clôt par un « adieu », symbolisé par la chanson de Shirley Collins

Shirley Collins
Paroles de la chanson de Shirley Collins

Shirley Collins sings Adieu to Old England

Adieu to Old England, adieu,
And adieu to some hundreds of pounds.
If the world had been ended when I had been young,
My sorrows I’d never have known.
Once I could drink of the best,
The very best brandy and rum.
Now I am glad of a cup of spring water
That flows from town to town.
Once I could eat of good bread,
Good bread that was made of good wheat.
Now I am glad with a hard mouldy crust
And glad that I got it to eat.
Once I could lie on a good bed,
A good bed that was made of soft down.
Now I am glad of a clot of clean straw
To keep myself from the cold ground.
Once I could ride in my carriage,
With servants to drive me along.
Now I’m in prison, in prison so strong
Not knowing which way I can turn.
(repeat first verse)

Shirley Collins sings Adieu to Old England

Adieu to Old England, adieu,
And adieu to some hundreds of pounds.
If the world had been ended when I had been young,
My sorrows I’d never have known.
Once I could drink of the best,
The very best brandy and rum.
Now I am glad of a cup of spring water
That flows from town to town.
Once I could eat of good bread,
Good bread that was made of good wheat.
Now I am glad with a hard mouldy crust
And glad that I got it to eat.
Once I could lie on a good bed,
A good bed that was made of soft down.
Now I am glad of a clot of clean straw
To keep myself from the cold ground.
Once I could ride in my carriage,
With servants to drive me along.
Now I’m in prison, in prison so strong
Not knowing which way I can turn.

Françoise a présenté à distance :

La commode aux tiroirs de couleurs d’Olivia Ruiz

L’auteure:

Olivia Ruiz, nom de scène d’Olivia Blanc, est une auteure-compositrice-interprète,chanteuse, actrice, réalisatrice et romancière, née en 1980 à Carcassonne.
4 fois récompensée à des victoires de la musique ou spectacles et 3 fois nominée.

Sa famille maternelle d’origine espagnole a fui le franquisme vit à Marseillette dans le bar-tabac-salle de concert du village (lieu qui fera l’objet de son deuxième album)

Olivia Ruiz la commode

Synopsis

Elle vient d’hériter de son « Abuela », sa grand-mère décédée, d’une commode aux dix tiroirs aux couleurs de l’arc-en-ciel. Rita, sa grand-mère les surnommait ses renferme-mémoire. Avec ses cousins elle était fascinée par ce qu’ils devaient contenir. Elle détient maintenant les clefs de la commode et donc des non-dits et des secrets de famille. Une commode remplie des vies de quatre générations de femmes, des femmes chaudes, franches, si différentes, si vivantes.
Les objets trouvés dans cette commode vont laisser remonter les souvenirs de Rita qui devient la narratrice du récit ; une photo, quelques poèmes, un foulard bleu, un acte de naissance, des graines rangées dans un sachet, une enveloppe, un carnet de recettes. Tous ces objets vont aider la jeune femme à savoir qui elle est, le fruit de quels voyages, de quelles passions, de quels drames, de quelles blessures, de quelles joies et d’épreuves surmontées.
Olivia Ruiz possède une écriture pleine de finesse qui nous plonge dans l’histoire des quatre cent mille réfugiés espagnols qui ont fui la guerre civile en 1939 à travers la vie de Rita et de ses deux sœurs. La difficulté de s’adapter, le manque du pays, de cette vie qui n’est plus.
Ils sont qualifiés de « bêtes curieuses, ces Espagnols de merde, ils sont sales, ils puent. »

Rita, c’est aussi une jeune fille qui étouffe dans une routine monotone, elle qui rêve d’un ailleurs. Elle deviendra une femme forte, capable de surmonter les drames afin de donner à sa fille Cali tout ce qu’elle n’a pas eu, tout ce qu’elle est en capacité de lui donner

Extrait: «le souvenir c’est bien quand il porte. S’il te ralentit ou même te fige, alors il faut le faire taire. Pas disparaître. Juste le faire taire, car à chaque moment de ta vie, le souvenir peut avoir besoin que tu le réveilles pour laisser parler tes fantômes. Ils ont tant de choses à nous apprendre, si on se penche un peu sur ce qu’ils nous ont laissé»

Mon avis: Bien que comportant quelques imperfections, ce livre est rempli de charme et original par la façon d’aborder l’exil des espagnols anti franquistes et les conséquences sur leur vie. Une auteure à suivre si elle nous livre un prochain ouvrage.

