8 coups de coeur de lecture

8 coups de coeur de lecture

Dans le cadre de l’association Vivre aux Chaprais, un groupe se réunit régulièrement pour échanger des Coups de coeur de lecture. La prochaine réunion aura lieu mercredi 29 mai

Voici les livres présentés le 4 avril 2019

livres coups de coeur avril 19

Le Lambeau de Philippe Lançon

Lambeau, subst. masc. 1. Morceau d’étoffe, de papier, de matière souple, déchiré ou arraché, détaché du tout ou y attenant en partie. 2. Par analogie : morceau de chair ou de peau arrachée volontairement ou accidentellement. Lambeau sanglant ; lambeaux de chair et de sang. Juan, désespéré, le mordit à la joue, déchira un lambeau de chair qui découvrait sa mâchoire (Borel, Champavert, 1833, p. 55). 3. Chirurgie : segment de parties molles conservées lors de l’amputation d’un membre pour recouvrir les parties osseuses et obtenir une cicatrice souple. Il ne restait plus après l’amputation qu’à rabattre le lambeau de chair sur la plaie, ainsi qu’une épaulette à plat (Zola, Débâcle, 1892, p. 338). (Définitions extraites du Trésor de la Langue Française).

Philippe Lançon est journaliste à Libération et Charlie Hebdo, et écrivain.

Notes de Catherine

Le Lambeau
Le lambeau de Philippe Lançon

J’ai substitué à l’ineffaçable de la cicatrice l’effaçable, le raturable de l’écriture  (Michel Foucault cité par Philippe Lançon)

Présentation 

Philippe Lançon, né en 1963 est journaliste à Libération et chroniqueur à Charlie-Hebdo. Le 7 janvier 2015, il est très gravement blessé au cours de l’attentat contre Charlie Hebdo, surtout au niveau du visage. Il subit jusqu’à 22 passages au bloc, dont 13 opérations pour sa mâchoire.

Le lambeau retrace les moments qui ont précédé l’attentat, l’attentat lui-même, puis le long cheminement et le combat du survivant pour se reconstruire au cours de ses longs mois d’hôpital. Ce récit a obtenu le prix Femina 2018 et le prix spécial du Renaudot 2018.

Mon avis 

Les premiers chapitres sont très impressionnants, terribles même. Avant que tout bascule et au moment même.

Dans la suite (9 mois d’hôpital puis la convalescence aux Invalides) P L se livre à un long travail d’écriture qui lui permet vraisemblablement de « sublimer » (de transcender ?) en quelque sorte ce qui lui est arrivé, au moins de l’accepter.

Un ton distancié, même dans l’intime, et qui correspond à la superposition de trois états, de trois moments différents :

1. l’homme sur son lit d’hôpital, ce qu’il éprouve,

2. les réflexions qu’il note au fur à mesure en tenant son journal, en rédigeant des papiers pour Charlie, en recevant ou en écrivant des lettres,

3. la réécriture par l’écrivain d’un essai à ambition littéraire. (Il m’avait fallu atterrir en cet endroit, dans cet état […] pour sentir ce que j’avais lu cent fois chez des auteurs sans tout à fait le comprendre : écrire est la meilleure manière de sortir de soi-même, quand bien même ne parlerait-on de rien d’autre que de soi)

Donc le lecteur suit précisément les étapes de la reconstruction physique et mentale de PL mais n’est pas forcément en empathie avec lui, d’autant que le but de celui-ci n’est pas de nous faire partager des émotions (Je pleure sur ma vie perdue, je pleure sur ma vie future, je pleure sur ma vie obscure, mais vous ne me verrez pas pleurer).

J’ai apprécié la description de l’expérience de l’hôpital que vit PL : sentiment de coupure complète avec le monde des bien portants, narcissicisme inévitable, rapports particuliers avec le personnel médical et surtout avec sa chirurgienne, relations difficiles avec son ancienne femme et surtout avec sa compagne, sur laquelle il porte un regard plutôt critique, compte rendu minutieux voire technique mais sans aucun pathos des multiples interventions -et aléas- de la reconstitution de son visage.

En ce qui concerne le lien étroit qu’il entretient avec certaines œuvres littéraires (Proust, Kafka, Voltaire…), qui l’accompagnent durant ces longs mois, même s’il est primordial pour lui, est décrit par PL avec une insistance qui pourrait lui retirer de l’authenticité.

J’ai aussi apprécié la qualité de son écriture, quoique celle-ci ait peut-être gagné à être plus concise.

Cette entreprise, qui est aussi un hommage rendu à ses amis disparus, force le respect par son courage, son ampleur et sa sincérité. Ce récit n’est pas à lire comme un témoignage, mais bien comme une œuvre littéraire à part entière.

