Il y a 75 ans, Besançon sous les bombes alliées : mémoire et histoire
Depuis quatre ans déjà, nous évoquons, sur ce site web, le tragique événement qu’a représenté le bombardement de la gare Viotte par la RAF britannique, le 16 juillet 1943.
Les destructions gare Viotte
Cette année ce sera donc le 75° anniversaire de ce bombardement et l’occasion de revenir sur ces événements. Le Conseil Consultatif des Habitants des Chaprais/Cras a décidé de lui consacrer une conférence, dans une salle de l’hôtel Florel, face à la gare, et ce le 16 juillet 2018, à 17h00. Compte-tenu du nombre de places (50 seulement), cette conférence sera renouvelée le 17 juillet à 17h00 également. L’inscription, au préalable est obligatoire. La séance du 16 juillet est complète.
La foule est nombreuse pour constater les dégâts causés à la gare
Nous avons eu la curiosité d’examiner le contenu du quotidien Le Petit Comtois, qui, rappelons le, paraît sous le contrôle et la censure des forces allemandes.
La brasserie Gangloff et le dépôt de trams à proximité sont touchés
Dès son édition du samedi 17 juillet 1943 (et du dimanche 18 juillet), des communiqués ayant trait à l’aide aux sinistrés paraissent en première page, dans la rubrique de Besançon. Et ce, curieusement, alors qu’aucun article traite de l’événement en lui-même! Ainsi, sous le titre « Avis aux sinistrés », il est indiqué que le Préfet « …vient d’organiser à la préfecture un service unique de documentation auquel les sinistrés en résidence à Besançon pourront s’adresser en vue d’obtenir tous les renseignements dont ils peuvent avoir besoin touchant à leur situation ».
Devant la gare et l’ancien monument aux morts
Un autre communiqué succédant à celui du Préfet paraît sous le titre « Action du COSI »
Le Comité Ouvrier de Secours Immédiat fait savoir aux sinistrés du bombardement du 16 juillet qu’une permanence est ouverte tous les jours de 9h à 20h, à la mairie, en liaison avec le Secours National (organisme créé par le régime de Pétain). Il est précisé que des « …secours sont versés immédiatement ».
Enfin, dernier communiqué instructif, sous le titre « Aux familles des travailleurs en Allemagne victimes des bombardements de la région ».
Le commissariat général à la main d’oeuvre française en Allemagne informe les familles éprouvées qui se trouvent sans abris, ayant perdu leur foyer, que la caisse départementale de secours aux familles de travailleurs français en Allemagne leur viendra en aide ».
Pour cela il faut s’adresser à M. Kalmes P. délégué départemental, 1 place du 4 septembre à Besançon.
Donc le dimanche 18 juillet 1943, le journal ne paraît pas, comme c’est alors le cas pour chaque dimanche. Et il faudra donc attendre l’édition datée du 19 juillet 1943 pour qu’un article relate enfin, directement les événements. Le titre choisi de cet article publié en « une » du journal démontre combien les journalistes sont placés alors sous la tutelle de l’occupant : « Un raid terroriste de la RAF sur l’Est de la France ». Pour le contenu de l’article, il a été rapporté sur ce blog, le 16 juillet 2016 sous le titre : « 16 juillet 1943, le bombardement de la gare Viotte ».
Les éditions ultérieures du 20, 21, 22 juillet 1943 et ce jusqu’au 1er août évoqueront ces événements en rappelant la solidarité due aux familles des victimes et en rendant publiques les listes d’une souscription ouverte en leur faveur. Il est également fait appel aux propriétaires afin qu’ils signalent leurs logements vacants.
La rue des Chaprais bombardée
Il faut attendre le 22 juillet pour que des avis de décès soient publiés, sans beaucoup de précisions. Comme celui de M. Roger Marie Léon Pourcelot, employé de la SNCF, décédé à 32 ans; M. Georges Adam Marie Pigeot, sous-chef de gare SNCF décédé à 50 ans; M. Léon Charles Henriot, employé SNCF, décédé à l’âge de 40 ans 8 mois; de M. Pierre Genevoix, employé SNCF, 45 ans et de M. Camille Gallecier, receveur des postes des Chaprais, 59 ans. Toutes ces personnes sont-elles des victimes de ce bombardement?
On peut d’autant plus se poser la question que l’on ne retrouve pas ces noms dans la liste des 20 victimes publiée par le quotidien La République de l’Est dès le 19 juillet 1943! Liste publiée par M. Francois Henriot, fils d’une victime, Jean Henriot (voir en fin d’article les 5 membres de la famille Henriot tués lors de ce bombardement), dans un livre fort documenté et précis intitulé » Merci Monsieur Churchill » (imprimerie Bobillier, 2016).
Dans l’édition datée du 23 juillet 1943, sous le titre « Obsèques de nouvelles victimes » .. »le maire fait connaître que les obsèques de trois personnes non identifiées, victimes du bombardement auront lieu aujourd’hui vendredi 23 juillet à 16h15 à l’hôpital ».
Même chose dans l’édition datée du 29 juillet où un service funèbre est annoncé car de nouvelles victimes ont été déblayées sous les décombres et leurs restes n’ont pu être identifiés. Le service funèbre est donc annoncé pour le 3& juillet à Saint Pierre à 19h00.
Rappelons le bilan humain de ce triste événement à Besançon : 51 morts dont 9 non identifiés et 131 blessés! Parmi eux 7 aviateurs britanniques. Quant aux soldats allemands tués sous les bombes, les chiffres officiels n’ont jamais été communiqués, mais le colonel Dutriez les estime à une vingtaine.
Enterrement au cimetière du Champ Bruley des soldats allemands tués
Photo C. Mourey (DR)
La famille Henriot devait payer, à elle seule, un lourd tribut puisque cinq membres de cette famille furent tués! Voici la liste détaillée communiquée par Madame Martine ARBARET, nièce de Jean Henriot (son père, Pierre était le frère de Jean)
- Jean Henriot (décédé à proximité du Fort Beauregard);
- Lucie Voidey épouse Moreau (soeur de Renée Voidey mariée à Pierre Henriot ) , tante de Martine;
- Jean Moreau, époux de Lucie, oncle de Martine;
- Bernard Henriot, âgé de 2 ans, frère de Martine;
- Félicie Voidey, mère de Renée et de Lucie, grand-mère de Martine.
Sources : Le Petit Comtois, La République de l’Est, « Merci Monsieur Churchill » de M. Henriot, Michel Marlin, Mme Arbaret.