L’histoire d’un chapraisien de Monaco
Une histoire de postiers, un chapraisien de Monaco
Le recensement de population est une mine d’or pour toute personne réalisant des recherches historiques. Ceux de Besançon n’échappent pas à la règle et permettent parfois de tomber sur des trouvailles inédites.
Le recensement des Chaprais de 1936 témoigne d’un individu né à Monaco, Jean Daguet
Le recensement nous indique qu’il est marié avec Marguerite Dijon, né à Scey-en-Varais et qu’il est alors employé au PTT. Rappelons pour les plus jeunes que les Postes, Télégraphes et Téléphones (PTT) étaient l’affaire exclusivement de l’administration française jusque dans les années 90. Aujourd’hui les entreprises La Poste et Orange sont les témoins de cette époque.
Son adresse ? 17 rue des Deux Princesses. L’endroit a bien changé depuis cette époque
Comment donc ce chapraisien a-t-il pu naître à Monaco ?
Son acte de naissance nous apporte quelques éléments :
Le père de Jean, Léon est en effet, « agent de sûreté », c’est-à-dire policier à Monaco.
Le parcours de Léon est atypique, il naît en 1885 à Belleherbe dans le Haut-Doubs. Il est le fils d’Edouard, postier et de Clémence Grosjean. Il commence sa jeunesse en reprenant le métier de son père avant de partir servir sous le drapeau. Il part s’engager volontairement pour trois ans en 1905. Il montre une certaine aptitude dans ses missions, il monte plusieurs fois en grade pour devenir maréchal des logis équivalent au grade de sergent. En sortant de l’armée, Léon intègre la police.
Les forces de l’ordre de cette époque sont en pleine transformation entre développement de nouveaux moyens techniques (fichage des suspects, étude relative des scènes de crime,…) et de dangereuses bandes de criminels anarchistes. La principale étant celle du chapraisien Jules Bonnot. Rappelons pour la petite histoire que c’est grâce à Jules Bonnot qui réalisait ses coups en voiture que la police française a été la première au monde à délaisser des moyens hippomobiles pour des véhicules automobiles
Dans ce contexte, Léon entre dans la police. Le jeune homme âgé de vingt-quatre ans ne craint pas de bouger. On le retrouve servant les forces de l’ordre dans les Aurès en 1909. Son rôle de l’autre côté de la Méditerranée, son épopée algérienne se trouve être de courte durée. Léon est rappelé en métropole au bout de quelques mois. Il devient agent de sûreté à Monaco. Comment un français peut-il se retrouver à assurer une mission régalienne d’un état souverain comme la Principauté ? Les relations franco-monégasques sont à cette époque dans une étroite dépendance du second à l’égard du premier. Le traité de 1865 institue les relations entre les deux Etats et renforcent la mainmise française sur le Rocher. Notons par exemple que par ce traité, certains corps régaliens de Monaco doivent être composés de citoyens français, c’est notamment le cas des douaniers.
Dans ce contexte, il n’est pas surprenant de trouver Léon Daguet, franc-comtois devenir policier à Monaco.
Les liens de Léon avec sa région natale perdurent, il épouse en 1911, à Moncey, Geneviève Lamotte, originaire de Raincourt en Haute Saone. La famille s’installe alors quelques temps dans un somptueux immeuble, la « Villa des Platanes » . En effet, en 1914, le deuxième enfant du couple André naît à Belleherbe.
Villa des Platanes à Monaco
Mais la Première Guerre mondiale va changer le destin de la famille. Léon sert dans le train, c’est-à-dire la logistique, notamment dans l’armée d’Orient en Grèce et dans les Balkans. Comme beaucoup d’autres soldats français servant sur ce front oublié, Léon attrape le paludisme dans l’enfer de Salonique. Au sortir du conflit, il garde des séquelles physiques de cette maladie. Il percevra alors une pension d’invalidité à partir de 1921. On retrouve sa trace dans notre région, il habite Villars-les Blamont où il devient postier. Un dernier enfant du couple de Léon et Geneviève est né en 1928 : Linette
Le fils aîné Jean se destine à reprendre le métier de son père et de son grand-père, postier. Il se marie en 1935 dans son village d’adoption avec la fille d’un fromager de Scey-en-Varais, Marguerite Dijon. Au hasard d’une affectation, Jean se retrouve muté aux Chaprais où il sera quelques années avant de s’établir en Haute-Savoie avec sa femme.
Le bureau de poste des Chaprais a été ouvert en 1883 au 3 rue de la Liberté
Jean s’éteint en 1975 dans une commune appelée La Tronche, dans la région de Grenoble.
Jean Daguet aura toute sa vie cette originalité d’être l’un des rares voire le seul postier chapraisien né sur le Rocher.