Histoire des Chaprais au XIXème siècle : d’un hameau maraîcher en quartier urbain (2)

Histoire des Chaprais au XIXème siècle : d’un hameau maraîcher en quartier urbain (2)

Merci à M Fabrice Petetin de nous avoir permis de publier des extraits de son mémoire de maîtrise (2001)

Histoire des Chaprais au XIXème siècle :
Transformation d’un hameau maraîcher en quartier urbain

Deuxième partie : Evolution de la population des Chaprais de 1794 à 1911 et ses causes

Evolution de la population des Chaprais de 1794 à 1911
Une population multipliée par 22 en 120 ans

Trois périodes et une croissance rapide au milieu du 19 ° siècle

En 1794, il y a tout juste 294 habitants aux Chaprais, il y en a plus de vingt fois plus, 120 ans après (6568 en 1911). On observe donc un taux de croissance moyen par an de 18%. Mais cette croissance n’est pas régulière.
Le premier fait remarquable, c’est la fabuleuse croissance du milieu du siècle. De 1851 à 1896, la population passe de 736 habitants à 6415. En 45 ans la population est multipliée par 9. Pourtant, rien ne laissait supposer un tel décollage. En effet, la progression de 214 habitants entre 1836 et 1841 fait figure d’exception puisqu’elle est suivie de dix ans de déprime démographique qui fait perdre une centaine d’habitants au hameau. Autrement dit, il perd la moitié de ce qu’il a gagné précédemment.
Globalement, trois périodes principales se dégagent. D’abord de 1836 à 1856, où la croissance est plombée par des diminutions de population. Ensuite nous observons trente ans de croissance forte et continue. Enfin, à partir de 1891, où la progression est pour la première fois interrompue, suivie d’une progression plus chaotique et terminée par une quasi-stagnation. Il se dégage donc un épisode particulièrement faste entouré de deux périodes d’inertie relative. Il apparaît en outre, que certaines années s’avèrent exceptionnellement propice pour les Chaprais, 1881 et 1886, puisqu’ils gagnent respectivement 1328 et 1619 habitants, plus que la population totale de 1861 (1251) ! En revanche, nous constatons peu d’années de décroissance significative, puisque lors de la plus mauvaise en 1891, le quartier ne perd à peine 182 habitants.

Taux de croissance de la population aux Chaprais

Taux de croissance annuel moyen entre 2 dates de recensement : maximum 9, 2 % entre 1876 et 1881

Comparaison de la population des Chaprais au 19 °

Comparaison de la croissance de Besançon, de sa banlieue et des Chaprais.
En comparant au reste de la banlieue, il apparaît que le développement démographique des Chaprais n’est pas très original. Toutefois, on note que les Chaprais prennent de plus en plus d’importance dans l’ensemble. En effet, en 1856, le quartier représente environ un quart de la banlieue contre un tiers en 1886.

 

 

 

 

 

Les raisons de la faible croissance dans la première moitié du 19 ° siècle

Sur l’ensemble des cinquante-sept ans de cette première période, le hameau gagne 442 habitants. Autrement dit la population fait plus que doubler. Mais l’époque souffre d’un déficit statistique. La progression importante constatée entre 1794 et 1836 doit être relativisée. Le taux de croissance annuel moyen est à peine de 2,6%. Malgré le pic de 1841, force est de constater que sur les cinquante-sept ans, il n’y a pas un accroissement considérable de la population. La première partie du siècle est donc celle d’une progression modérée qui ne laisse pas présager l’avenir.
Qu’est qui explique les vicissitudes de la croissance de cette période ? Tout d’abord, il faut rappeler que le hameau, au début du XIXème, est desservi par des chemins ruraux de mauvaise qualité, et qu’en outre il est coupé du centre ville. Sans la route nationale et la porte Battant, les Chaprais ne serait qu’un hameau de campagne parmi d’autres. Il faut aussi se souvenir du considérable traumatisme de 1814. A la fin du siège, le territoire est dévasté et la reconstruction s’avère difficile. La première chance des Chaprais, rappelons le, était les cimetières, mais quels sont les impacts réels ? Difficile d’apprécier l’apport du cimetière des champs Bruley au territoire. Il a tout au plus donné du travail à un ou deux fossoyeurs qui ne vivaient pas nécessairement aux Chaprais (on n’en relève aucun dans le recensement de 1794).

Ancienne église des Chaprais

 

 

La construction de l’église Saint-Martin et l’ouverture du cimetière des Chaprais ont été mis en avant. Un article de la Démocratie Franc-Comtoise du 27 mai 1881, suppose que l’ouverture du cimetière a attiré 300 nouveaux habitants aux Chaprais. Le chiffre parait bien inférieur. La construction de l’église a fait venir un prêtre, ses deux vicaires et leur servante. Le cimetière est doté d’un gardien et sa famille à partir du recensement de 1841. Les retombées sur l’emploi de ces deux édifices sont moins importantes que ce que l’on pourrait imaginer. En effet, on ne compte aucun fossoyeur aux Chaprais avant le recensement de 1846, pas de fleuriste ni de marbrier avant celui de 1851. Et encore dans le meilleurs des cas en 1866 il n’y a que 4 fossoyeurs et 6 marbriers accompagnés de leurs familles. Au total, le cimetière a au mieux attiré une cinquantaine d’individus. Même en prenant en compte les répercussions indirectes sur le commerce et les métiers du bâtiment, il paraît clair que le chiffre de 300 nouveaux habitants est largement surévalué.
pont en fil de fer
L’autre grand événement de cette période est l’ouverture du pont et de son avenue en 1838. Quelles en sont les conséquences pour le peuplement des Chaprais ? Les années 1836/41 sont marquées par un taux de croissance moyen de 6,7%. L’un des cinq meilleurs du XIXème siècle. A notre connaissance, seul l’effet positif du pont peut expliquer cet accroissement. Pourtant cette progression s’avère de courte durée. En 1846 et 1851 nous constatons un tassement de la population (-41 et -77 habitants). Finalement, en 1851, le hameau a perdu 118 des 214 individus gagnés en 1841, plus de la moitié. Ce constat tempère l’enthousiasme lié à l’ouverture du pont. En fait, mis à part l’avenue, rien n’a changé aux Chaprais, les condition de circulations sont toujours aussi difficiles. Quant au pont, il est payant. Il est probable que ces obstacles aient découragé les nouveaux arrivants potentiels. L’aménagement de la promenade Micaud en 1843 et ses effets positifs sur la restauration, ne suffisent pas à redresser la situation.

