Il y a 40 ans, le Parc des Chaprais ouvrait au public : hommage au donateur André Millot.
Dans le cadre de la fête du quartier, le 23 juin 2018, au parc des Chaprais, un hommage public sera rendu à son généreux donateur, M. André Millot (voir l’article paru à son sujet, le 17 juin 2017). En effet, ce parc était inauguré il y a quarante ans déjà!
Samedi 23 Juin, à 11h00, dans le parc des Chaprais, conférence de M. Joseph PINARD sur l’histoire du quotidien Le Petit Comtois; puis hommage à André Millot par une habitante des Chaprais, et discours de madame Catherine Millot, sa fille. Le tout suivi d’un Vin d’honneur.
Nous allons donc, dans ce nouvel article essayer de vous raconter l’histoire de cette donation.
Dans le Bulletin Officiel De La Commune de Besançon qui rend compte des délibérations du conseil municipal de la ville et des décisions prises, le 23 mars 1978, on peut lire p.758, (voir site Mémoire Vive de la ville de Besançon) :
« Donation par M. MILLOT André à la ville de BESANCON d’une propriété sise rue de l’Eglise
M. BRETON, Conseiller Municipal, Rapporteur, expose que M. André MILLOT fait donation à la ville d’un terrain sis 4, rue de l’Eglise et cadastré section CV n°297,299 et 116 pour des contenances respectives de 0,48 a, 60,67 a et 2,18 a soit au total 63 ares 33.
La donation est faite sous les réserves suivantes établies à titre perpétuel :
1°) le terrain restera toujours un espace vert ouvert au public ;
2°) cet espace vert devra porter le nom de « Jardin des Chaprais » ou de « Jardin Public des Chaprais », à l’exclusion de tout autre appellation ;
3°) il ne sera jamais utilisé comme parc de stationnement, même partiellement ;
4°) aucune construction, même légère (stands, tentes, baraques…) ne pourra être édifiée ni en surface, ni en sous-sol. L’abri de jardin existant pourra être conservé et remis en état.
Toute non observation de l’une de ces conditions pourra entraîner l’annulation de la donation par M. MILLOT André ou ses ayants droits.
En outre, … »Suivent alors cinq obligations pour la ville concernant les murs de séparation avec la villa Les Iris au N°6, et les arbres existants.
« M. le Sénateur Maire : Dans un premier temps nous remercions M. MILLOT de cette donation, étant entendu que nous respecterons les conditions qu’il nous a indiquées.
A l’unanimité, l’Assemblée Communale accepte la donation de M. MILLOT André et remercie le généreux donateur ».
Dossier technique de l’aménagement du parc aux archives municipales
Ce qui frappe dans ce compte-rendu, c’est la sobriété avec laquelle est relaté cet épisode, malgré l’unanimité exprimée afin d’accepter ce don. Peut-être n’est-ce qu’une impression, mais lorsque l’on consulte d’autres délibérations au cours desquelles furent abordées des donations, le « généreux donateur » est souvent l’objet de louanges appuyées.
Dans ce cas précis, l’Histoire avec un grand H, de Besançon, à la Libération peut expliquer pour partie ce climat.
Il était alors de notoriété quasi publique qu’André Millot avait décidé, depuis plusieurs années, de donner ce parc à la ville. Mais il n’en était pas encore propriétaire. Ce qui sera le cas après le décès de sa mère le 8 janvier 1977. Il indemnisera d’ailleurs son frère Jean pour la part qui lui revenait. Depuis plusieurs années déjà, poursuivant son idée d’un don de ce parc pour les habitants du quartier, il négociait avec sa mère le remplacement de vieux arbres fruitiers par des arbres d’ornement.
Par ailleurs, il semble qu’il attendait le départ de Jean Minjoz, maire de Besançon de 1945 à 1947, puis après une mandature exercée par l’opposition (Henri Bugnet de 1950 à 1953, puis Henri Régnier de 1950 à 1953), maire sans discontinuer de 1953 à 1977. Il considérait alors que Jean Minjoz figurait parmi les responsables qui avaient empêché la reparution du journal de sa famille Le Petit Comtois. Les mêmes avaient créé le quotidien Le Comtois reprenant la typographie, et, entre autres, le fichier des abonnés du journal qui avait paru jusqu’à sa suspension par les autorités allemandes le 22 mai 1944. De fait, Jean Minjoz quitte la scène politique bisontine au soir du premier tour des élections municipales du 13 mars 1977. Son remplaçant, Robert Schwint, à la tête d’une liste d’union de la gauche l’emporte en effet au premier tour avec 51,22% des voix !
Dès la fin 1977, des discussions sont engagées avec la ville afin de programmer les dépenses d’aménagement du parc pour 1978. Il existe, aux archives municipales de la ville un dossier intéressant à ce sujet ! On y retrouve les devis divers tant pour les travaux de maçonnerie que pour la plantation de nouvelles espèces d’arbres et le dossier de la préparation et de l’inauguration effective de ce parc le 21 juillet 1978.
