Patrick Mélior, metteur en scène du Cave se rebiffe
Interview de Patrick Mélior, metteur en scène de la Compagnie Alcyon réalisée le 26 mai 2015 et mise en ligne le 28 mai 2015
Chaque année, la Compagnie Alcyon présente un spectacle en juin, quel sera celui de cette année 2015 ?
Le spectacle comportera deux parties : Le cave se rebiffe et en préambule Archimède et le clochard (40 minutes). Le point commun, deux films de Gilles Grangier avec des dialogues d’Audiard qui furent joués par les mêmes acteurs comme Bernard Blier et Jean Gabin.
Le cave se rebiffe par la Compagnie Alcyon au fort de Chaudanne – réservations au 03 81 83 06 48 et hel.chamberland@gmail.com – à 21 h, sauf dimanches 14 et 21 juin à 17 h – relâche le lundi 15 juin. Une comédie jubilatoire librement inspirée des dialogues de Michel Audiard Texte et mise en scène de Patrick Melior, décors de Bruno Daros et Jean Philippe Cléau, régie lumière de Philippe Breton, régie son de Guy Pothier, encadrement charleston : Antony Lallemand Les stages préparatoires ont été animés par Chantal Mélior et Ariane Lacquement
avec les comédiens : Yves Belpois, Laurent Bercot, Jean-Pierre Bolard, Lysiane Combe, Bruno Daros, Jacques Fumex, Alexandre Giraud-Telme, Violaine Llorca , Françoise Lestage, Christophe Miga, Marie-Alice Ottmann, Claire Serre, Isabelle Vermot Desroches.
Archimède et le clochard joué en extérieur
Quelle est l’histoire du cave se rebiffe ?
C’est une histoire de faux billets : Robert Mideau (le cave) est un graveur de talent. Eric Masson, l’amant de sa femme, veut se servir de lui pour contrefaire les billets de banque hollandais.
Il prend contact avec Charles Lepicard, un ancien tenancier de maison close, et Lucas Malvoisin, un homme d’affaires véreux. Ensemble, ils se rendent chez Ferdinand Maréchal, dit Le Dabe, un vieux spécialiste du trafic de fausse monnaie, qui vit retiré sur une île, toute fortune faite. Pour l’amour de l’art, Maréchal accepte de revenir à Paris et de prendre l’affaire en main. Ses complices le laissent diriger les opérations, mais tentent de réaliser un profit dans son dos. Finalement, le cave ne l’est pas tant que cela.
Tourner un film à partir d’une pièce de théâtre, c’est assez courant, l’inverse est plus original ?
On avait déjà fait un spectacle à partir d’un western de John Ford : La chevauchée fantastique. Cette année, j’ai choisi un film populaire, dans un registre comique. J’ai revu quelques films comme les Tontons flingueurs et Le cave se rebiffe, ça m’a fait rire. J’ai voulu casser un peu l’image trop sérieuse que l’on a de moi. Partir d’un film, cela demande un travail d’écriture, de recréation, et cela développe l’imaginaire. Il ne s’agit pas d’une adaptation d’un film au théâtre, mais d’une création libre en gardant l’état d’esprit des dialogues d’Audiard. Les dialogues d’Audiard ont cette liberté, cette décontraction. L’air de rien, ils disent beaucoup. La formule est souvent percutante au point qu’elle devient dicton et même proverbe… Ce ne sont pas seulement des jeux de mots. Ce sont des tournures d’esprit. Des manières de penser.
Présentez-nous, s’il vous plaît, la Compagnie Alcyon.
Il y a à la fois des professionnels et des amateurs. Pour les amateurs et les professionnels, nous organisons des stages et des ateliers à l’issue desquels un spectacle est construit et présenté au Fort Chaudanne, en général deux fois, d’abord en juin et avec une reprise en septembre. Nous sommes une vingtaine : 14 comédiens, trois techniciens, une personne à l’administration et moi. D’une année sur l’autre, il y a une certaine stabilité avec deux ou trois nouveaux. Donc, ils ont une certaine expérience. La répartition homme /femme est assez équilibrée même si pour certains spectacles je suis obligé de faire jouer des rôles d’hommes par des femmes ou inversement.
Sur votre site vous écrivez que vous recherchez une « équipe de baroudeurs ayant de l’énergie plus que des savoirs faire avec une fraîcheur et non une virtuosité qui [vous] indispose »
Il faut dire que les projets sont ambitieux, il ne faut pas avoir froid aux yeux pour jouer en extérieur.
Comment est choisi le spectacle ?
C’est moi qui propose le thème et finalement, c’est moi qui décide de la répartition des rôles en tenant compte des contraintes et en essayant d’équilibrer d’un spectacle à l’autre. C’est assez délicat. Mais le projet évolue au cours de la préparation et même au fur et à mesure des représentations.
