A l’affiche, un grand film iranien

A l’affiche, un grand film iranien


« Chroniques de Téhéran » est un premier long-métrage réalisé par Ali Asgari et Alireza Khatami

Chroniques de Téhéran

Un long plan fixe sur la ville de Téhéran la nuit. Peu à peu les sons arrivent. Des cris lointains aussi.

Un homme arrive dans une administration pour déclarer la naissance de son fils. Il voudrait l’appeler David. Derrière lui un interlocuteur qu’on ne voit pas refuse d’inscrire l’identité de l’enfant avec ce prénom qui n’est pas un prénom iranien et qui, selon lui fait la promotion de la culture Occidentale. « Pourquoi ne pas l’appeler Sauvage ? Il lui faut un prénom religieux » lui assène son interlocuteur en voix off.

Chroniques de Téhéran
Le ton du film est donné. Le film montre vie quotidienne à Téhéran à travers des entretiens avec 9 personnages. Neufs plans séquences ont été tournés comme s’il s’agissait de neufs courts-métrages sans que les figurants, ne connaissent le projet dans sa globalité. Celui qui pose les questions n’est pas visible. Les personnages sont cadrés en plans fixes. Un guichet sépare le questionneur des questionnés mis en infériorité. Une jeune femme se fait reprocher de ne pas porter le hijab au volant de sa voiture et quand l’image des caméras de surveillance arrive, elle se rend compte que c’est son frère qui est au volant ! Un jeune homme voudrait valider son permis de conduire et son interlocuteur le fait se déshabiller et lui octroie le permis seulement pour deux ans, car il s’est tatoué des poèmes sur le corps. « Faites-vous vos prières, vos ablutions lui demande-t-il ? »
Une jeune femme en entretien d’embauche : «ça ira si tu es gentille » lui promet le patron alors qu’elle le questionne sur la nature du poste. Il veut qu’elle enlève son voile et finit par la traiter de salope. Une femme cherche à retrouver son chien, un animal considéré comme impur en Iran. « Prenez un canari !» on lui répond.

Tous les jours, les Iraniens se confrontent au quotidien à des individus investis d’un pouvoir, d’une autorité : fonctionnaires ou employeurs qui exercent sur eux une forme de domination, s‘immiscent dans leur intimité et n’hésitent pas à leur proférer des menaces.

Il a fallu de l’audace aux deux réalisateurs pour réaliser ce réquisitoire en 7 jours, dans un lieu isolé. Les dialogues sont percutants. Chaque personnage riposte verbalement ou claque la porte en ayant pris soin de montrer l’absurdité de la situation ; en quoi un poème tatoué sur le corps d’un automobiliste peut-il entraver sa manière de conduire ?
Chroniques de Téhéran


Le film s’inscrit dans le cinéma iranien devenu le miroir d’une société privée de liberté. Pour que le cinéma existe, les cinéastes doivent inventer une forme afin de déjouer la censure : on pense à Jafar Panahi et son film « Taxi Téhéran » tourné entièrement dans un taxi. On peut évoquer aussi « le Cercle » du même réalisateur ou des femmes surveillées en permanence, soumises à la pesante bureaucratie et aux pires discriminations réussissent à former un cercle pour s’en sortir. La plupart des films iraniens sont des actes de résistances posé en face du régime totalitaire