La folle équipée de M. Henri Mathey : la rencontre avec une mystérieuse polonaise….

La folle équipée de M. Henri Mathey : la rencontre avec une mystérieuse polonaise….

M. Henri Mathey a réussi l’exploit de se rendre en Espagne, en traversant les Pyrénées. Mais de Barcelone à Madrid, empruntant le train, il ne parvient pas à convaincre consul et ambassadeur d’Angleterre, de le transférer dans leur pays afin de rejoindre de Gaulle et de combattre….

« Une mystérieuse polonaise

Me voilà dans un nouveau train  jusqu’à Badajoz, dernière ville frontière avant le Portugal, usant de la même ruse pour échapper aux contrôles. Après une nuit de marche, je franchis aisément la frontière, fatigué, mais heureux d’avoir réussi.

carte_carnet_espagne

 Carte Espagne – Portugal (carte Katehon)

Le Portugal n’est-il pas un pays anglophile, sans doute moins surveillé ? Je relâche bien imprudemment mon attention. Au petit matin une patrouille de douaniers portugais me cueille. Incarcéré dans une prison à Elvas, petite bourgade frontalière, pendant 11 jours, je suis nourri par les détenus, eux-mêmes approvisionnés par leurs familles, les repas n’étant pas compris dans les prestations de cet établissement.

 

elvas

 

 

La ville fortifiée d’Elvas (photo divercitytoursportugal.com)

A un gardien je confie une lettre adressée à mon « contact » fourni par l’ambassade madrilène.

Au 12° jour, le chef de la prison m’annonce qu’entré clandestinement dans son pays je dois être refoulé en Espagne en compagnie d’une jeune Polonaise dans le même cas que moi. La jeune femme en larmes et moi-même prenons place dans une voiture de police à destination de l’Espagne, et je le crains déjà, la prison de Miranda où, pendant des mois « pourrissent » des centaines de prisonniers dont des Français qui se font passer pour des Canadiens francophones, la plupart du temps sans succès, et sont expulsés en France, puis remis aux gendarmes de Vichy.

gendarmerie sous l'occupation 2

Je suis aterré…c’est la catastrophe…A la nuit tombante, la voiture stoppe en rase campagne. Le policier nous fait descendre. Que va-t-il nous arriver? Nous sommes très inquiets. Celui-ci nous fait comprendre que le poste frontière espagnol est proche, qu’il faut nous enfuir dans la direction opposée et qu’il ne nous a jamais vus. Surprise totale, mais quelle bonne surprise! Sans doute ma lettre de la dernière chance est-elle parvenue à son destinataire. Nous voilà partis pour une longue marche dans la nuit. A l’aube, comble de malchance, nouvelle arrestation par une patrouille de police qui nous conduit devant le commandant de la gendarmerie de Camp Mayor, petite ville au nord d’Elvas, un anglophile convainsu, anti-nazi farouche, parlant parfaitement le français, qui nous conduit chez lui, nous permet de nous laver, nous invite à sa table…Inespéré!

 

-« Ne vous inquiétez pas…ce soir vous serez à l’ambassade anglaise de Lisbonne ». Il tient parole. En début d’après-midi une voiture avec chauffeur et policier nous prend en charge. Confondus de reconnaissance nous remercions chaleureusement le brave commandant. En fin de journée, après avoir traversé le Portugal, confortablement installé avec ma polonaise sur la banquette arrière, la voiture nous dépose à la porte de l’ambassade. Incroyable mais vrai. Nous sommes le 14 février 1941. J’ai donc mis plus de trois mois depuis Dijon pour rejoindre Lisbonne. Un long chemin, mais j’ai atteint mon but. Je savoure ma réussite.

Salazar 1

 Salazar prend le pouvoir le 7 juillet 1932 au Portugal. Malgré ses sympathies pour les régimes fascistes, le pays restera neutre durant le conflit de la seconde guerre mondiale puis rejoindra le camp des futurs vainqueurs en 1944.

A l’ambassade, reçu par un conseiller, assisté de ses adjoints, avec « ma » polonaise, mais séparé aussitôt, je suis interrogé, ou plus exactement « cuisiné » pendant plus de deux heures d’horloge. Les questions parfois les plus abracadabrantes se succèdent : mes origines, ma famille, mes connaissances, mes motivations, et bien sûr, « ma » Polonaise. De toute évidence, ces Messieurs veulent savoir qui je suis, mais également qui elle est, d’autant plus que celle-ci leur a raconté des histoires à dormir debout. « Nina Mansior », mais était-ce son véritable nom? était-elle réellement polonaise? est demeurée pour moi une énigme. Son affaire n’était pas claire. Qui était-elle? Elle fut, je crois « retirée de la circulation ». En tout cas elle disparut et je ne la revis plus jamais. »

A suivre…prochain article le 4 août : Avril au Portugal….(mais il ne s’agit pas de la Révolution des Œillets du 25 avril 1974…).

About Author