Coups de coeur de lecture pour l’été ou jours de pluie

Coups de coeur de lecture pour l’été ou jours de pluie

Rencontre Coups de coeur lecture du mercredi 7 juillet 2021


coups de coeur
Les 7 lectrices de l’animation Coups de coeur lecture ont répondu présentes en ce début juillet. Malgré le temps écoulé sans possibilité de se rencontrer en présentiel et malgré le début de la saison estivale, elles étaient bien là : enjouées et motivées comme toujours pour présenter un ouvrage de leur choix. Les voici.

Marie-France :


Les âmes fortes de Jean Giono

Giono Les âmes fortes

Auteur : Jean Giono 1895-1970 né et mort à Manosque.

L’action de ce récit se situe dans le sud de la France en 1949, des commères veillent Albert qui vient de mourir. Elles se racontent des histoires sur les habitants du village. Parmi ces commères, il y a Thérèse, la doyenne de 89 ans , elle va nous raconter son histoire. Ce qui nous amène en 1882, 70 ans avant,, au temps des voitures à cheval et du début du rail.
Thérèse placée comme domestique au château Perçy, s’enfuit à 22 ans avec son amoureux de 25 ans (Firmin) maréchal ferrant, en fait, un bon à rien selon la famille de Thérèse.
Le récit de Thérèse est une aventure assez agréable malgré quelques embûches . Les deux fuyards arrivent à Châtillon en Provence où Firmin se fait embaucher comme compagnon du devoir chez un forgeron.

Dans ce roman, Giono nous décrit les relais de poste, avec leur cuisine leur rôtissoire p85.
Au passage on apprend qu’avec l’arrivée du rail, des métiers disparaissent : la sellerie, la maréchalerie , et comme les itinéraires changent, les étapes aussi et le commerce n’est plus aux mêmes endroits, les relais de poste sont moins fréquentés .

Ce roman avec sa construction diffractée est difficile à résumer, le récit est intéressant, c’est la vie d’une femme d’un milieu populaire qui a défié les carcans sociaux.
La vie de Thérèse n’est pas un long fleuve tranquille , ses moyens de survie ne sont pas exemplaires, loin s’en faut . Mais j’ai trouvé le personnage attachant.


Françoise :


MotherCloud de Rob Hart

L’auteur:

Rob Hart
Rob Hart est né à New York en 1982. Il est auteur, romancier et a un diplôme de journalisme. Il a été nominé en 2016 pour Anthony Award pour un 1er meilleur roman avec « New Yorked ». Il a également collaboré avec James Patterson sur le roman policier « Scott Free ».

Mothercloud de Rod Hart

Voilà une dystopie…en est ce vraiment une?…qui ne laisse pas indifférent, c’est le moins qu’on puisse dire.
Dérèglement climatique, chaleur à crever, la montée des eaux qui change la cartographie. Voilà juste une partie des conditions qui vont amener cette évolution sociétale.
Les gouvernements ont perdu leur pouvoir, ce sont des entreprises tentaculaires qui mènent la danse et pilotent dorénavant notre civilisation (et ses citoyens). Dont l’une d’entre elle détenant le monopole, créée par Gibson Wells, qui veut maîtriser la planète grâce à ses méthodes despotiques: Le Cloud.

Les descriptions font inévitablement penser à Amazon ou Google.
C’est bien ce futur de l’ultra libéralisme et de la consommation de masse qui est décrit, celui du jetable (les produits comme les gens). Un futur bien présent.
En toute humilité, Rob Hart cite à plusieurs reprises ses références telles que 1984, Fahrenheit 451, La servante écarlate.
La narration est très fluide et il y a une réelle intrigue; la technologie est présente sans nous noyer.
Nous allons donc suivre la vie de milliers d’employés qui se distinguent dans leurs tâches par la couleur de leur polo…
Il y a Paxton (polo bleu de la sécurité) ex dirigeant d’une petite entreprise dévorée par Cloud et contraint de venir y travailler pour survivre.
Zinnia (polo rouge; cherche les produits qui seront livrés par les drones), dont le rôle d’espionne infiltrée apparaît assez vite.
Les personnages secondaires ont également toute leur importance pour faire les liens afin que le système voulu par Gibson Wells, le maître du Cloud, fonctionne.
L’excellente idée du récit est sans doute de donner la parole au patron de Cloud, à travers son blog. L’auteur le laisser s’exprimer sur son projet, expliquer comment il en est arrivé là et ce qu’il cherche à construire.

Mothercloud est tout à fait plausible, crédible et bien entendu effrayant, car cette société consumériste à outrance, n’est elle pas déjà en marche?
Alors avant qu’il ne soit trop tard, on peut peut-être prendre du recul et réfléchir.
Une lecture que je conseille fortement, quel que soit votre genre littéraire de prédilection.
A noter une adaptation cinématographique par Ron Howard est prévue prochainement.