Berthe a présenté :

Gabriële  de Anne et Claire Berest

Gabrielle de Berest

Résumé :
Septembre 1908. Gabriële Buffet, femme de 27 ans, indépendante, musicienne, féministe avant l’heure, rencontre Francis Picabia, jeune peintre à succès et à la réputation sulfureuse. Il avait besoin d’un renouveau dans son œuvre, elle est prête à briser les carcans : insuffler, faire réfléchir, théoriser. Elle devient « la femme au cerveau érotique » qui met tous les hommes à genoux, dont Marcel Duchamp et Guillaume Apollinaire. Entre Paris, New York, Berlin, Zürich, Barcelone, Étival et Saint-Tropez, Gabriële guide les précurseurs de l’art abstrait, des futuristes, des Dada, toujours à la pointe des avancées artistiques. Ce livre nous transporte au début d’un xxe siècle qui réinvente les codes de la beauté et de la société.
Anne et Claire Berest sont les arrière-petites-filles de Gabriële Buffet-Picabia.

Une femme de l’art
Il aura fallu du temps et du courage à Anne et Claire Berest pour écrire la biographie de leur arrière-grand-mère Gabriële, femme du peintre avant-gardiste Francis Picabia. Du temps, parce qu’elles ne connaissaient pas cette femme morte en 1985, à l’âge de cent quatre ans ; du courage, parce que déterrer Gabriële, c’était aussi exhumer des souvenirs de famille sensibles : le suicide très jeune de leur grand-père et la douleur de leur mère qui reprochait à cette femme de l’avoir été si peu.
Gabriële Buffet-Picabia a mené une existence incroyablement libre : elle étudie la composition musicale à Paris et à Berlin, avant de tout plaquer pour un ami de son frère, un jeune peintre doué qui se cherche au milieu des impressionnistes, et qui tombe sous le charme de son intelligence. C’est ainsi que cette musicienne passionnée se marie en 1909 avec Francis Picabia, qui devient l’un des fondateurs de l’art abstrait. Ensemble, ils vivent une union anticonformiste. Gabriële laisse son séducteur de mari collectionner les conquêtes et les voitures, tant qu’elle tient le premier rôle dans son cœur. Ils auront quatre enfants dont ils sont les piètres parents, privilégiant leur famille artistique. Sur ce plan-là, le couple brille de Paris à New York, en passant par l’Espagne, agrégeant un tourbillon de personnalités d’avant-garde : Marcel Duchamp, Apollinaire, Arthur Cravan, Gertrude Stein, Tristan Tzara…
Dans l’ombre, une histoire de famille
Malgré cette vie romanesque à souhait, les auteures n’ont eu conscience que tardivement de leur filiation, parce que l’histoire de leur famille était enfouie sous le silence et la rancœur. Sans sa femme spirituelle et cultivée, Picabia n’aurait sans doute pas été le peintre qu’on connaît ; par amour pour lui, elle a tout supporté : ses infidélités, ses troubles bipolaires, ses caprices et ses découragements, tout au détriment de ses enfants. En effet, Gabriële a vécu la maternité comme une contrainte dont elle ne s’est jamais laissé entraver, préférant à tout autre chose sa liberté. Les sœurs Berest saisissent une personnalité fuyante dans une époque en pleine mutation, se mettant elles-mêmes en scène au fil de cette enquête familiale qui découvre un portrait de femme envoûtant.
Aline Sirb
Une personnalité généreuse et subversive.
Gabriële Buffet-Picabia (1881-1985), musicienne et intellectuelle de génie du mouvement Dada, est une figure majeure de l’art moderne. Plus connue pour avoir été l’épouse du peintre Francis Picabia, l’amante de Marcel Duchamp, l’amie de Guillaume Apollinaire ou de Edgar Varèse, elle laisse derrière elle une œuvre mal connue que viennent éclairer de récents ouvrages[1].
Dotée d’un esprit d’indépendance extraordinaire, la « bête noire de la famille », passionnée de randonnée en haute montagne, fuit le mariage organisé par ses parents pour intégrer à 17 ans une école de musique parisienne d’avant-garde, la Schola Cantorum. Toujours sans leur accord, Gabriële part ensuite à Berlin pour continuer ses études. Poursuivant la voie exigeante de la composition et de la musique abstraite (alors presque exclusivement réservée aux hommes), Gabriële reste célibataire et gagne sa vie en jouant dans des concerts.
Quand elle rencontre Francis Picabia en 1908, à 27 ans, il en tombe immédiatement amoureux. Peu intimidée par son style « absolument contraire à [sa] conception des arts » et sa réputation flatteuse, elle lui suggère de créer une peinture d’un genre nouveau en suivant des « raisonnements musicaux ». L’année qui suit est celle de leur mariage et de la première peinture abstraite de Picabia, quatre ans avant Kandinsky. Il rompt avec l’Impressionnisme, qui « faisait mal au cœur » à Gabriële, pour explorer « une peinture située dans l’invention pure qui recrée le monde des formes suivant son propre désir et sa propre imagination »[1].
Sans regrets apparents, Gabriële abandonne son début de carrière prometteur et dévoue sa vie et ses écrits à son mari et d’autres artistes. Dépassant le modèle de la muse, elle se fait l’instigatrice, la guide et la mentor d’une vision révolutionnaire de l’art, libéré des conventions. Celle dont le « cerveau érotique » fait tourner les têtes de son époux, de Guillaume Apollinaire, fidèle ami du couple, de Marcel Duchamp et d’Igor Stravinsky, ses futurs amants, reste dans l’ombre et met en scène les vedettes de l’art moderne.
Après leur divorce en 1930, Gabriële et Francis entretiennent une correspondance régulière jusqu’à la disparition du second une vingtaine d’années plus tard. Leurs quatre enfants sont confiés à des gouvernantes ou à des proches, ce qui valu à leur mère maints  reproches. Après leur rupture, Gabriële retourne à New York où elle vit une relation exclusive avec Marcel Duchamp. Elle y avait rencontré quelques années plus tôt la styliste et couturière Elsa Schiaparelli et l’avait convaincue de s’installer à Paris. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, Gabriële s’engage dans le réseau de résistance Gloria SMH créé par leur fille Jeannine et aide la femme de son fils Vicente à se cacher pour éviter la déportation.
Comme celles de nombreuses femmes artistes, auxquelles l’histoire a accordé peu d’attention, l’œuvre et la pensée de Gabriële Buffet Picabia sont l’objet de rares études scientifiques.
Ida Simon-Raynaud

