Je me souviens de la Rhodia par Mme Debernardi, Chapraisienne…

Je me souviens de la Rhodia par Mme Debernardi, Chapraisienne…

De nombreux salariés de la Rhodia ont habité les Chaprais. Et ce, du fait de la proximité géographique de cette usine.

Le cahier hors série n°2 daté de 2017, édité par l’association Les Amis de la Maison du Peuple et de la Mémoire Ouvrière de Besançon, intitulé La Rhodia…mémoire des murs, des hommes, du travail, rappelle opportunément que 30 logements, dans une construction nouvelle, avenue Fontaine Argent, avaient été réservés «  aux Rhodia ».

Rhodia mémoire des murs

 

Madame Jeanine  Debernardi a bénéficié d’un de ces logements et habite toujours notre quartier . Elle n’a jamais voulu quitter le quitter et l’occupe depuis quelques 60 ans. Embauchée à la Rhodia, quasiment dès le départ de cette aventure industrielle qui a tant marqué Besançon, elle a bien voulu, à notre demande, rédiger ses souvenirs. Son témoignage est d’autant plus intéressant qu’elle a travaillé quelques années au service de la lingerie (elle a quitté la Rhodia après la naissance de son 2° fils, puis deviendra conseillère à l’ANPE, à l’agence de la rue de la République). Ce service  lui a permis, comme vous pourrez le constater,  ce regard un peu différent sur cette usine.

Merci à Mme Debernardi pour ce travail de mémoire qui vient compléter utilement le travail historique déjà accompli. Mais il reste encore beaucoup à faire, et c’est pour cela qu’une commission du Conseil Consultatif des Habitants du quartier des Prés de Vaux a entrepris de compléter ce travail. Ce témoignage s’inscrit dans cette démarche.

 

“J’ai été embauchée à la Rhodiaceta le 1er mars 1956. Il faisait un froid de canard : moins 15° à moins 30° ; le Doubs était en glace.

J’avais déjà un frère et une sœur qui travaillaient dans les bureaux comme comptable et secrétaire.

Lorsque la direction avait pensé à l’ouverture d’un magasin d’habillement, elle recherchait quelqu’un qui savait coudre, piquer à la machine et tenir un emploi de bureau.

Mon frère et ma sœur ont proposé ma candidature.

C’est comme ça que j’ai été embauchée sans avoir été reçue au préalable.

J’ai organisé ce magasin d’habillement (devenu par la suite « La Lingerie »).

Je suis restée seule pendant un an. Ensuite, au fur et à mesure des embauches du personnel, j’ai eu, moi aussi, des aides.

La lingerie se chargeait de fournir des vêtements nécessaires au travail, à tous les ouvriers embauchés :

– une combinaison blanche pour les hommes qui travaillaient aux filières et en atelier (travail en 3 X 8) ;

– une combinaison bleue aux mécaniciens ;

– un complet blanc pour l’équipe de peintres ;

– un complet bleu pour l’équipe de la « cour », équipe de nettoyage ;

– une blouse nylon pour les employés de bureau ;

– une blouse coton pour les ateliers et la lingerie.

Les combinaisons blanches étaient entretenues par l’usine, récupérées en fin de poste, envoyées à une blanchisserie en ville.

A leur retour nous inspections tous ces vêtements et nous les réparions si nécessaire. Un ourlet par ci, un bouton par là. Bien sûr ces combinaisons étaient personnelles avec un numéro dans l’encolure. Elles étaient remises impeccables à chaque reprise de poste.

A la lingerie nous connaissions bien la topographie de l’usine car chaque jour, deux personnes allaient changer les essuie-mains dans tous les services.

Je me rappelle encore le coup de chaud à la sortie de l’ascenseur, tout en haut des filières où l’on passait de 20° à 60° en quelques instants.

J’ai travaillé 8 ans ½ à la Rhodiaceta et ai dû quitter à la naissance de mon fils.

Rhodia nouveau bâtiment février 62

Février 1962, ajout d’un nouveau bâtiment

Comme j’avais une machine à coudre à la maison, j’ai encore travaillé un an de plus. Je réparais principalement des manchots décousus plein de poussières de polymère.

Le travail à la lingerie ne manquait pas, mais avec une bonne organisation et une bonne ambiance nous pouvions nous accorder quelques pauses pour les anniversaires de chacune.

En parlant de pause nous avions celle de midi et notre magnifique restaurant (libre service) ce qui n’existait pas à Besançon.

self de la Rhodia

Le self en 1964

Il y avait surtout un chef de cuisine lyonnais qui nous régalait chaque jour. Ce magnifique restaurant, c’est la dernière chose que je voyais chaque fois que je descendais la côte de MORRE (depuis la fermeture). Chaque fois un peu plus dégradé, plus de vitres cassées plus de tags !

J’ai un immense regret de ce gâchis.

J’ai oublié de dire que lorsque je suis arrivée, il y avait 300 employés ; à mon départ 3 000 et à la lingerie 10.

Et j’ai oublié de parler des avantages.

1)      Une prime tous les mois correspondant (à mon époque) à 19% du salaire des 6 mois précédents. Ensuite le pourcentage n’a fait que baisser.

2)      Des cadeaux à Noël et à la fête des mères.

3)      Avantages pour les colonies de vacances, prêt de matériel pour les adeptes du ski.

Etc.

J’ai connu des personnes travaillant à la sécu qui avaient quitté leur emploi pour Rhodiaceta.

En conclusion je pense qu’il n’y avait pas à Besançon l’équivalent.

grève à la Rhodia en novembre 61

Grève novembre 1961

Photos B. Faille site Mémoirevive Besançon (DR)

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