Il y a 10 ans, le 10 octobre 2010, disparaissait Henri Mathey

Il y a 10 ans, le 10 octobre 2010, disparaissait Henri Mathey

 Henri Mathey était le plus jeune des 3 frères Mathey

Henri Mathey

(GabrielJean, et donc Henri)

Gabriel, Jean, Henry Mathey

De gauche à droite : Jean, Gabriel et Henri Mathey (photo B. Faille mémoirevive Besançon)

qui ont dirigé la plus grande entreprise de Besançon dans les années 1980 : la CEDIS, dont la direction et une partie des entrepôts étaient alors installés rue des Docks (actuel boulevard Diderot).

action CEDIS

Constituée dès 1965 à partir de l’héritage de leur père Joseph, créateur des Docks Franc-Comtois (en 1912), la CEDIS allait disparaître 20 ans plus tard, absorbée par le groupe Casino.

Joseph Mathey

Joseph Mathey
1925 Joseph, Gabriel et Jean Mathey

Docks Franc Comtois rue de Belfort

camions CEDIS

Photo B. Faille, 1967 site mémoirevive Besançon

Né le 15 juin 1919 à Besançon, il devient un véritable héros durant la seconde guerre mondiale : nous avons publié sur ce site en juillet août 2018, le récit de son aventure extraordinaire. Entré dans la société familiale en 1947, il y travaille jusqu’à l’âge de sa retraite en 1979.

François-Noël Mathey, son neveu (le fils de Jean), entré dans la société familiale en 1970, succède à son oncle Henri au poste de Directeur Général. Lors de ses obsèques, en hommage à son oncle, il prononce le discours que nous reproduisons ci-dessous.

Ce discours est également retranscrit dans un livre que François-Noël Mathey vient de publier, intitulé Itinéraire d’un fils de famille et sous titré Rien n’est jamais acquis…

Fils de famille Mathey

Nous aurons l’occasion de reparler de ce récit des faits réels, restés confidentiels jusqu’alors, concernant la disparition de la Cedis en 1985. Nul doute qu’il passionnera tous ceux pour qui cette société évoque de nombreux souvenirs ; en particulier ses anciens employés.

Henri,

A l’automne 1944, après avoir couvert le débarquement de Normandie, tu as bénéficié d’une courte permission qui t’a permis de rendre visite à la famille sans nouvelles de toi depuis quatre ans.

Après être tombé dans les bras de tes frères et sœurs tu as découvert un certain nombre de neveux et nièces nés pendant cette période agitée.

Puis tu es reparti terminer la guerre en vivant encore des aventures intenses.

Rentré ensuite à Besançon, tu as rejoint tes frères aux Docks. Tu t’es marié avec notre tante Jeannine, puis Laure est arrivée.

Les souvenirs que je garde de toi s’entrechoquent. Tu étais drôle, tu aimais la plaisanterie, j’oserais même dire la rigolade. On n’atteignait pas toujours les hauteurs que tu avais connues dans le cockpit de ton Spit en plein ciel d’Angleterre mais on s’amusait bien.

Tu étais pudique et ne te prenais pas au sérieux. Pendant longtemps il fallait insister pour que tu évoques tes aventures mais quand on y arrivait alors, tu devenais intarissable. Quand tu t’adresses aux plus jeunes, tu « glissais » discrètement sur le séjour que tu avais effectué à Lisbonne avant d’embarquer pour l’Angleterre. Les initiés comprendront…

Tu ne prenais pas toujours tout suffisamment au sérieux. Aussi me suis-je laissé dire que lors d’une période militaire effectuée sur ta base aérienne près de Colmar, tu t’étais fait remonter les bretelles par ton officier supérieur pour t’être présenté à lui avec un nombre de galons différents sur chacune des épaulettes de ta veste.

Tu aimais la fête et les amis. Avec tes copains les « moustachus » (Jean Bossert, Pierre Chenevoy, Jean Degueurce, Pierre Pacaud et d’autres) vous avez écumé les stations de ski du Jura et des Alpes et accompli alors d’autres « faits de guerre ». Dans la bande, je sais que tu n’étais pas le dernier.

Au bureau, je garde le souvenir de Raymonde, la secrétaire qui t’adorait, te protégeait mais que tes colères terrorisaient. Elle craignait parfois en finale le lancé rageur de téléphone en lourde bakélite au milieu de la pièce.