 

Le recensement de 1856 marque un tournant. Comme en 1836/41, le taux d’accroissement annuel moyen dépasse les 6%, et surtout ce bon chiffre est confirmé par tous les recensements jusqu’en 1886.

Gare Viotte en 1855Ce retournement se justifie par l’installation de la gare de la Viotte. En 1856, il n’y a qu’un employé de la P.L.M. aux Chaprais, mais nous en dénombrons 70 en 1861, 79 en 1866 et 129 en 1876… Les répercussions en terme d’emplois indirects (commerce, bâtiment et travaux publics) sont immenses. L’article de la Démocratie Franc-Comtoise sur les Chaprais affirme que la gare et le dépôt de machine des Cras a permis une augmentation d’un quart de la population des Chaprais. Force est de constater qu’entre 1856 et 1866, on passe de 968 habitants à 1733, soit une augmentation de la population de 765 habitants. En fait, la gare fait rentrer les Chaprais dans un cercle vertueux. L’arrivée de nouveaux habitants favorise le commerce, l’artisanat et le bâtiment. Pour faire face à ces nouveaux besoins la municipalité et les privés développent la voirie, créant des conditions acceptables pour une nouvelle population attirée par la ville et ainsi de suite.

 

En outre, la construction des quais, et donc l’ouverture de la porte d’Helvétie en 1864, entre Battant et la Mouillère ont nécessité la destruction de nombreux logements. Nul doute qu’à ce moment là, des Bousbots, privés de logement se sont installés aux Chaprais, désormais à quelques pas. D’autant qu’en facilitant les communications avec ce quartier prolétaire, cela a favorisé le développement de la classe ouvrière aux Chaprais, notamment via l’horlogerie. Tous ces facteurs mis bout à bout, expliquent la formidable croissance de ces années.
Malgré l’épreuve de 1870, dont on ne connaît pas les répercussions réelles sur le quartier à cause de l’absence de recensement en 1871, les Chaprais atteignent 2871 habitants en 1876, contre 1733 en 1866. La progression est énorme, 1138 habitants de plus en dix ans soit, en moyenne, 110 nouveaux venus par an. Ils sont attirés par les nombreux emplois disponibles dans le chemin de fer, l’horlogerie, ou dans un autre secteur industriel. En outre, bon nombre d’entre eux travaillent au centre ville, à Battant ou dans un des nouveaux centres industriels, comme Casamène, la Butte, ou aux Pré-de-Vaux. N’oublions pas qu’à la gare de la Viotte s’ajoute en 1884 celle de la Mouillère, créant de nouveaux emplois dans ce secteur porteur pour le quartier.

En 1891 et pour la première fois depuis quarante ans, les résultats du recensement annoncent un recul de la population des Chaprais. Entre 1896 et 1911 ils gagnent à peine 143 habitants, soit moins de 15 par an. Compte-tenu de l’accroissement naturel, nous pouvons dire que le nombre de ménages présents tend à diminuer un petit peu.
Comment expliquer ces différents phénomènes ? Tout d’abord sur l’ensemble de la période nous constatons que le quartier cesse de développer ses infrastructures, pas de rue nouvelle d’importance, pas d’activité structurante nouvelle comme une gare.

Bains salins de la Mouillère vers 1900
Bains salins de la Mouillère

Le sursaut de 1896 peut s’expliquer par l’ouverture des bains salins et le regain d’activité qu’ils ont engendré du point de vue des travaux public, de l’hôtellerie et de la restauration. La période de stagnation suivante s’explique probablement par l’embourgeoisement de la Mouillère et les efforts municipaux pour améliorer les alentours des bains (avenue de l’Helvétie, promenade en bordure du Doubs et l’école). Tout cela renforce la beauté d’un quartier touristique et bourgeois mais ne fait pas venir de nouveaux ménages. L’avenue d’Helvétie bordée de promenades et de bâtiments publics (écoles, bains salins…) n’accueille que peu d’habitants, une vingtaine tout au plus.

Tous ces efforts ne soutiennent donc pas la croissance du quartier. Pour cela, il faudrait percer des rues dans les jardins du Sud-Ouest à la Pépinière, densifier l’habitat du quartier en favorisant la construction d’immeubles à la place des nombreuses maisons individuelles et des petits jardins qui les bordent. En d’autres termes, il faudrait changer la physionomie du quartier.                   A   SUIVRE

Voir le début du texte (1)

Voir la répartition par rues des habitants des Chaprais au XIXe

Categories: Histoire & Patrimoine

About Author