Berthe :

La galerie des maris disparus de Natasha Solomons

Solomons galerie des maris disparus

Juliet Greene a grandi au sein d’une communauté juive très conservatrice. Son père, propriétaire d’un magasin d’optique, a toujours rêvé d’avoir un fils tôt, Juliet est donc persuadée d’être une source de déception pour lui. Un sentiment d’autant plus tenace que la jeune femme est par ailleurs la seule de sa famille à n’avoir jamais eu besoin de lunettes. « J’ai toujours su que Juliet était différente, déclara Mrs Greene. C’est le seul membre de notre famille qui n’ait jamais eu besoin de lunettes. « 

Juliet Montague est une aguna. Dans sa communauté juive, elle n’est plus grand chose depuis que son mari les a quittés, elle et ses enfants. Comme seul le mari peut décider de divorcer, elle est coincée : elle ne peut pas se remarier, elle n’est pas divorcée, elle n’est pas veuve. Si tous ses voisins admirent son courage, elle est déshonorée et suscite messes basses et commérages. A la fin des années 50, le jour de ses 30 ans, elle se promène dans Londres avant de faire l’acquisition d’un frigidaire – cadeau d’anniversaire – elle rencontre un artiste, Charlie, à qui elle va commander un portrait. Parce qu’elle a un don : elle sait, à la vue d’un tableau, s’il aura du succès, s’il dégage quelque chose. Sa passion se réveille, et sa carrière s’envole : grâce à Charlie et ses amis peintres, elle ouvrira une galerie d’art, et s’émancipera peu à peu de ses parents et de sa communauté, sans pour autant les renier.
Un roman tout à fait fascinant qui nous offre plusieurs histoires. D’abord celle de Juliet qui petit à petit, sans renversement de situation soudain, va prendre sa vie en main, et décider que le départ de son mari peut être un tremplin vers une vie qu’elle n’avait imaginé, loin de l’entreprise de lunettes familiale. C’est aussi l’histoire de ses enfants, Frieda et Léonard, qui cherchent leur place dans ce nouveau monde en construction d’après guerre, entre des grands-parents conservateurs qui appliquent les lois juives avec respect et leur mère, qui choisit une autre voie, plus fantasque, et ce loin d’un père qu’ils ont à peine connu. C’est également une immersion dans les traditions juives, les fêtes, les lieux de culte, les spécialités culinaires. L’histoire, aussi, de ce mari d’origine hongroise, Georges Montague, pris dans la guerre, dont on finira par connaître l’histoire, et qui a l’outrecuidance de voler le portrait de Juliet, peint quand elle était enfant.
C’est l’histoire d’un monde qui change, c’est une partie de l’histoire du féminisme, de cette femme qui décide de se construire seule, de vivre de sa passion, malgré les obstacles dus à son sexe. C’est aussi l’histoire d’une période, d’artistes qui se cherchent dans de nouveaux courants, de cet air de liberté qui les touche.
Juliet est un personnage complexe, qui adore voir comment les autres la voient. C’est pourquoi elle se constitue au fil des ans et des décennies une vraie collection de portraits d’elle-même. Est-ce pour compenser celui volé par son mari ? Est-ce parce qu’elle essaie de se reconstruire et porte plus d’importance qu’elle ne le pense au regard des autres ? Ou est-ce pour compenser la « galerie des maris disparus » qui paraît dans les journaux yiddish pour retrouver ces maris qui ont fui leur foyer, et dans lesquels la photo de George a figuré ?

C’est un roman dense, aux personnages puissants. Chacun d’entre eux marque l’histoire de Juliet, et de la banlieue londonienne à la Californie, de la galerie londonienne à la campagne anglaise, des dîners du vendredi familiaux aux happenings et vernissages, on vit les aventures de Juliet.

J’ai trouvé intéressant de suivre ce personnage soumis au poids des traditions, de la religion et d’une société très contraignante, assister à son émancipation sans rompre avec son milieu et vivre sa vie pleinement dans un monde où les aspirations des femmes n’étaient pas encore de mise.