Un jour, deux de tes copains, sans doute Jean Bossert et Jean Degueurce, avaient rendez-vous avec toi aux Docks. Arrivés en avance, Raymonde les fit entrer dans ton bureau pour t’attendre. Ils ne trouvèrent alors rien de mieux à faire que de se cacher sous ta grande table de réunion couverte d’une nappe débordante en feutrine. Quand tu entras, ne les voyant pas, tu as fâché Raymonde complètement affolée qui ne comprenait rien au film.

Redevenons sérieux, directeur commercial, tu as fortement contribué au développement des Docks puis de la Cedis. En dehors de la société, tu ne t’impliquais pas dans les instances types syndicats professionnels, Chambre de Commerce, patronat. Tu laissais tout cela à tes deux frères qui s’en acquittaient du reste fort bien. En pragmatique que tu étais, seule notre centrale d’achat te mobilisait car elle avait un rôle très opérationnel directement lié à notre exploitation. Tu participas seulement à quelques congrès internationaux d’épiciers où ton humour et ta bonne humeur faisaient merveille. Combien de fois ne m’a pas demandé par la suite pourquoi tu n’étais pas venu et je comprenais alors que tu avais dû en distraire pas mal.

Finalement, seules te motivaient les cérémonies et commémorations liées à ton passé de pilote de chasse, qu’elles aient lieu en France ou en Angleterre.

Tu avais gardé le goût du pilotage et à Thise à l’aéro-club de Besançon tu retrouvais tes amis et faisais régulièrement des petits voyages. À l’occasion d’un de ceux-ci, tu emmenais ma sœur Marie-Odile et une de ses amies sur la Côte. Par un fort mistral, à l’approche de Fréjus, ton Jodel fut plaqué au sol par une violente et subite rafale et capota heureusement dans le champ de roseaux qui précédait la piste. Il vous sauva la vie, mais je sais que tu fus mortifié après tout ce que tu avais connu auparavant de la chose aérienne.

La vie continuait. J’avais rejoint la Cedis puis m’étais marié et avais fondé une famille. Tu m’as alors vendu pour une bouchée de pain ton terrain de Bregille sur lequel nous avons construit notre maison. Cela nous a permis de rejoindre le clan familial où figuraient mes parents, les Puy et les Polliot (noms des époux des 2 tantes de François-Noël).

Après quelques années, tu m’as pris sous ta responsabilité à la Cedis. Tout « baignait ». J’étais en phase avec toi, partageais ta vision des choses. Il n’y avait aucune ombre entre nous au point que, désirant prendre ta retraite à 60 ans (en 1979)- tu étais déjà un précurseur- tu as proposé aux administrateurs que je te succède à la direction générale de la société ce qu’ils acceptèrent.

Henri et F Noël Mathey

Les années passèrent, mais en 1985, un énorme orage s’abattit sur la Cedis et la famille Mathey, balayant tout sur son passage et interrompant brutalement notre relation. Heureusement, le temps accomplit ensuite son œuvre réparatrice. Après avoir beaucoup souffert l’un et l’autre, nous nous sommes retrouvés, mais au bout de 15 ans. Dans l’intervalle, nos trois enfants que tu avais quitté petits à Besançon étais devenu des adultes vivants à Lyon après un passage à Saint-Étienne. C’est alors qu’ils ont réellement fait ta connaissance. Ils aimaient te voir, te questionner, t’écouter, rigoler avec toi. J’avais le sentiment qu’ils voulaient rattraper le retard accumulé pendant tant d’années. Nicole et moi étions comblés. Quand ils le pouvaient, ils venaient te voir à Besançon.

Depuis le temps s’est écoulé. Ces dernières années,  impuissants et malheureux, nous t’avons vu souffrir physiquement et moralement.

Aujourd’hui, tu as atteint le bout de ton chemin, tu es délivré, tout est accompli.

Au revoir Henri.

François Noël Mathey

Photo Bernadette Cordier DR

Vous pouvez vous procurer ce livre auprès de son auteur : itineraire.cedis@icloud.com

ou à la librairie A LA PAGE  rue Ronchaux à Besançon ou dans les bonnes librairies

About Author