La première compagnie de Chemin de fer à Besançon et la gare Viotte

La première compagnie de Chemin de fer à Besançon et la gare Viotte

Une compagnie de chemin de fer s’est constituée, à Besançon,  fin 1851 et obtint, suite au décret du 12 février 1852, l’autorisation de construire la ligne Dijon-Besançon. Si de nombreux « capitalistes » bisontins investirent dans cette société, ils sont loin d’avoir été les seuls et ils sont rejoints par des investisseurs de toute la France. L’universitaire Claude Fohlen qui a beaucoup œuvré afin d’établir une Histoire de Besançon, donne la liste détaillée de ces investisseurs, dans une communication à la Société d’Émulation du Doubs en 1962.

Une des plus anciennes photographies de la gare Viotte dans les années 1870. Photo de M. Montrille collection Monet archives ville de Besançon

Une des toutes premières photos de la gare Viotte. La gare est en bois et métal pour des raisons militaires.Collection Morel Mémoire Vive                                Besançon

Les voici, classés par ordre alphabétique, les bisontins ayant été regroupés en début de liste:

Théodore AMET : banquier   200 actions

BRETILLOT, banquier           260

Jules de BUSSIERES, Juge à la cour d’appel de Besançon  200 actions

Thomas DEPREZ, commissionnaire                             200 

J. DETREY-MAIROT, banquier                                    260 

FRANCE et Cie, négociants                                            200 

GERARD et Cie, banquiers                                            200 

Auguste LIPPMANN, banquier                                   160 

Alfred MARQUISET, propriétaire                              153

OUTHENIN-CHALANDRE                                         260

PAPILLON, négociant                                                    200

REMY aîné, négociant                                                  200

ROBB, négociant                                                            200

Louis de SAINTE-AGATHE, propriétaire             200

Comte de VAULCHIER                                             170

Ch. VEIL, négociant                                                  1 125

VEIL-PICARD et Cie, banquier                               260

Joseph ZELTNER, négociant                                   200

Soit un total, pour les bisontins, de 4 448 actions.

Vous reconnaîtrez certainement, parmi eux, des noms connus….

Ajoutons aux bisontins, les franc-comtois :

BOUCHOT, maître des forges, Lisle sur le Doubs    3 100 actions

JAPY frères, Beaucourt                                                        50

Comte de MERODE, conseiller général, Maîche          100

Jules VAUTHERIN, maître des forges                             50

Juvénal VIEILLARD, maître des forges, Morvillars     50

Soit un total de 3 350 actions pour les franc-comtois non bisontins et 7 798 si l’on les ajoute .

Or, dans la liste, les autres souscripteurs hors Franche-Comté capitalisent, sauf erreur de notre part, quelques 16 072 actions.

Alfred Ducas (1827-1898) a réalisé les plans de cette gare comme ceux des gares actuels de Dole et Auxonne. Sauf qu'à Besançon, la gare est en bois, pour des raisons militaires. C'est aussi l'uteur de la basilique Saint-Ferjeux.

La gare Viotte d’Alfred Ducat, à comparer avec le premier cliché

Le plus gros actionnaire est un certain Julien Lacroix ( ancien agriculteur, puis filateur de coton, député du Rhône de 1848 à 1849) de Saint-Vincent-de-Reins dans le Rhône : il en détient 4 475! A peine plus que tous les bisontins réunis. Le plus petit est le juge à la cour d’appel de Besançon, 20 actions, suivi d’un courtier de commerce à Paris qui acheta 25 actions. Pas non plus de noms de grandes banques d’affaires nationales dans cette liste. Le capital est d’ailleurs modeste souligne C. Folhen : 12 millions de francs. La valeur d’une action émise est de 500 Fr. 

L'aviation britannique bombarde la gare Viotte le 17 juillet 1943 : la gare Viotte est détruite . Photo R. Lacombe RD

La gare Viotte détruite le 17 juillet 1943.

Photo de R. Lacombe, DR, de la gare Viotte au matin du 17 juillet 1943, détruite

La gare Viotte est détruite

L’opinion communément admise que ce sont des banquiers et maîtres des forges franc-comtois qui sont à la manœuvre dans la création de cette première compagnie de chemin de fer ne résiste donc pas à l’analyse. Et ceci explique que, très vite, devant les investissements nécessaires  pour assurer une liaison de Besançon à Dijon, ces actionnaires décident de fusionner avec une compagnie plus puissante, la compagnie de Lyon. Claude Folhen cite cette lettre du du 23 janvier 1854, retrouvée aux archives nationales, qui indique :  » Nous n’avons plus d’argent en caisse…Aucune combinaison ne nous fera réaliser de capitaux suffisants. .. La fusion seule mettra fin à nos embarras…La Cie de Lyon, riche de son crédit, et ce qui est  mieux encore, de ses fonds réalisés et disponibles, poursuivra nos travaux sans interruption, remplira tous nos engagements ».

Vue aérienne de la gare provisoire avant sa reconstruction

La gare provisoire en attendant sa reconstruction


Et la ville de Besançon, direz-vous? Pourquoi n’entre-elle pas au capital? C’était bel et bien son intention : après de nombreuses discussions tant en commission des finances qu’en conseil municipal, le 19 mars 1852 est adopté le principe d’un emprunt de un million de francs afin d’acheter 2 000 actions. Mais dès le 28 juin 1852, le conseil municipal autorise le maire à céder ces actions à une compagnie anglaise (elles ne sont pas encore achetées…mais elles sont déjà cédées…). Ce qui la débarrasse d’une opération financière soumise à emprunt, obligations nominatives qu’elle voulait créer, etc.

Après le bombardement de juillet 1943, la gare en reconstruction

La reconstruction de la gare Viotte (photo B. Faille, site Mémoire Vive ville de Besançon)

De fait, comme le relève notre historien, la ligne Dole-Dijon est ouverte en juin 1855 et Dole-Besançon, le 7 avril 1856.

Ceci explique également le refus de la Cie de Lyon de bâtir une gare au centre ville, préférant l’emplacement de la gare à la Viotte moins coûteux car plus direct.

Vue aérienne de la gare Viotte années 60

La gare Viotte années 60

Et n’oublions pas que le peuplement des Chaprais, dans la seconde moitié du XIX° siècle doit beaucoup à cette gare avec l’afflux des cheminots qui s’installent dans notre quartier. Mais il s’agit là d’une autre Histoire sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir.

Photo couleurs de la gare dans les années 60 avec le parking au premier plan

La gare, années 60

Photo de la gare Viotte moderne avec l'aménagement de ses abords avant la construction du parking

Sources : « Les échecs ferroviaires de Besançon », Claude Fohlen, Mémoires de la Société d’Émulation du Doubs n°4, nouvelle série. 1961/1962; archives municipales ; cartes postales anciennes et phot B. Faille : site Mémoire Vive de la ville de Besançon;M. Pracht, membre du groupe Histoire, Patrimoine, Mémoire des Chaprais pour les photos familiales de M. René Lacombe, du 17 juillet 1943 (tous droits réservés).

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