Danièle :


Les couleurs de l’infamie
d’Albert Cossery

Cossery couleur de l'infamie

Albert Cossery, (1913 – 2008) écrivain égyptien de langue française, surnommé le « Voltaire du Nil » s’est installé à Paris en 1945. Il a traversé la vie avec l’ironie et le détachement d’un dandy. « Les couleurs de l’infamie » 1999 est son dernier roman. Pourquoi ce titre ?
Infamie : 1. Flétrissure imprimée à l’honneur, à la réputation. 2. Caractère déshonorant, honteux, vil, d’une chose, d’un acte. 3. Action déshonorante, honteuse, vile. « commettre une infamie »
Le récit : Après une mise en place du cadre, les rues du Caire, avec le dialogue entre le personnage principal, Ossama, un voleur intelligent habillé en prince, une sorte de Robin des Bois, et Safira, la prostituée amoureuse, on parvient au nœud de l’intrigue : le vol d’un portefeuille à Atef Suleyman, le promoteur véreux. Puis apparaissent différents personnages : – Le père d’Ossama, Moaz l’aveugle , qui refuse de quitter son taudis et qui vit encore bercé d’illusions sur le monde qui l’entoure. – Nimr, un pickpocket pédagogue, son maître et son sauveur. – Karamallah, le lettré, un sage revenu de tout, qui vit dans la cité des Morts, en marge de la société, le philosophe de la dérision. Karamallah, Nimr et Ossama vont mettre au point « un plan de guerre joyeuse » pour faire passer l’envie aux escrocs d’abuser de leurs pouvoir
Ce que j’ai aimé: Le ton résolument ironique, un style qui sert bien le sujet. Les thèmes développés, le rôle de l’apparence, une philosophie de l’existence, Le côté dérangeant : le vol est utile, le voleur ne sera jamais au chômage, le cynisme du promoteur véreux, La morale qui en découle : Un voleur n’est pas plus condamnable qu’un promoteur véreux.
Un livre engagé donc, féroce, ironique, très bien écrit.

Catherine :

Un jour, ce sera vide de Hugo Lindenberg

Lindenberg Un jour ce sera vide

L’auteur
Journaliste né en 1978, fils du journaliste Daniel Lindenberg qui s’est illustré en attaquant les « nouveaux réactionnaires » comme Alain Finkelkraut.
Un jour ce sera vide est son premier roman, publié en 2020 et distingué par le prix du livre Inter décerné à l’unanimité au premier tour !

Le roman
Divisé en trois parties : Baptiste, les Monstres, les Mondes Engloutis. Chaque partie est divisée en chapitres titrés, par exemple les Méduses, la Tante, l’Enterrement
Chronique de vacances d’été en Normandie racontées à la première personne par un garçon de 10/11 ans. Le narrateur, garçon solitaire et imaginatif, gardé par sa grand-mère, se lie d’amitié avec Baptiste, un garçon de son âge, qui représente pour lui le fils parfait d’une famille parfaite. Il nous raconte ses occupations avec Baptiste, leurs « jeux » (embrocher des méduses !), ses tentatives de séduction envers la famille de Baptise, ses frustrations, ses sentiments divers envers ceux qui l’entourent, ses doutes, ses hontes, ses chagrins…


Les personnages vus par le narrateur

La grand-mère du narrateur, juive d’origine polonaise marquée par le génocide, à l’accent qui fait parfois honte au garçon, mais à qui il voue une grande affection (« ma grand-mère adorée »).
la tante, schizophrène, personnage qu’il qualifie de « monstre » qui le dégoûte mais qui le fascine en même temps
Baptiste, l’ami parfait, admiré et respecté « Ce qui fait de Baptiste un vrai garçon, un garçon exceptionnel, c’est qu’il n’a besoin de rien pour en être un »
La mère de Baptiste « certains personnages possèdent les clés de mondes plus désirables. Celui que me dévoile la mère de Baptiste a la douceur du velours ».

Mon avis
Le récit est écrit au présent dans une langue très recherchée, ce qui m’a gênée au début car ce n’est pas la langue d’un garçon de 10 ans. Il faut accepter qu’il s’agit d’un récit rétrospectif. Mais le raffinement du style permet de rendre avec justesse les ambiguïtés et les nuances des divers sentiments et pensées du jeune narrateur ( ce qui serait impossible dans un langage « enfantin »). J’ai été très touchée par ce livre, par l’évocation de cette enfance triste, peuplée de silences et d’absences (notamment celle de la mère), par la façon dont l’enfant décrit son rapport au monde qui l’entoure et se débat dans un imaginaire parfois consolateur, parfois angoissant, sans que s’en doutent ceux qui le côtoient.

«  D’un enfant trop sensible, [l’auteur] a fait cet observateur valeureux qui nous comble » (Libération)


Sandrine :

Les fleurs d’ Hiroshima de Edita Morris

Fleurs d'Hiroshima Morris

Edita Morris (1902-1988) est une écrivaine et journaliste suédoise. Épouse de l’écrivain américain Ira Morris, elle voyage beaucoup aux côtés de ce dernier, très engagé politiquement. Le couple Morris a notamment fondé en 1957 la Hiroshima house of rest, une maison de convalescence pour les survivants de la bombe atomique, qui leur dispense également des soins médicaux.

