Histoire d’une petite rue très populaire rebaptisée rue Krug en 1952
Il y a 100 ans, la rue des Noyers était peuplée de 271 habitants, où était-elle ?
En 1848, le chemin des Guinguettes, séparait de grands parcs et jardins, Cette rue ne comptait que 4 maisons selon le plan établi par Valluet Jeune
Christian Mourey explique : « Sur le plan de Valluet Jeune, de 1848, on distingue à droite de la rue qui mène au pont suspendu, les vestiges d’un parc qui fut magnifique. Il allait de la rue de la Mouillère jusqu’au chemin bordant la rivière où là, il repartait jusqu’ à hauteur de l’actuelle rue Krug. C’était le parc de la villa de l’architecte Colombot.
A proximité de la brasserie de la Mouillère, un jardin présente les mêmes caractéristiques. D’après l’abbé Baverel,, c’était celui d’une très belle demeure celle du brasseur de la Mouillère.
Ces deux propriétés ont été détruites sur ordre de Marulaz, lors du blocus de 1814. Les bâtiments de la Mouillère ont été relevés mais pas la villa de Colombot qui ne s’en est jamais remis, regrettant surtout la disparition de ses arbres. Il est mort tristement dans un grenier de la rue Chifflet. »
Quelques années plus tard, quels changements ! nouvelles constructions, nouvelles rues et gare en projet
En 1862, la gare est construite
et la rue des Noyers s’est beaucoup peuplée.
Ce sont les premières maisons de la partie urbanisée des Chaprais vues de Bregille
A la fin du XIX° siècle, au bord du Doubs, 3 rues sont importantes Mouillère, Helvétie et Noyers
Selon Fabrice Petetin « La croissance de la population de ce secteur est essentiellement assurée par deux rues : la rue des Noyers (rue Krug) et la rue de la Mouillère. Elles se ressemblent beaucoup, en 1886, elles sont déjà très peuplées : 276 pour la rue des Noyers, 306 pour celle de la Mouillère. … A elles seules en 1886, ces deux rues représentent 95 % de la population du secteur.
L’avenue d’Helvétie, pourtant la plus longue rue du secteur, n’est quasiment pas peuplée. En 1886 elle compte 28 habitants. Tout d’abord, rappelons que cet ancien chemin « de Bregille à la Mouillère », longe les rives marécageuses du Doubs petit à petit transformés en promenade. En conséquence, il reste de nombreux terrains disponibles dans les années 1880. Comme ceux-ci sont proches du centre ville, ils intéressent la municipalité. Ainsi de nombreux bâtiments publics peuvent être construits ici : les bains salins, le syndicat d’initiative, la gare de la Mouillère ou l’école de l’Helvétie. En outre, pour favoriser la balnéothérapie, les édiles s’efforcent de rendre le secteur plus attrayant et de favoriser la circulation. Le quartier a certainement profité de ces améliorations, mais cela ne permet pas l’installation de nouveaux habitants. A la fin de la période, la rue est l’une des plus importantes du quartier mais elle n’est quasiment pas peuplée. »
Sur le plan de 1882, la densité de l’habitat rue des Noyers contraste avec le secteur Denfert-Rochereau/ Helvétie presque désert.
En 1896, le tracé des lignes de tram contournait la rue des Noyers en empruntant l’avenue Carnot.
Avenue Carnot, à gauche le haut de la rue des Noyers et à droite l’horticulture Calame avec une pub pour les pipes Frossard
En 1921, l’église du Sacré Coeur était en construction avenue Carnot au bout de la rue des Noyers
Après avoir atteint 350 habitants en 1891, la rue des Noyers en perd régulièrement ensuite
En 1921, il y a 100 ans, la rue des Noyers comportait 20 maisons abritant 271 habitants répartis en 95 ménages.
Aucun habitant n’est recensé côté impair avant le n° 9
On dénombrait 11 ménages à cette adresse dont 3 hébergeaient une domestique.
Comment se répartissaient ces 95 ménages ?
2 ménages sur 3 ont 2, 3 ou 4 personnes. Il y a cependant 21% de personnes seules (souvent des femmes âgées) dont beaucoup logent au n° 15
L’entrée actuelle des n° 15 & 17 rue Krug
Inversement, les familles nombreuses sont minoritaires (12%) . Les plus grandes logent au n° 15 bis. 9 personnes dans la famille de Joseph Sirugue né à Cléron en 1869, camionneur chez Burdin et dont deux filles travaillent à la cartonnerie Gerst. A la même adresse, logent les 7 membres de la famille de Jules Stéphane né en 1873 à Lods. Il est employé d’octroi et ses filles travaillent aussi comme cartonnières chez Gerst.
