Vers les étoiles, un spectacle rejoué par le Théâtre Alcyon

Vers les étoiles, un spectacle rejoué par le Théâtre Alcyon

Souci de la biodiversité, engagement dans les combats ou méditation « vers les étoiles »: le théâtre Alcyon représente un auteur russe oublié ayant des préoccupations actuelles
Alcyon vers les étoiles

Indifférent aux bruits du monde, Sergueï Nikolaïévitch, savant russe, astronome, scrute le ciel profond. Autour de lui s’affaire une famille angoissée par la guerre qui sévit dans la vallée. D’autant que certains de ses enfants combattent là-bas…
Vers les étoiles est précédé de fragments de textes d’Andréïev, Méditations au jardin zoologique, qui éclairent cette citation de Gorki : « Andreïev était possédé par le talent. Viscéralement. Son intuition était d’une finesse inouïe. Pour tout ce qui touche aux contradictions de l’âme humaine, aux fermentations de l’instinct, il était d’une effrayante perspicacité.»
Andreïev est un grand auteur russe, très peu connu. Il m’est arrivé par mon professeur de théâtre, Yorgos Sévasticoglou, qui avait passé quinze ans au théâtre d’art de Moscou et qui avait lui-même traduit en français certaines de ses pièces. Je gardais en moi le désir de faire un jour mieux connaître ce nouvelliste, dramaturge, peintre et pionnier de la photo couleur, anti-tsariste, anti-bolchevique et… profondément humain. Le théâtre d’Andreïev ressemble à celui de Tchekhov son contemporain, mais moins enfermé dans les codes du naturalisme. C’est donc à un auteur avant tout humaniste et poète que nous nous confrontons aujourd’hui.
Patrick Melior

Les représentations auront lieu du 8 au 17 septembre 2023 à 20 h au Fort de Chaudanne
Plein tarif 12€ / Tarif réduit 8€ (Jeunes, étudiants, chômeurs

Théâtre Alcyon vers les étoiles

Réservations : 06 58 81 19 19 / theatre-alcyon@outlook.fr
Adresse postale : 1, rue de la Cassotte – 25000 Besançon

« Aujourd’hui, j’ai peur des étoiles. Je me dis : comme elles sont gigantesques, comme elles sont indifférentes, et comme elles n’ont rien à faire de moi, et je deviens tellement petit,…petit ! »

lune Chaudanne


« Vers les étoiles » est la première œuvre, terminée en 1905, au moment de la terrible répression du soulèvement révolutionnaire de St Pétersbourg, qui contraignit d’ailleurs Andreiev à l’exil, comme tant d’autres.
Pour qui est resté sensible aux espoirs suscités par la révolution de 1905, souvent définie comme une répétition générale de ce qui devait représenter son accomplissement dans le futur, la révolution de 1917, la pièce laisse dès la première lecture une durable impression de fusion entre l’aspiration à la liberté, à l’émancipation de l’humanité et l’aspiration au savoir, à la compréhension des phénomènes célestes. L’action se déroule, en effet, dans un observatoire, lieu ô combien symbolique et stratégique : au sommet d’une montagne, placé au-dessus des luttes sanglantes qui ont lieu dans la grande ville — on devine très vite St Pétersbourg — l’observatoire, non loin d’une frontière, est un refuge pour les proscrits. Mais ce lieu d’où les savants se projettent dans l’espace intersidéral et ses cycles d’années lumières, peut devenir un lieu de conflit entre une jeunesse impatiente d’en découdre avec le régime tsariste honni et des « adultes » exposés au reproche d’indifférence. La froideur apparemment immobile des étoiles est-elle en opposition avec la fournaise où se jette la jeunesse révolutionnaire? Pour Andreiev, la contradiction est dépassée dans le discours visionnaire du vieux savant, confronté pourtant à la disparition d’un fils aimé.
Cette projection analogique des aspirations humaines dans l’espace, qu’on aurait tort de ramener à une attirance atavique du peuple russe pour le sentiment océanique, se situe sur la ligne de crête entre pensée matérialiste et mysticisme, et correspond à un moment de la réflexion et de la sensibilité d’Andreiev. Le fil est bien ténu, et Andreiev, comme bien d’autres intellectuels à la même époque, basculera peu après dans une sorte de mysticisme, sort commun d’une génération égarée par la défaite révolutionnaire parce que coupée des forces vives du changement social. Mais ce moment si rare, si singulier, où la pensée prend tous les risques, à la pointe du danger, « Vers les étoiles » nous le rend presque palpable, comme à portée de télescope.  Michel Sidoroff

Voir le compte rendu du spectacle en juin : faut-il regarder le ciel ou agir sur terre ?


Théâtre Alcyon juin 23
La troupe de la Cie Alcyon

Qui était Léonid Andréïev ?

Si Léonid Andréïev (1871-1919) fut à son époque, « l’écrivain russe le plus connu de son temps, à part Tolstoï », qui le connaît aujourd’hui ?

Léonid Andreîev

Il est l’auteur d’une œuvre gigantesque, multiforme et violente, comprenant une centaine de récits et une quarantaine de pièces qui furent créées par les plus grands metteurs en scène des années 1910.

Cet insatiable inventeur de formes, cet homme d’une envergure épique et d’un lyrisme exacerbé, est devenu célèbre dans toute la Russie après  Vie de l’Homme (1907) qui révolutionna les formes du théâtre. Ses pièces, souvent traduites en allemand et en anglais dès leur publication, ont été jouées dans les plus grands théâtres.

Léonid Andréïev est né 1871, dans une ville de province, Oriol. Très tôt orphelin de père, il a connu une enfance et une jeunesse de misère et de privations. Tout jeune adolescent, histoire de s’éprouver, il s’allonge sur les rails, au passage d’un train et cette folie n’est pas une folie, mais bien l’image de toute sa vie, et de toute son œuvre : une recherche absolue des limites, au prix même de sa vie

Ses premières publications sont remarquées, au tout début des années 1900, par Maxime Gorki, avec qui il se lie d’une amitié orageuse (ils se brouilleront en 1907). Chacune de ses nombreuses nouvelles est une découverte, chacune  ou presque suscite des polémiques, des scandales, mais le « Rire rouge » ou « La vie de Vassili Fiveïski » , par la violence et l’énergie à la limite du fantastique de leur description remportent un immense succès.

En 1905, Andréïev avait appelé de ses vœux un profond changement de régime, mais, au fil des années, il s’éloigne des cercles bolcheviques. Parti en exil en 1917, il meurt en 1919, après avoir dressé un réquisitoire contre Lénine et Trotski.