Le parc en 1978
Là aussi, il transparaît (peut-être n’est-ce qu’illusion de notre part, voire abus d’interprétation) une sorte de gêne. Ainsi le premier jet de la lettre d’invitation à André Millot ne comporte pas d’invitation à déjeuner. Cette proposition manuscrite sera rajoutée à la première version dactylographiée ! M. André Millot répond d’ailleurs sobrement, dans une lettre manuscrite en date du 17 juillet 1978 :
« Par votre lettre SG/140 Réception 78/1063 du 12 juillet, reçue ce jour, vous avez bien voulu m’inviter à l’inauguration du Jardin Public des Chaprais et au vin d’honneur qui suivra, ainsi qu’à un déjeuner à l’issue de ces manifestations.
Je vous remercie de ces invitations auxquelles j’aurai l’honneur et le plaisir de me rendre.
Ma femme, se trouvant empêchée, aura le regret de n’y pouvoir participer.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Maire, l’expression de ma considération très distinguée. »
Le parc en 1978
La liste des invités est très complète. Pratiquement toutes les personnalités de Besançon sont invitées.
Le parc en 1978
Nous vous livrons l’essentiel du discours prononcé par M. André Millot dont nous avons trouvé une version dactylographiée avec ajouts manuscrits.
« Voici enfin le jour venu où je peux réaliser un projet qui me tient à cœur depuis longtemps : celui de remettre ce jardin à la population des Chaprais.
La principale raison de cette donation a été la possibilité qui m’était offerte de créer une promenade publique dans ce quartier très peuplé, où il n’en existait aucune. Ce sera une joie de penser que désormais les vieilles personnes, les mamans avec leur bébé et tous les habitants auront une aire de repos où ils pourront venir s’asseoir et deviser parmi les arbres et les pelouses, à l’abri de la circulation envahissante.
J’ai mis quelques conditions à ma donation… ». M. André Millot énumère donc les 4 conditions rapportées lors du débat au conseil municipal du 23 mars. Puis il indique : « Ne voyez pas dans ces conditions une limitation à la donation car elles témoignent au contraire de mon souci d’en assurer la pérennité. Au long des années, car voilà longtemps que je m’intéresse à l’urbanisme, j’ai dû maintes fois constater à quel point les espaces verts sont menacés par les convoitises : celles des particuliers et des entreprises privées, bien sûr mais même celles des administrations publiques toujours tentées d’y implanter leurs installations.
Vous me permettrez de faire part de deux autres raisons, plus personnelles, qui ont inspiré cette cession à la Ville de Besançon.
L’an dernier, au décès de ma mère, notre famille a cessé de demeurer dans cette partie du quartier des Chaprais où nos ascendants en ligne directe s’étaient établis en 1726 et où ils ont habité sans interruption, de génération en génération pendant 250 ans. J’ai voulu que notre famille laisse ainsi un souvenir, une marque de son passage et la seule marque valable ne pouvait être qu’un apport à la collectivité et à l’embellissement, une contribution, même modeste, au mieux être de la population de son cadre de vie.
Ma dernière raison est que depuis 1883 date de la fondation du « Petit Comtois » et jusqu’à la suppression de ce journal par les allemands pendant la dernière guerre, mon grand-père Jean Millot et mon père Louis Millot ont participé de façon très active à la vie politique, économique et culturelle de la Franche-Comté. J’ai pensé qu’ils approuveraient cette donation car elle est conforme à la ligne qui était la leur et aux idées qu’ils ont toujours défendues. Il m’a semblé qu’il n’était pas de meilleure manière de rappeler leur action et d’honorer leur mémoire.
Je désire remercier mon oncle Paul MILLOT, qui en me remettant il y a quelques années sa part dans ce domaine a rendu possible ma donation.
Monsieur le Maire, je vous remets la propriété. »
Nous n’avons malheureusement pas retrouvé le discours du sénateur-maire de Besançon.
Un vin d’honneur avait été organisé sur place, offert par la mairie.
Le bon de commande du déjeuner qui suivit, au restaurant du Casino de Besançon figure au dossier pour 6 personnes seulement.
Nous avons pu, grâce au témoignage d’un des invités, déterminer quels étaient ces convives : outre André Millot et le maire, son directeur de cabinet, assistaient également madame et monsieur Henri MATHEY (1919-2010). Ce héros de la seconde guerre mondiale, qui s’est illustré comme pilote d’avion de chasse au sein de la RAF britannique, était en effet marié avec Jeannine MILLOT (1926-1979), la fille de Paul, l’oncle d’André Millot.
Sources : Archives Municipales; madame Catherine Millot; M. Joseph Pinard.