Lecture coups de coeur de confinement (suite)

Lecture coups de coeur de confinement (suite)

Deux livres Coups de coeur du confinement à lire ou relire

coups de coeur de lecture

Pour cause de confinement, pas de réunion de lectrices ce mois, mais des comptes-rendus de lecture à suivre. Envoyez vos coups de coeur à chaprais@gmail.com

La vie secrète des animaux de Peter Wohlleben

Wohlleben vie secrète des animaux

Après son ouvrage sur les arbres, qui a conquis un million de lecteurs dans le monde , Peter Wohlleben , forestier et naturaliste nous entraîne avec lui dans l’observation des comportements des animaux dont beaucoup lui sont proches.

Il déconstruit tranquillement, humblement, des tas d’idées pré-conçues : oui les animaux souffrent, ont peur – ce sont les bases de l’instinct de survie – ils sont capables d’amour, de compassion, de ruse, de mensonge, de curiosité ; ils ont le goût du confort, ils apprécient leur vie. Il suffit juste de les observer.
Si les animaux n’obéissaient qu’à leur programmation génétique, face à toute situation ils adopteraient tous la même réponse. Ce qui n’est, bien sûr, pas le cas.

On peut reprocher à l’auteur de ne s’appuyer que sur ses propres constatations pour établir les vérités qu’il énonce, sans expérience reproductible et généralisable. Mais ses propos sont tellement empreints d’une sagesse et d’un savoir rustiques, que l’on aurait peine à dénigrer ses propos.

J’ai pris beaucoup de plaisir à lire cet ouvrage plein de poésie et de bienveillance.

Extrait :

Un jour, j’ai découvert, traînant devant la Jeep, un bout de tuyau en caoutchouc. J’ai aussitôt levé le capot et constaté la tuile : une martre avait fait de sacrés dégâts en croquant bon nombre de câbles et de tuyaux. La voiture était bonne pour un séjour chez le garagiste !
Mais pourquoi cet animal avait-il fait de tels ravages dans le compartiment moteur ? Pourquoi la martre est-elle parfois saisie de folie destructrice ? La martre, d’ailleurs, n’existe pas, puisque deux espèces vivent en Europe : la martre des pins et la fouine. La martre des pins est une habitante craintive de la forêt, qui aime dormir dans les creux des arbres et passe le reste de son temps à courir agilement de branche en branche, dans les houppiers. La fouine, elle, est moins liée aux arbres et se sent bien aussi en d’autres sites. Il peut s’agir de rochers et de grottes, ou justement de maisons, lesquelles ne sont ni plus ni moins pour elle que d’anguleuses montagnes. La fouine, qui est curieuse, se promène alors à la recherche de proies, et examine tout de ses dents pointues. Des câbles sectionnés, des tuyaux détruits et des isolants égratignés dans le compartiment moteur ne témoignent pas, toutefois, de sa curiosité, mais d’une fureur sans borne. La petite prédatrice s’emporte en général quand elle soupçonne la présence d’une concurrente. La fouine marque son territoire à l’aide de glandes odorantes qui envoient à toute congénère de même sexe ce signal clair : « La place est prise ! » En temps normal, ses semblables respectent la frontière odorante, et chacune laisse l’autre en paix. Comme il fait si bon se blottir sous le capot, « votre » fouine visite régulièrement votre véhicule. Il arrive qu’elle dépose par la même occasion quelques provisions ; c’est ainsi que nous avons un jour trouvé le bas d’une patte de lapin sur la batterie. Ces visites-là ne causent toutefois aucun dommage. Il n’y a que si vous garez votre véhicule une nuit en contrée étrangère que les choses se corsent…
D’autres fouines, en vadrouille par là, examinent l’objet inconnu, farfouillent dans les cavités et laissent des traces odorantes de leur passage. De retour sur votre terrain, vous laissez « votre » fouine stupéfaite. Elle suppose sans doute qu’une congénère a violé toutes les règles du jeu et utilisé sans invitation son antre préféré. C’est l’affront absolu ! Sous le feu de la colère, elle tente d’éliminer les traces et s’attaque à sa rivale. Des tuyaux mous… Voilà l’idéal pour se défouler. Et elle ne se contentera pas de donner quelques petits coups de dents prudents, comme quand elle examine, mais les sectionnera avec violence. On devinera à quel point une fouine s’est déchaînée à l’état des isolants posés sous le capot. Il ne s’agit parfois que de quelques griffures, mais, dans le cas de notre vieille Opel Vectra, l’isolant pendait en lambeaux quand nous avons vérifié. La fouine s’était visiblement couchée sur le dos pour porter des coups furieux autour d’elle et arracher des morceaux entiers de ses griffes pointues. Les fouines des moteurs n’aiment donc pas forcément les voitures, mais elles détestent la concurrence. Si vous garez votre véhicule toujours au même endroit la nuit, il ne se passera sans doute pas grand-chose. »

