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Trois films français à découvrir actuellement



Michèle Tatu propose un zoom avant sur le cinéma français actuel


Le cinéma français se porte bien avec l’émergence de réalisateurs qui prennent à bras le corps des sujets de société. Au cinéma nombriliste qui fit les heures de cet art lors des décennies précédentes, un autre monde s’invente, puissant, introspectif et fantaisiste dans les trois films dont nous parlons aujourd’hui.


Annie colère



Nous sommes en 1974. Annie, jeune ouvrière dans une usine de matelas se retrouve enceinte accidentellement et s’adresse au MLAC (Mouvement de Libération de l’Avortement et de la Contraception) pour avorter sans risque.


Annie colère Laure Calamy

Jusqu’alors les avortements se faisaient de manière clandestine dans des conditions extrêmement dangereuses souvent avec l’aide d’aiguilles à tricoter. La mort d’une proche voisine suite à un avortement clandestin va la faire réagir et s’investir dans le combat mené par les membres du MLAC.

Depuis la création du MLAC en 1973, les avortements se font par la méthode Karman importée des Etats-Unis. A cette époque la Loi Veil n’a pas encore été votée et les avortements sont pratiqués clandestinement aux yeux de tous par 331 médecins en France. Face à la demande, le MLAC formera des femmes qui à leur tour pratiqueront des avortements, la plupart du temps dans des appartements. L’avortement se pratique en dehors des murs de hôpitaux. C’est un combat très fort permettant à des femmes d’avorter gratuitement et sans danger.

Au départ ; Annie n’est pas vraiment politisée : « tous ces machins politiques ne sont pas pour moi. » dit-elle.

« Annie colère » est un film sur l’émancipation d’une femme par le militantisme. Elle ne sera plus jamais la même et se trouvera en décalage avec son mari. Le film de Blandine Lenoir mêle subtilement l’intime et le politique dans les scènes de discussion de groupe où les médecins essaient de protéger leur pouvoir et où les femmes luttent afin de pouvoir enfin disposer de leur propre corps.


Annie Colère


Annie est interprétée par Laure Calamy, actrice émouvante découverte dans « Antoinette dans les Cévennes » ; elle porte ce rôle avec subtilité. Ce qu’elle découvre surtout c’est la sororité, la fait d’être ensemble dans un combat qui concerne les femmes. Lorsque la Loi Veil passe, elle aimerait que l’action du MLAC vis-à-vis de l’avortement continue. « La tendresse aussi c’est politique » dit-elle quand on lui explique que les avortements seront désormais l’affaire des services hospitaliers.

Le film de Blandine Lenoir remet en scène les dix-huit mois du MLAC, période de désobéissance qui a poussé Giscard d’Estaing à modifier la loi.

Curieusement le droit à l’avortement n’est jamais acquis : on l’a vu récemment aux Etats-Unis. En France, si le projet d’inscrire le droit à l’avortement dans la constitution a été récemment voté par l’Assemblée Nationale, il ne l’a pas encore été voté par le Sénat.



Le Lycéen


Christophe Honoré était adolescent lorsque son père a eu un premier accident de voiture sans gravité avec son fils à ses côtés. Quelques jours plus tard, son père meurt dans un autre accident. C’est cette histoire troublante qui est le point de départ du film « Le Lycéen » avec une vraie transgression puisqu’il transpose le film aujourd’hui. Ce film qui revient sur l’adolescence du cinéaste puise toute son énergie dans la présence d’un récit initiatique : au lendemain de la mort de son père, Lucas, le lycéen part vivre quelques jours à Paris chez son frère Quentin (Vincent Lacoste).

Le lycéen

C’est un film sur le deuil vu comme une traversée avant de retrouver un vrai désir de vivre. Les acteurs sont formidables Juliette Binoche en mère chagrinée, Vincent Lacoste rajeuni pour faire partie de la fratrie et Jérôme Karcher le lycéen.


Paul Kircher le lycéen

Sans oublier la présence magnifique de Erwan Kepoa Falé, colocataire du frère, artiste en situation de grande précarité. Foncez le voir car c’est un des meilleurs films de Christophe Honoré.



Fumer fait tousser



Le nouveau Quentin Dupieux c’est comme le Beaujolais, c’est très attendu. Et si la tradition du vin se perd, celle du faiseur d’images étranges demeure. Et le public va voir ses films dans l’attente de découvrir un monde irrationnel avec des mouches gigantesques ou des hommes réduits en bouillie. Ce qui est le cas d’un brave gars qui le jour de son anniversaire vire au tas de viande et se retrouve dans un seau en plastique baladé par la superbe Blanche Gardin !


Fumer fait tousser

Eh oui Dupieux a la verve délirante. Il filme comme il respire et son cinéma ne tousse pas. Il avance tranquillement, mais attention une scène gore peut en cacher une autre. Amateur de cinéma fantastique et d’hémoglobine, précipitez-vous vous ne serez pas déçu !

Michèle Tatu

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