Jean Defrasne et l’histoire des Chaprais

Jean Defrasne et l’histoire des Chaprais

Jean Defrasne qui a été adjoint au maire de Besançon pendant 30 ans de 1959 à 1989, président de la SEDD (Société d’équipement du Doubs), et a joué un rôle important dans l’urbanisme bisontin et celui des Chaprais en particulier, est décédé à l’âge de 91 ans

Jean Defrasne adjoint au maire
Nous retiendrons surtout l’historien, un spécialiste du récit historique à l’usage de la jeunesse. Ancien élève de l’Ecole normale supérieure, professeur agrégé d’histoire, professeur honoraire de Première supérieure , il a fait tout sa carrière d’enseignant à Besançon, principalement  au Lycée Pasteur de Besançon. Il a écrit de nombreux ouvrages et reçu le prix Pergaud en 1955.

Il avait publié en septembre 1986 un article dans BVV sur l’histoire des Chaprais dont nous publions des extraits en sa mémoire.

Besançon est une ville originale par son site et par son histoire. C’est une cité ancienne disposant d’un vaste territoire communal et dont pourtant l’extension fut longtemps freinée par son rôle de place-forte, refermée à l’intérieur de ses murailles.

Besançon en 1836 ne comptait que 28 000 habitants. C’était toujours la vieille ville, c’est-à-dire la boucle et les faubourgs d’Arènes, Charmont, Battant, cernés par les remparts de Vauban. On raconte que les vignerons attendaient dans les brumes du matin l’ouverture des portes pour aller travailler sur les pentes voisines.
Il y avait pourtant, au nord et à l’est un vaste terroir accessible. Mais il ne convenait guère à la vigne à l’exception de Bregille et des Ragots. Le Vallon de la Mouillère, le bien nommé, était un fond humide, le plateau de la Viotte et des Chaprais convenait aux prés et aux labours.
La périphérie de la ville était sous le contrôle de l’autorité militaire depuis le siège de 1814.
On y interdisait les constructions et l’armée avait réservé de vastes espaces pour des forts, des entrepôts, des polygones de tir.
Il n’était pas facile d’ailleurs de franchir le Doubs. Le pont Battant, le vieux pont romain, longtemps encombré de maisons, ne fut élargi qu’en 1841.
La passerelle de Bregille était peu sûre, celle de Saint-Pierre datant de 1838 ne devint un véritable pont qu’en 1882 et un péage fut exigé jusqu’en 1916.
Au début de XIXe siècle, le quartier des Chaprais ne comptait qu’une soixantaine de fermes, disséminées autour de quelques grands axes, la route de Belfort, le chemin de la Mouillère (qui deviendra l’avenue Carnot vers 1906), la rue de la Cassotte, le chemin des Chaprais (plus tard rue des Docks).
L’animation était due aux auberges dont l’une à l’enseigne des deux Princesses, devait donner son nom à une rue, à des relais de poste, à des entrepôts de louage de voitures. Au creux du vallon de Fontaine-Argent, où une source d’eau pure était réputée, s’ouvraient aussi des guinguettes où l’on venait boire le vin nouveau.
Depuis longtemps, pour des raisons de salubrité, la municipalité avait souhaité créer un cimetière en dehors de la ville. Elle s’acquit donc en 1972 le champ Bruley, mais l’endroit fut délaissé : on en fit plus tard un cimetière protestant et on y enterra les victimes de la guerre de 1870.
Entre temps, on avait réservé en 1823, au lieu-dit le pater, un vaste emplacement où les tombes s’alignèrent à l’ombre des grands arbres. On trouvait ce lieu bien éloigné et il y eut des protestations qui s’apaisèrent lorsqu’on construisit une église dédiée à Saint-Fiacre, patron des jardiniers et à Saint-Martin. Peu de temps après, les Capucins s’installèrent rue de la Cassotte, à Sainte-Colette, et une église y fut édifiée par Louis Baille sous le second empire.

C’est en effet après 1850 que la ville connut une expansion rapide au point d’atteindre 50 000 habitants. Cet essor était dû aux progrès de l’horlogerie qui occupait 5 000 ouvriers, au rayonnement accru de la ville sur le plan régional, à son rôle militaire avec une garnison de 5 000 hommes mais aussi à l’arrivée du chemin de fer en 1856.

Première gare Viotte
La gare Viotte fut un élément important. Et pourtant, construite au-delà des glacis, loin du centre, elle ne satisfaisait pas les Bisontins qui n’eurent de cesse d’avoir une autre gare à la Mouillère en 1884.
L’Armée, en outre, avait exigé que les bâtiments de la compagnie PLM fussent édifiés de façon précaire pour être rasés si les besoins de la défense l’exigeaient. Besançon fut donc privée d’une vraie gare jusqu’en 1970.