Au n° 13, habitaient 8 ménages dont celui de Victor Stereky (7 personnes) . Actuellement, on y trouve l’entreprise de plomberie Paillard.
Quelle était l’origine de ces habitants ?
La majorité vient de la campagne environnante, peu sont nés à Besançon. D’autres viennent de plus loin et on compte une dizaine de citoyens suisses.
Quelles étaient les situations professionnelles ?
24 travaillaient dans l’horlogerie dont 5 chez Lipmann. D’autres chez Japy, Juvenia, Huguenin, Bloch-Geismar …
Mais il y avait aussi un patron horloger installé au n° 16 de cette rue
2 travaillaient chez Beckerich le ferblantier de l’avenue Carnot
On comptait 7 cheminots travaillant pour la Cie PLM, un au tram et 4 postiers
Le secteur du bâtiment était bien représenté avec 6 salariés de l’entreprise Pateu, l’entreprise de TP Cottereau au n° 9 et un marbrier F Trouillot installé au 15 bis rue des Noyers pas pour longtemps. Il déménagera en 1926 au 13 rue de Vittel.
12 femmes travaillaient dans le secteur de l’habillement ; 4 couturières, 3 repasseuses, 2 blanchisseuses, une matelassière etc L’entreprise de cartonnerie et d’imprimerie Gerst (rue des Villas) embauchait 6 habitants de la rue des Noyers.
L’emploi de 10 autres femmes n’était pas stable, elles étaient classées comme journalières. On dénombre aussi 5 personnes au chômage. 4 autres femmes étaient domestique d’une autre personne de la rue (rentière, propriétaire ou retraitée).
La rue comptait plusieurs commerçants : une épicerie en gros Joliot au n° 5-7 et deux couples d’épiciers aux n° 18 et 22. Sans oublier, un tonnelier Péquignot au n° 20, un marchand de meubles et un cordonnier au n°19
4 personnes travaillaient pour les Docks de Franche Comté et 2 aux Nouvelles Galeries.
7 travaillaient pour l’armée à l’Arsenal ou à l’intendance. Un à l’octroi.
On dénombrait deux professeurs un de musique, l’autre de lycée,
Pour terminer relevons un typographe et deux employés à la Compagnie du Gaz
Quel était l’âge de ces actifs ? 45 ans en moyenne
La plus âgée Emeline Emourgeon avait 85 ans propriétaire au n° 14. Les plus jeunes actifs étaient nés en 1907.
Pas d’habitant recensé en 1921 au n° 26 un bel immeuble récemment ravalé
En 1944, les habitants fêtaient la Libération
Nous disposons de peu de vues anciennes de cette rue. Nous avons déjà publié celle-ci (droits réservés) qui a été prise à la Libération de Besançon. Si vous en avez d’autres, merci de nous les communiquer. On dispose de quelques photos prises à chaque extrémité : soit en haut
Soit en bas depuis l’avenue de l’Helvétie, on aperçoit le début de la rue des Noyers derrière la statue de Proudhon fondue en 1941
avec au premier plan la voie ferrée du tacot Rivotte/Vesoul.
En 1963 la rue Krug a conservé son caractère faubourien. On y trouve de l’horlogerie, de l’épicerie en gros, une crèmerie, un cordonnier, un café, une épicerie …
Jusque dans les années 1960, l’aspect de la rue change peu. à part l’immeuble de la Banque Populaire
Puis ce fut la construction de plusieurs grands immeubles à chaque bout de la rue
avec la démolition de la villa et de la clinique du docteur Sexe qui était à l’angle de la rue Delavelle
Qui était Charles Krug ?
Paul Charles Krug est né en 1872 à Strasbourg d’un père fabricant de choucroute. Il fit des études de droit à Nancy avec pour sujet de thèse Le féminisme et le droit civil français présentée en 1899. Il s’installa comme notaire à Besançon jusqu’en 1931. De tendance radicale socialiste, il a été élu conseiller municipal, et maire en 1919. Fait remarquable, il dirigea une municipalité comprenant aussi bien des adjoints radicaux comme Siffert (qui lui succéda), un socialiste : le docteur Baigue, et des hommes de droite comme Ducret et le docteur Heitz. Charles Krug est mort à Paris en 1947. En 1952, son nom fut donné à l’ancienne rue des Noyers
Sources : memoirevive de Besançon, Christian Mourey, Fabrice Petetin mémoire sur l’histoire du quartier des Chaprais.