Marie-France a aimé :

 Âme brisée  de Akira Mizubayashi

Auteur japonais né le 5 août 1951 à Sakata au Japon. Il commence ses études à Tokyo, puis à Montpellier et à Paris à l’ école normale supérieure de la rue d’Ulm. Il raconte son histoire dans le livre « Une langue venue d’ailleurs »

Ame brisée

« Âme brisée  » .
1938 au centre culturel de Tokyo quatre musiciens, un japonais ( Yu) et trois chinois, répètent le concerto pour violon Rosamunde de Schubert. Le groupe est composé de deux violons, un alto, et un violoncelle.
Un enfant japonais (Rei) de 11 ans accompagne son père (Yu) à la répétition.
Soudain des soldats font irruption dans ce lieu de culture. Yu est accusé d’être un « hikokumin » (traître à la nation) . Il joue de la musique occidentale avec des chinois.
Un des soldat balance le violon de Yu, (ce violon qui est l’oeuvre d’un luthier de Mirecourt) et l’écrase avec ses lourdes bottes. Puis les militaires embarquent Yu. L’enfant Rei qui a eu le temps de se cacher dans une armoire assiste à la scène traumatisante à travers une fente. Son père parti, il est seul, et il ne le reverra jamais. C’est une blessure très profonde. Il ne lui reste que le violon cassé qui lui est rendu par un officier mélomane.
La suite de l’histoire est la reconstruction de ces deux âmes brisées.
Le jeune japonais a un destin lié à la France et au Japon. Sa blessure arrivera à cicatriser. Ce sera long et difficile. Il apprendra enfin ce qui est arrivé à son père. Pour cela, il ira en France, au Japon, en Italie, en Chine.
Ce roman est construit comme un concerto, le thème initial revient au cours du déroulement de la narration.
C’est un roman au charme délicat comme le dit la quatrième de couverture. Je l’ai lu avec plaisir.

réunion coups de coeur de lecture 9/20

Prochaine réunion le mercredi 14 octobre à 16 h 30 au Centre Pierre Mendès France 3 rue Beauregard

Le fils du maître de poste (premier épisode) par Françoise Romain

Categories: Actualités, Lecture

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