Pourtant la gare favorisa l’urbanisation de la Viotte et des Chaprais où se développèrent sans beaucoup d’ordre des maisons ouvrières, des ateliers rue de l’Industrie, des résidences bourgeoises rue de Vittel.
La gare permit aussi la création du service régulier des messageries des Monts-Jura, appelé à un bel avenir. Et la naissance d’une activité touristique, celle de Besançon-les-Bains, avec l’établissement thermal de la Mouillère, l’hôtel des Bains et le Casino.

Bains salins de la Mouillère vers 1900
Un axe important relia, grâce à l’avenue Carnot, la gare à la place Flore, puis au pont de la République, à l’hôtel de la Poste et à la place Saint-Pierre.
Pendant toute cette période qui précède la guerre de 1914 le quartier des Chaprais a grandi au hasard. Des rues ont été tracées ou alignées comme la rue de la Mouillère ou la rue des Docks. C’est vers 1900 qu’est établi le lotissement des villas bisontines desservi par l’avenue Denfert Rochereau où apparaissent quelques édifices publics comme le gymnase, construit en 1905 lié à l’apparition du sport, « ludus pro patria ».

Gymnase Denfert Rochereau
La croissance de la ville se ralentit alors malgré l’apparition de nouvelles usines, comme aux prés de Vaux. Mais si la vieille ville perd 4 000 habitants, la périphérie augmente d’autant, favorisée par les moyens de transports, les tramways et le funiculaire de Bregille.
Entre les deux guerres, Besançon, sans grand tapage, gagne 10 000 habitants. L’industrie s’y diversifie, mais l’horlogerie reste dominante, comme en témoigne l’ouverture de l’Ecole Nationale d’Horlogerie en 1932. Les 4/5èmes des nouveaux habitants s’installent dans la proche banlieue et notamment aux Chaprais, à Bregille, aux Vareilles. C’est en 1936 que la nouvelle ville hors-les-murs l’emporte sur le centre ancien.

Le quartier des Chaprais se présente vers 1940 comme un faubourg complexe, aux activités multiples, mais qui a son identité et sa vie propre. La Mouillère s’en détache avec ses établissement touristiques et ses premiers immeubles de standing, avenue Droz, puis rue Delavelle.
Les Chaprais ont un aspect plus populaire avec une population mêlée de commerçants, de professions libérales, mais aussi d’ouvriers, de cheminots, de retraités. La paroisse de Saint-Martin est moins huppée que le Sacré-Coeur, le groupe scolaire où il y a d’excellents maîtres n’a pas la réputation de l’Hélvétie.

L'Aiglon fête ses 100 ans rue du Pater
Pourtant, le quartier a sa vie propre avec le patronage de l’Aiglon, la commune libre des Chaprais et l’Harmonie des Chaprais qui rivalise, non sans conflits, avec l’Harmonie Municipale. Les répétitions ont lieu rue de Belfort, au café Français et les concerts, à Micaud ou au Casino, sont alors très suivis. Quant au marché, place de la Liberté, il gagne peu à peu une clientèle fidèle.
A partir de 1950, c’est l’expansion urbaine qui allait amener Besançon à dépasser les 100 000 habitants. Le quartier des Chaprais, où il reste d’importants espaces libres, offre des terrains aux promoteurs qui construisent avenue Denfert Rochereau, place Flore, avenue Fontaine-Argent, rue des Docks et surtout plus à l’Est, la Cité-Parc, le Marly, la rue Tristan Bernard.
L’église Saint-Martin, longtemps isolée, est entourée de grands immeubles qui, depuis les Chaprais, gagnent les Cras, les Orchamps, Clairs-Soleils. Heureusement, le vallon des Vaites est préservé et toujours occupé par les maraîchers qui maintiennent la tradition des jardiniers des Chaprais.
Le quartier a sans nul doute souffert de cette expansion rapide. Il a perdu son caractère semi-rural. Les structures associatives n’ont pas résisté à ce bouleversement.

48 rue de Belfort le cheval
Mais depuis quelques temps, le quartier est à la recherche de ses racines. L’activité commerciale se développe rue de Belfort et elle va être stimulée par la ZAC du Cheval Blanc, à l’emplacement des Monts-Jura. Un comité de quartier s’est créé afin de contribuer à l’animation d’un secteur de notre ville qui retrouve peu à peu son dynamisme.
Il n’est pas jusqu’à l’église Saint-Martin, rénovée, rajeunie, dont les cloches annoncent dans ce quartier où il fait bon vivre de vrais motifs d’espérance. Jean Defrasne Premier Adjoint

Voir aussi l’Histoire des Chaprais au XIX° 

Voir les articles D’un pont à l’autre

Voir le portrait de Bernard Ponçot

Voir le portrait de la Présidente de l’Harmonie des Chaprais

Categories: Histoire & Patrimoine

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