Les Fleurs d’Hiroshima, paru en 1959 (1961 pour la version française) est son roman le plus célèbre : c’est un best seller mondial dès sa sortie et il est traduit au fil des ans dans plus de 30 langues.
On y fait la connaissance de Yuka, qui vit avec son mari, leur deux enfants et sa sœur dans une maison à Hiroshima dans les années 1960. Yuka, sa sœur et son mari sont des survivants d’Hiroshima et la vie est difficile pour eux : les survivants sont très stigmatisés par la société japonaise, ne pouvant exercer que des métiers très précaires et mal payés et doivent en plus vivre avec les conséquences des radiations sur leur état de santé. Pour augmenter les revenus du foyer, Yuka décide de louer une chambre à un étranger de passage : le hasard voudra que leur premier locataire soit Sam, un jeune Américain. Yuka et sa famille vont tout faire pour cacher à Sam la réalité de leur vie…
Les Fleurs d’Hiroshima est un très beau roman, qui en premier lieu sensibilise le lecteur à la vie des survivants de la bombe atomique : on apprend à la lecture plein de choses sur eux, sujet rarement abordé habituellement. On a également quelques informations très intéressantes sur la société japonaise, ses coutumes, ses traditions…
Malgré le sujet difficile, le roman n’est jamais trop éprouvant à lire ni trop larmoyant : on ne peut qu’admirer le courage de Yuka et de ses proches malgré ce qu’ils ont vécu, et surtout leur souci de rendre le séjour de Sam agréable. En ce sens, Les Fleurs d’Hiroshima est également un très beau message d’espoir, de tolérance et d’amitié entre les peuples, malgré les guerres et les atrocités commises par l’un ou l’autre camp.
Le roman est très court mais néanmoins porteur d’un message très fort et d’une intrigue très bien construite et ce jusqu’à la dernière page : le lecteur n’est pas frustré par la fin, même si on aurait volontiers passé un peu plus de temps en compagnie de Sam, Yuka et les autres, tant leur histoire est belle.




A noter : quelques autres livres évoqués au cours de la rencontre :

La vie secrète du fonctionnaire d’Arnaud Friedmann :
Friedmann fonctionnaire
L’auteur est bisontin et co-gestionnaire des Sandales d’Empédocle
Les dix nouvelles de La vie secrète du fonctionnaire mettent en scène des salariés de la fonction publique confrontés à un quotidien sclérosant, à la surenchère des réglementations et à l’obsession statistique de leur hiérarchie. A l’occasion d’une rencontre ou d’un moment critique, ils osent (ou rêvent de) briser la routine, faire un pas de côté pour s’affranchir de la norme. Apercevant une occasion de rompre avec la monotonie quotidienne et de peut-être tout reconstruire, certains passent le pas, d’autres hésitent ou ne peuvent s’y résoudre.

La nature exposée de Erri De Luca :
Luca nature
Dans un petit village au pied de la montagne, un homme, grand connaisseur des routes qui permettent de franchir la frontière, ajoute une activité de passeur pour les clandestins à son métier de sculpteur. C’est ainsi qu’il attire l’attention des médias. Il décide alors de quitter le village. Désormais installé au bord de la mer, il se voit proposer une tâche bien particulière : restaurer une croix de marbre, un Christ vêtu d’un pagne.
Réflexion sur le sacré et le profane, sur la place de la religion dans nos sociétés, La nature exposée est un roman dense et puissant, dans lequel Erri De Luca souligne plus que jamais le besoin universel de solidarité et de compassion.

Du côté des indiens de Isabelle Carré :
Isabelle Carré indiens
Ziad, 10 ans, ses parents, Anne et Bertrand, la voisine, Muriel, grandissent, chutent, traversent des tempêtes, s’éloignent pour mieux se retrouver. Comme les Indiens, ils se sont laissé surprendre ; comme eux, ils n’ont pas les bonnes armes. Leur imagination saura-t-elle changer le cours des choses ? La ronde vertigineuse d’êtres qui cherchent désespérément la lumière, saisie par l’œil sensible et poétique d’Isabelle Carré.

L’adultère de Yves Ravey :
Yves Ravey adultère
Jean Seghers est inquiet : sa station-service a été déclarée en faillite.
Son veilleur de nuit-mécanicien lui réclame ses indemnités et, de surcroît, il craint que sa femme entretienne une liaison avec le président du Tribunal de commerce.
Alors, il va employer les grands moyens.

Les prochaines rencontres sont prévues les mercredi 18 août et 15 septembre 2021 au Centre Pierre Mendes France