La bière Arlen et les Chaprais
Le Président de la République, Armand Fallières, se déplace à Besançon en août 1910 afin d’y inaugurer, entre autres, la grande poste de la rue Gambetta et la statue de Proudhon, au rond point des Bains.
De grandes fêtes sont organisées durant 3 jours (même si le Président ne reste que 24 h dans la ville) : les rues sont pavoisées, des arcs de triomphe éphémères sont dressés en ville, mais aussi rue de Belfort et avenue Fontaine-Argent.
Là, au début de l’avenue, la décoration arbore fièrement à son frontispice cette inscription :
SOYEZ LES BIENVENUS
LOUIS ARLEN et Cie
Inutile de préciser quel était le commanditaire et le financeur de cet arc !
Mais qui est ce Louis Arlen…et Cie…. ? Il s’agit d’un brasseur d’une bière célèbre. Et s’il ne la fabrique pas à Besançon, mais à Montbéliard, son entrepôt pour la ville est situé aux Chaprais, 16 rue des Chaprais.
Le 16 rue des Chaprais aujourd’hui : l’entrepôt devait se situer derrière la maison là où a été construit un immeuble de bureaux
L’entrepôt sera transféré, en 1910, au 32 avenue Carnot, là où se situe aujourd’hui la garage Renault.
Annonce parue dans Le Petit Comtois du 2 octobre 1910
Sa marque, reportez vous à la carte postale de l’avenue Fontaine Argent est « Eléphant »…
Ainsi Louis Arlen ose défier sur ses terres la bonne bière La Bisontine !
Publicité Le Petit Comtois juin 1907
Cela mérite que l’on parle un peu de lui….
Pour faire court, notons que la famille est originaire de Hoerdt, une petite ville de 4 000 habitants aujourd’hui, située entre Strasbourg et Bischwiller. La marque « A l’Eléphant » est créée en 1809. Une brasserie est ouverte à Strasbourg en 1833. Né en 1822, Louis prendra la suite de ses frères Charles et Martin.
Après la défaite de 1870, l’Alsace va connaître une crise économique qui va entraîner la fermeture de nombreuses brasseries. En effet, le marché français lui est fermé et les bières allemandes font concurrence aux bières alsaciennes.
Aussi, en 1880, Louis Arlen s’installe à Montbéliard. Voici ce qu’écrit M. Roland Stoll dans le n°12 du journal municipal de Hoerdt en décembre 1997.
« Louis Arlen met en œuvre, dans sa brasserie de Montbéliard, toute son expérience acquise dans la brasserie familiale « A l’Eléphant » pour développer une bière de qualité où l’essentiel repose sur le choix des malts et des houblons ; la saveur de la bière Arlen rappelle celle des bières strasbourgeoises. En souvenir de son passé strasbourgeois, l’emblème de la bière Arlen à Montbéliard sera cet éléphant qui dans sa trompe porte un bock de bière.
Publicité dans Le Petit Comtois 14 08 1907
Louis sait aussi industrialiser sa brasserie en construisant de vastes caves aux murs isolés de liège où règne une température constante et basse. La glace naturelle est prélevée en saison dans le canal tout proche ou produite au moyen de machines frigorifiques.
Le succès de la bière Arlen de Montbéliard se traduit par des récompenses obtenues aux expositions de 1885, 1887, 1891, 1893 pour être enfin classée hors concours en 1894. De nombreux autres honneurs sont obtenus en 1905, 1910, 1911, 1913, 1914 et 1919 aux foires internationales.
La bière Arlen est livrée dans toute la région en tonneaux par des voitures tirées par des percherons. Le transport à Paris se fait par des wagons glacières afin de maintenir la même température que dans les caves de la brasserie. Vers les années 1890, la mise en oeuvre de la méthode Pasteur (pasteurisation) permet l’expédition de bouteilles de bière dans des pays lointains et notamment dans les colonies.
Après avoir connu son apogée au changement de siècle et jusqu’à la fin de la Grande Guerre, la brasserie Arlen est victime de la crise de 1929. Elle est rachetée par la brasserie de Sochaux ; cette brasserie intègre tout comme la brasserie de Lutterbach (68) le groupe des « Brasseurs de l’Est ».
L’aventure de la bière Arlen se termine dans les années 1930 par la démolition des bâtiments et la disparition de Louis Arlen fils ; en 1939 il revient à Strasbourg pour y mourir, à l’âge de 85 ans ».
Sources : archives municipales Besançon, Hoerdt infos n°12 (1997)