 

Retour sur un livre déjà présenté lors du thème auteurs américains

L’arbre aux haricots de Barbara Kingsolver

L'arbre aux haricots

J’ai suivi Taylor avec plaisir puisqu’elle quitte tout, un beau jour pour ne pas finir comme les jeunes de sa région. Pourtant une rencontre fortuite et la voilà avec ce qu’elle fuyait : un enfant.

C’est le passage le plus difficile du livre puisque l’auteur parle de maltraitance et d’abus sexuels sur une petite de trois ans. Taylor ne se posera pas longtemps des questions. Elle repart sur les routes avec cette petite fille pour une nouvelle vie.

Il y a l’humanité de beaux personnages pour qui on se prend d’affection et qui se cogne à l’inhumanité de l’Histoire, comme Estevan, la classe incarnée, immigré maya, militant syndicaliste guatémaltèque, fuyant la terrible répression de la dictature, vivant au Pays de la Liberté la vie de misère des sans-papiers, des «illégaux». On croise des familles qui survivent dans des parcs, ramassent de quoi manger dans les poubelles du McDonald, et se font réveiller à coups de bâton le matin par des policiers.

Il y a aussi des femmes abîmées qui s’entraident pour se fabriquer tant bien que mal une petite place au soleil.

J’ai aimé cette histoire un peu folle, les situations cocasses et les dialogues fleuris. J’ai aimé l’écriture vive, imagée et drôle de l’auteure.

Extrait :
Elle a pris un air sérieux et a dorloté son bébé un moment sans rien dire.
« Alors qu’est ce que t’en penses ? ai-je dit finalement, c’est d’accord pour qu’on s’installe ?
– C’est d’accord ! « . L’espace de quelques secondes, ses grands yeux et sa façon de tenir le bébé m’ont rappelé Sandi. La dame au chariot Safeway aurait pu les peindre toutes les deux : Madone étonnée aux yeux de tournesol.
« Evidemment que tu peux t’installer, a-t-elle ajouté. J’étais pas sûre que tu aurais envie.
– Et pourquoi pas ?
– Ben! mon Dieu, t’es là toute mince et intelligente et mignonne et tout ça, et moi et Dwayne Ray, tu vois, on est à comme des pauvres imbéciles à essayer de s’en sortir. Quand j’ai fait passer cette annonce, je m’suis dit : C’est bien quatre dollars dans le trou des toilettes ; qui est-ce qui serait assez cinglé pour venir s’installer avec nous ?
– ça suffit. Arrête de parler comme si tu ne valais pas un clou. Et moi, qu’est ce que je suis ? Juste une péquenaude qui sort de Dieu sait quel bled paumé, avec cette enfant adoptée que tout le monde me répète qu’elle est bête comme un tas de cailloux. J’ai rien à t’envier , ma fille. Crois-moi. »
Lou Ann s’est mis la main devant la bouche..
– Quoi ? j’ai demandé.
– Rien. »
Je voyais très bien qu’elle souriait.
» Allons qu’est ce qu’il y a ?
– ça fait si longtemps, a-t-elle fait. Tu parles exactement comme moi. »

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