Un film qui met mal à l’aise
« Le consentement » : fallait-il adapter au cinéma le livre de Vanessa Springora ?
« Le consentement » est un film dérangeant sur la mécanique utilisée par l’écrivain Gabriel Matzneff pour abuser d’une jeune adolescente. C’est une libre adaptation du livre de Vanessa Springora qui fut une des victimes de l’écrivain.
On voit très clairement comment s’y prend le prédateur : on a l’image du corps d’un colosse surplombant celui d’une très jeune fille de treize ans sous emprise. Jean-Paul Rouve totalement à contre-emploi réussit à incarner ce personnage de manipulateur. La jeune fille abusée, Kim Higelin aspire à l’amour et sous influence subit des injonctions de plus en plus violentes. On voit la progression de l’humiliation, du chantage, de la possession et les fantasmes de cet homme dont le plaisir est d’être le premier à déflorer jeunes filles et jeunes enfants à peine sorti de l’enfance. Il en fait sa matière littéraire.
On voit aussi comment la mère de la jeune fille (Laeticia Casta) joue de l’ambiguïté (sans doute parce que l’écrivain est célèbre et adoubé par l’intelligentsia française) ; à cet égard la réalisatrice Vanessa Filho reprend une émission où Bernard Pivot présente l’écrivain comme « un professeur d’éducation sexuelle » devant un aréopage d’auteurs alors que les écrits de Gabriel Matzneff se complaisent dans des images glauques de sa pédophilie à Manille ou ailleurs. Je signale que l’émission Apostrophe reprise dans le film date de 1990. Au regard du mouvement « me too », c’était il n’y a pas si longtemps. Il semblait à ce moment-là naturel qu’une émission littéraire fasse la part belle à cet écrivain. Seule une canadienne, Denise Bombardier présente à l’émission exprime son profond dégoût.
A la fin, la réalisatrice filme l’instant ou Vanessa Spingora auteur du récit « le Consentement » décide d’écrire un livre pour enfermer son prédateur dans une cage de mots.
Le film génère un profond malaise car il s’attaque à un sujet peu traité au cinéma à partir du récit d’une victime. Mais il me semble qu’il n’était peut-être pas nécessaire de mettre des images sur ce texte car il s’agit de parler de l’indicible et que la littérature a sans doute l’avantage porter de manière plus forte ces récits d’une extrême douleur. Ne jamais oublier que l’image est séduisante et qu’elle peut faire de nous des voyeurs.