La police municipale à Besançon, en 1922 : le rapport de C. Krug

La police municipale à Besançon, en 1922 : le rapport de C. Krug

En 1922, le préfet du Doubs demande au maire de Besançon, Charles Krug, élu en 1919, un rapport sur la police municipale bisontine. Et il existait déjà, un poste de police aux Chaprais (voir l’article publié sur ce site, à la date du 7 octobre 2017). Rappelons également qu’en 1922, la police municipale dont il est question, deviendra police nationale sous Pétain.

Charles Krug portrait

Voici donc la réponse écrite du maire retrouvée aux archives municipales, en date du 31 juillet 1922.

« Vous avez bien voulu me demander un rapport sur le fonctionnement de la police à Besançon.

Or la police municipale à Besançon n’existe pas.

On ne saurait en effet, appeler « police » un groupement de braves gens, animés – j’en suis persuadé – de bonne volonté, mais qui n’ont pas été préparés à la fonction si importante qu’ils doivent exercer et qui ne sont pas commandés.

Besançon compte 57 agents, pour une population légèrement supérieure à 50 000 âmes. Ce devrait être suffisant pour assurer un service sérieux. Or, il est patent que, pendant ces dernières années, on rencontrait rarement un agent dans les rues de la ville. Il m’est même arrivé à deux reprises différentes, de téléphoner au poste central sans obtenir de réponse.

Les agents sont recrutés après avoir passé un concours. Leur traitement de début a été fixé à 4 100 frs par an, plus une indemnité de vie chère d’ 1fr, 50 par jour plus une indemnité ordinaire pour charges de famille. Les candidats sont assez nombreux et la sélection se fait avec soin. On devrait donc avoir à Besançon, un personnel de choix. Mais on n’a jamais su le former. Les agents, lorsqu’ils ont revêtu leur uniforme, sont sensés connaître tout de leur métier ; jamais on ne leur a fait de théorie, jamais on ne professe, pour eux, un cours, jamais on ne leur indique leurs devoirs.

képi police

 Les bons et les médiocres sont toujours proposés pour un avancement au choix, les détestables (il y en a 2 ou 3) n’ont jamais été déférés au conseil de discipline. Actuellement il est de notoriété publique que deux agents vivent en concubinage avec des femmes de mœurs légères ; l’un d’eux est marié et vit séparé, de fait, de sa femme très honnête. Un autre agent, contrairement au règlement, s’est marié récemment avec une cabaretière qui tient pension et nourrit notamment une fille soumise.

On m’a signalé qu’un autre, de semaine de nuit, conduisait de jour, une moto de la place appartenant à un loueur de Besançon. Quelle action cet agent pourra-t-il avoir,  désormais, sur ce loueur ou ses préposés ? Il n’est pas rare de voir des agents de la sûreté s’attabler et jouer aux cartes au café pendant les heures de service.

En un mot, tout le monde, dans la police, en prend à son aise ; plus de discipline d’aucune sorte.

De la volonté, une main ferme, deux ou trois exemples et tout reprendrait une allure différente, j’en suis convaincu.

Nous avons créé une brigade d’agents cyclistes ; ou mieux, nous avons acheté des bicyclettes et nous payons des indemnités mensuelles d’entretien. Combien de fois, Monsieur le Préfet, avez-vous rencontré un agent cycliste ?

agent cycliste

 

J’ai insisté pour qu’on achetât des chiens policiers. Un ou deux agents ont des chiens plus ou moins dressés, mais là encore, il n’y a aucun service organisé.

Malgré les promesses, de superbes rapports, nous n’avons aucun service anthropométrique, si rudimentaire soit il.

Il est à reprendre ou à créer.

Pour cela il nous faut, non pas un commissaire central âgé, sur le retour, désirant jouir, dans une ville de province réputée tranquille, d’une retraite anticipée. Nous avons besoin d’un homme jeune, énergique, qui ne ménagera pas ses peines, appartenant à une classe telle qu’elle puisse faire une carrière à Besançon.

Nous avons eu, de 1906 à 1916, c’est-à-dire en 10 ans, 5 commissaires centraux, nous en avons assez de ce système.

Nous insistons,  une fois encore,  pour voir désigner l’homme jeune, plein d’allant que nous avons vu à l’œuvre, qui connaît Besançon, qui sait ce qu’il importe de réformer dans notre police et qui, sans long tâtonnement, nous dotera d’un service, sinon parfait, du moins présentable.

Je vous demande une fois encore Monsieur le Préfet, de joindre votre voix à la mienne.

Vous savez que je ne connaissais pas M. CORREARD, ce ne peut être donc un de mes protégés, mais ce que m’en ont dit le Parquet et le Parquet Général, ce que je sais de lui, par ailleurs, me fait croire qu’il serait l’homme de la situation. Vous l’avez pensé avec nous : laissez-moi espérer que vous réussirez à convaincre le Directeur du Personnel de la Sûreté Nationale.

Le Maire

Signé Krug

bâton de police

A la suite de ce rapport, le Préfet du Doubs a adressé au Directeur de la Sûreté, un courrier en date du 1er août 1922 accompagnant celui du Maire et protestant à son tour contre la nomination d’un commissaire de police âgé, M. Gauthier au lieu de M. Corréard « ..qu’on ne connaît que par ses actes »…et le préfet d’ajouter « …je me permets d’insister fermement pour nous éviter de gros ennuis dans les mois qui vont suivre ».

Que s’est-il passé ensuite ? La réponse se trouve dans une délibération du conseil municipal en date du 23 mars 1923, présidé par M. C.Krug. Et ce, sous le titre « Police.- Commissariat Central.- Élévation à la hors classe ».

M. Gauthier a bien été nommé à Besançon, malgré les protestations du maire et la mise en garde du préfet   ! Et ce à la date du 10 août 1922. A la même date il a été rangé dans la classe exceptionnelle. Il figure donc au tableau d’avancement de 1923 pour la hors classe 2° échelon. « …il est sur le point d’être désigné pour une destination inconnue. Or ce nouveau Commissaire Central est entré dans les vues de la municipalité qui désirait obtenir un meilleur rendement des services de police sans augmenter les dépenses… »

Le commissaire Gauthier obtient donc  sa promotion à la date du 1er mars 1923 ce qui entraîne une augmentation annuelle de 1 500 fr votée à mains levées….

Il est vrai que le commissaire central avait, dans un rapport lu lors du conseil municipal du 24 janvier 1923, préconisé des réformes, quant à la réorganisation de la police municipale à Besançon. Ces propositions furent adoptées, là aussi, à mains levées.

commissaire Gauthier

Et pour cause…Car si le commissaire central se plaint de ne pouvoir disposer réellement que de 10 à 12 policiers de jour et de nuit afin d’assurer un service constant et régulier, il ajoute :

« …Néanmoins  Besançon est une ville tranquille. Je ne vous demanderai aucun crédit supplémentaire, aucune augmentation du nombre des agents… ».Il proposait alors, plus simplement de réorganiser les 3 commissariats de la ville (Hôtel de ville, Madeleine, Chaprais) et de « ..récupérer immédiatement 4 et plus tard 6 agents pour le service de voie publique.. ».

Nous aurons l’occasion de revenir sur la création, à Besançon, de la brigade d’agents cyclistes…

Sources : archives municipales

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