Coups de coeur de lecture : cap au Nord de l’Europe
Rencontre Coups de cœur lecture du 27 novembre 2019
Cette rencontre a eu lieu au CDN, que nous remercions très vivement, de même que pour la proposition d’accueillir également nos futures réunions. Une mention spéciale pour la chaleur de l’accueil assuré par François.
Le thème retenu était la littérature nordique et les propositions intéressantes et variées, les échanges animés se seraient prolongés sans la contrainte horaire de 18 h. Mais il faut reconnaître que le début de séance a été légèrement différé…, à corriger la prochaine fois !
Imaqa de Fleming Jensen
Livre présenté par Catherine :
L’auteur né en 1948 est une vedette de la radio et télévision danoise et un écrivain dont le roman le plus célèbre (muri pendant 25 ans) est Imaqa.
Imaqa , paru en France en 2002, nous raconte l’histoire d’un instituteur danois (nommé Martin Willumsen) dans les années 1970 qui, à sa demande, est muté au Groenland, dans un petit village au nord du cercle polaire (Nunaqarfik).
Alors que l’administration danoise lui demande de faire entrer la culture danoise dans la tête des écoliers groenlandais, l’instituteur découvre, apprend à aimer et essaie de sauvegarder la culture inuit.
Ce que j’ai apprécié:
– Le ton du roman : Imaqa en groenlandais veut dire « peut-être ». C’est la réponse que font souvent les Groenlandais pour qui rien n’est sûr. Le roman est plein d’humour autant pour décrire l’administration danoise que l’adaptation parfois difficile, mais pleine de bonne volonté de Martin aux mœurs groenlandaises. Mais cet humour est constamment empreint d’une grande bienveillance.
– le héros Martin, sensible, et embrassant la cause des Groenlandais malgré ses difficultés à comprendre leur fonctionnement; la galerie de tous les personnages peuplant le roman, jeunes et vieux, ceux qui renient leurs origines, ceux qui veulent les préserver, ceux qui sont broyés par le système, les instants heureux et les moments tragiques …
– l’aspect documentaire : nous permet de découvrir l’importance du milieu naturel et des difficultés liées au climat mais surtout une société dont les valeurs et les codes sont différents et méconnus, en train d’être laminée par le « progrès », les efforts de certains pour sauvegarder cette civilisation et la dénonciation d’une « colonisation » parfois absurde, parfois meurtrière et trop souvent complètement inadaptée.
Rosa Candida Audur Ava Olafsdottir : autrice islandaise née en 1958 à Reykjavik
Présenté par Danièle :
Un jeune homme, Arnljotur, surnommé Lobbi par son père, quitte son Islande natale pour le continent européen avec quelques boutures de rose, la ROSA CANDIDA . En même temps, il quitte aussi son vieux père, son frère jumeau autiste et une jeune fille, Anna, avec qui il ne se sent pas d’attache sinon cette petite fille née à la suite de leur unique relation. Sa mère est décédée dans un accident de voiture ; elle lui a prodigué quelques conseils juste avant de mourir.
En fait, c’est comme un parcours initiatique pour ce jeune homme, mais tout en douceur, avec la présence en lui de sa mère avec qui il partageait la passion des plantes, de son père très différent mais toujours soucieux et attentif, de son frère présent/absent.
Tous les personnages sont émouvants, candides comme la rose.
Il va rejoindre un monastère oublié, sa roseraie dans un pays à l’atmosphère de conte. Il rencontre alors Frère Thomas, un moine érudit, parlant plusieurs langues, cinéphile, qui deviendra en quelque sorte son père spirituel. « Le merveilleux jardin des roses célestes », le but de son voyage, n’est plus que l’ombre de lui-même. Il travaillera à lui rendre son lustre d’antan, mais il va aussi à la rencontre de lui-même, d’Anna et de leur petite fille.
Le ton : naïf mais pas vraiment, léger mais pas tant que ça.
Le ressenti : c’est un récit à la première personne, mais avec une certaine distanciation, car Lobbi n’exprime pas ses sentiments, il se contente de raconter, et pourtant il provoque l’émotion.
J’aime aussi les lieux décrits.
Pour moi, c’est un conte initiatique, qui me fait penser au Candide de Voltaire.
La Faim de Knut Hamsun
Présenté par Katherine :
Knut Hamsun : écrivain norvégien né en 1859 et mort en 1952. Origine très modeste, nombreux petits métiers, errance en Europe, deux séjours aux USA. La Faim, son premier roman a été publié en 1890. Prix Nobel de littérature en 1920. A fini par mal tourner : fascination pour le national-socialisme et peut-être folie.
La Faim : un récit très perturbant, plus ou moins autobiographique.
Pas de véritable intrigue. Le narrateur est un écrivain et journaliste épisodique qui erre dans les rues de Christiana (l’ancien nom d’Oslo). Les chroniques qu’il écrit sont rarement acceptées d’où des journées sans argent et sans nourriture. Autre problème : le logis, il occupe des chambres sordides, se retrouve parfois SDF.
En fait, il ne s’agit pas du tout, contrairement à ce qu’on pourrait attendre, d’un roman de critique sociale. La situation du narrateur ne semble pas vraiment due (ou pas seulement due) à la dureté de la société dans laquelle il vit, mais bien plus à sa personnalité. Les quelques fois où il a un peu d’argent en main, il le perd très vite, éventuellement dans des bonnes actions (des gestes altruistes reflexes). Tout se passe comme s’il se complaisait dans la solitude et la marginalité, comme s’il avait besoin de se retrouver dans un dénuement absolu. Ce qui intéresse l’auteur, c’est la description des différents états de conscience par lesquels passe le personnage : surexcitation, euphorie, abattement, désespoir, tentation suicidaire, bouffées de violence ou d’amour à l’égard des gens qu’il croise, imprécations lancées à Dieu, inspiration ou panne d’inspiration. Un personnage au bord de la folie. Pas de véritables personnages autres que le narrateur, mais plutôt des silhouettes qui apparaissent, disparaissent, réapparaissent (une dame en noir, une demoiselle en rouge..) un peu comme dans un rêve.