Quel public avez-vous ?
Il y a deux publics. Le public qui vient à Chaudanne, en extérieur n’est pas le même que celui qui fréquente habituellement les salles de théâtre. J’aime bien surprendre les spectateurs, voire les provoquer, pour créer du plaisir. Je ne cherche pas à heurter le public, par principe, nous proposons un théâtre accessible à tous, sans tomber dans la facilité commerciale. Les gens qui vont voir un peu par hasard nos spectacles, arrivent parfois un peu inquiets. En sortant, ils ont une autre tête. Ils en ressortent rarement mécontents. Cela nous fait plaisir qu’ils aient pris plaisir au spectacle.
Quel a été votre parcours, comment vous est venue cette passion pour le théâtre ?
Mes grand parents sont bretons, mes parents étaient à Morteau. Je suis né à Besançon, parti à Paris pour faire des études d’architecture et de théâtre. J’y suis resté jusqu’en 1987 en unifiant mes passions pour l’architecture et le théâtre, je me suis spécialisé dans la scénographie : l’étude des décors de théâtre. Durant 25 ans, j’ai enseigné cette discipline. En 1988, je suis revenu habiter à Besançon en suivant ma femme qui était nommée enseignante à Besançon. Je continuais à faire les aller et retour à Paris. Maintenant, je suis en retraite depuis deux ans.
En revenant à Besançon, j’ai repris le théâtre dans la suite du Centre de Rencontre créé par Jacques Fornier et Jacques Vingler.
Combien de pièces avez-vous mis en scène ?
Je ne compte plus. Cela fait 40 ans que je fais du théâtre. J’ai mis en scène environ une ou deux pièces chaque année. C’est très varié : Dante, La marmite de Plaute, Tandis que j’agonise de Faulkner, … L’an passé nous avons joué l’Odyssée d’Homère.
Pourquoi ne jouez-vous pas dans le quartier ?
J’aime bien jouer en dehors des théâtres. Je joue au Fort Chaudanne, J’ai fait des spectacles à la Citadelle. Mais il y a des contraintes. Par exemple, je ne vois comment on pourrait jouer place de la Liberté, s’il y a trop de bruit, de la circulation, le lieu ne peut pas convenir.
En 1997, j’ai fait un spectacle au dépôt de la SNCF, à la Rotonde, rue Résal. On a joué « Tous ceux qui tombent » de Samuel Beckett. Il y avait aussi la danseuse Nathalie Pernette. Michel Dubois, le directeur du CDN de l’époque est venu. Il a beaucoup apprécié au point de m’ouvrir son théâtre pour représenter Faust au CDN l’année suivante. J’ai donc joué deux fois dans le quartier.
Quels liens avez-vous avec les Chaprais ?
J’y habite depuis 1999. Mais je ne me sens pas spécialement chapraisien, ni même bisontin. Je n’ai pas l’esprit de clocher. Je ne méprise rien ni personne. Je comprends la recherche de racines, les relations de voisinage. C’était même une idée que j’ai essayé de faire passer en représentant l’Odyssée : le héros peut être votre voisin, il y a des héros partout.
Votre avis sur le quartier ?
Là où je suis, c’est beau, j’ai une vue superbe. On aime bien, habiter ici. C’est assez central, on peut faire beaucoup de choses à pied. Sauf exceptions, on fréquente les commerces et services du quartier.
La place Flore, elle s’est améliorée, elle n’était qu’un carrefour, elle est devenue plus agréable. Pour la statue, Flore, je trouve très bien qu’on n’ait pas remis ces trois gros bacs en béton qui faisait trop lourd autour de la statue. Il y a des arbres, j’attends que ceux qui ont été plantés récemment poussent. La verdure, c’est important.
Que pourrait-on améliorer ?
Préserver un certain calme. Qu’on puisse rentrer chez soi le soir, surtout le jeudi, sans tomber sur des individus agressifs, trop alcoolisés.Personnellement, ce qui me gêne, ce sont les automobilistes qui accélèrent comme des fous rue de la Cassotte, en sortant de la place Flore : c’est bruyant et très dangereux. Ma kiné s’est faite renverser à cet endroit.
Plus généralement, c’est vrai que l’architecture dans le quartier n’est pas toujours harmonieuse. Par exemple cette tour qui déborde au dessus des rues Delavelle et Krug, elle ne serait pas acceptée actuellement. Les immeubles de la place Flore ne sont pas très beaux, ils sont marqués par les années 50 ou 60. Toutefois, je ne suis pas pour une uniformisation des bâtiments à la Ceausescu, une certaine diversité conservant une certaine harmonie est préférable.