Ce qui est frappant, c’est l’aspect très concret du texte. On a affaire à une description des effets physiques et mentaux de la faim : corps du narrateur défiguré par la faim, état second dans lequel la faim le plonge. À remarquer aussi une présence physique de la rue : l’obscurité, l’éclairage au gaz et surtout les bruits.
Lectures : p. 197, p. 261-262
Doggerland de Elisabeth Filhol
Elle est née dans les années 60 à Mende
Présenté par Marie-France :
Fisher, Dogger, Forties, j’imagine que ça vous rappelle la météo marine qu’on pouvait entendre avant le « Masque et la plume » sur France Inter.
Doggerland, ce roman doit son titre à une île grande comme la Sicile qui a existé il y a 8000 ans entre l’Ecosse et le Danemark. Cette île a été engloutie par la fonte des glaces de la calotte polaire.
Margaret, écossaise et Marc, français se rencontrent sur les bancs de l’université St Andrew en Ecosse où ils font des études de géologie. Ils tombent amoureux, mais leurs voies se séparent. Margaret étudie les sous-sols de la mer du Nord, tandis que Marc s’oriente vers le pétrole et les plate-formes offshore.
Ils se séparent d’autant plus que Marc part au Mexique.
En décembre 2013, 20 ans après leur séparation, les deux anciens amants ont l’occasion de se rencontrer lors d’un congrès d’archéologie au Danemark.
Une terrible tempête est annoncée dans la mer du Nord. Le récit se déroule pendant cette tempête.
J’ai trouvé très intéressant la construction du roman, notamment l’articulation entre deux destins personnels et une situation collective.
On peut lire ce roman de deux façons : une histoire d’amour, mais aussi on peut penser au changement climatique qui nous attend.
2 livres présentés par Marielle :
Le jour avant le lendemain de Jorn Riel
Jorn Riel : auteur danois (1931- …) qui a vécu 16 ans sur une île au nord-est du Groenland
Le thème de ce livre est la vie de deux inuits : la grand-mère Ninioq et son petit-fils Manik . Ils se retrouvent seuls sur une île isolée pour faire sécher les poissons et la viande de leur tribu à la fin de l’automne. Dans un style simple et clair, on fait la connaissance de la culture inuite avec ses traditions, ses croyances, ses rites. On sent la complicité entre ces deux êtres : une femme âgée forte très humaine et un enfant avide d’apprendre, de connaitre les règles de vie dans ce monde hostile. La relation de ces deux personnages avec la nature et les animaux est également très évidente et très belle.
Comme personne ne vient les rechercher au début de l’hiver la grand-mère sent qu’il se passe quelque chose d’anormal et la notion que son monde est en train de disparaître s’insinue progressivement dans le récit.
C’est un livre fort dont on ne sort pas facilement. La fin tragique et dure laisse un souvenir troublant et persistant… mais cette fin est logique …
Miss Islande de Audur Ava Olafsdottir
Ecrivaine islandaise qui a reçu de nombreux prix littéraires du nord de l’Europe.
Elle vient de recevoir le prix « Médicis étranger » pour ce livre.
Le thème : 1960 en Islande Une jeune femme décide de partir pour la capitale afin de devenir une écrivaine célèbre. Nous la suivons dans ses conflits avec la société islandaise très traditionnelle, machiste, puritaine qui voit surtout en elle une future « Miss Islande » .
Autour d’elle deux portraits : son amie qui écrit son journal intime hors de la vue de son copain mais dont la vie restera très classique et son ami Jon John , homosexuel subissant de fréquentes brimades et qui veut devenir styliste.
Le style : Par petites touches, nous voyons les travers de la société (elle veut devenir écrivaine, ils souhaitent qu’elle fasse le concours Miss Islande). C’est un roman plein d’humour ( la jeune femme se prénomme Hekla : ce qui signifie volcan ).
Dans ce livre, chaque personnage avance plus ou moins loin grâce à l’amitié.
C’est un livre positif , un livre sur la résistance. Il nous signifie qu’il faut croire en ses rêves , casser les barrières de la société et suivre son chemin .
La lettre à Helga de Bergsveinn Birgisson, auteur Islandais né en 1970
Présenté par Berthe :
A la fin de sa vie, un homme écrit une longue lettre à une femme qu’il a passionnément aimée toute sa vie sans jamais vivre avec elle. Il a préféré renoncer à l’amour de sa vie plutôt que de quitter sa terre.
C’est le récit de sa vie, de ses choix et de la difficulté d’accorder ses désirs avec son incapacité à quitter sa terre et son attachement à ce qu’il a toujours été, on ressent cette complexité lorsqu’il dit : « ici à la campagne j’ai eu de l’importance, voilà une différence qui compte »……..
La description de sa vie d’éleveur de moutons et contrôleur de fourrage islandais, de longues réflexions sur la nature, et la douleur du constat dans ces mots « Un bonhomme qui a préféré croupir dans son trou plutôt que suivre l’amour de sa vie »
On se demande si son choix est dicté par l’attachement à son environnement ou la peur d’affronter un inconnu à construire.
Un petit livre puissant qui fait réfléchir à chaque ligne sur ses choix de vie, le sens de la vie.
Berthe Mahler
La prochaine réunion de Coups de coeur de lecture animée par Françoise Romain aura lieu en janvier à une date qui sera fixée prochainement probablement un mercredi à 16 h 30