 

La ville orpheline de Victoria Haslop

Ville orpheline

Été 1972. La ville de Famagouste, à Chypre, héberge la station balnéaire la plus enviée de la Méditerranée, cité rayonnante et bénie des dieux. Un couple ambitieux ouvre l’hôtel le plus spectaculaire de l’île, Le Sunrise, ou Chypriotes grecs et turcs collaborent en parfaite harmonie.
Deux familles voisines, les Georgiou et les Özkan, sont de celles, nombreuses, venues s’installer à Famagouste pour fuir des années de troubles et de violences ethniques dans le reste de l’île, ou la tension monte.
Lorsqu’un putsch grec plonge l’île dans le chaos, celle-ci devient le théâtre d’un conflit désastreux. La Turquie envahit Chypre afin de protéger sa minorité sur place, et Famagouste est bombardée. Quarante mille personnes, n’emportant que leurs biens les plus précieux, fuient l’armée en marche.
Qu’adviendra-t-il du Sunrise et des deux familles restées dans la ville désertée?

présenté par Danielle

L’évangile selon Yong Sheng de Dai Sije

Dai Sijie L'évangile

Dans un village proche de la ville côtière de Putian, en Chine méridionale, au début du vingtième siècle, Yong Sheng est le fils d’un menuisier-charpentier qui fabrique des sifflets pour colombes réputés. Les habitants raffolent de ces sifflets qui, accrochés aux rémiges des oiseaux, font entendre de merveilleuses symphonies en tournant au-dessus des maisons. Placé en pension chez un pasteur américain, le jeune Yong Sheng va suivre l’enseignement de sa fille Mary, institutrice de l’école chrétienne. C’est elle qui fait naître la vocation du garçon : Yong Sheng, tout en fabriquant des sifflets comme son père, décide de devenir le premier pasteur chinois de la ville. Marié de force pour obéir à de vieilles superstitions, Yong Sheng fera des études de théologie à Nankin et, après bien des péripéties, le jeune pasteur reviendra à Putian pour une brève période de bonheur. Mais tout bascule en 1949 avec l’avènement de la République populaire, début pour lui comme pour tant d’autres Chinois d’une ère de tourments – qui culmineront lors de la Révolution culturelle.

Dai Sijie, dans ce nouveau roman, renoue avec la veine autobiographique de son premier livre, Balzac et la petite tailleuse chinoise. Avec son exceptionnel talent de conteur, il retrace l’histoire surprenante de son propre grand-père, l’un des premiers pasteurs chrétiens en Chine.

 

D. de Robert Harris

D affaire Dreyfus

Ils ont menti pour protéger leur pays. Il a dit la vérité pour le sauver. Un roman historique captivant dans le Paris de la Belle Epoque par l’auteur de « Fatherland ».

Paris, janvier 1895. Par un matin glacial, un officier de l’armée, Georges Picquart, assiste devant vingt-mille personnes hurlant  » À mort le juif !  » à l’humiliation publique d’un capitaine accusé d’espionnage : Alfred Dreyfus.

Picquart est promu : il devient le plus jeune colonel de l’armée française et prend la tête de la section de statistique – le service de renseignements qui a traqué Dreyfus.
Dreyfus, lui, est condamné au bagne à perpétuité sur l’île du Diable, il n’a le droit de parler à personne, pas même à ses gardiens, et son affaire semble classée pour toujours.

Mais, peu à peu, Picquart commence à relever des éléments troublants dans l’enquête, tout en lisant les lettres de Dreyfus à sa femme dans lesquelles celui-ci ne cesse de clamer son innocence. Et quand le colonel découvre un espion allemand opérant sur le sol français, ses supérieurs refusent de l’écouter. En dépit des avertissements officiels, Picquart persiste et va se retrouver lui aussi dans une situation délicate.
Présentés par Marie France

 

 L’Université de Rebibbia par Goliarda Sapienza 

Rebibbia

L’Université de Rebibbia est le récit du séjour que fit Goliarda Sapienza dans une prison en 1980. Moment critique dans la vie de l’auteur : après s’être consacrée de 1967 à 1976 à l’écriture du monumental roman L’Art de la joie et avoir fait face à un refus général des éditeurs italiens, c’est une femme moralement épuisée qui intègre l’univers carcéral de Rebibbia, la plus grande prison de femmes du pays. Pour un vol de bijoux qu’il est difficile d’interpréter : aveu de dénuement ? Acte de désespoir ? N’importe.
Comme un pied de nez fait au destin, Goliarda va transformer cette expérience de l’enfermement en un moment de liberté, une leçon de vie. Elle, l’intellectuelle, la femme mûre, redécouvre en prison – auprès de prostituées, de voleuses, de junkies et de jeunes révolutionnaires – ce qui l’a guidée et sauvée toute sa vie durant : le désir éperdu du monde.

Notes de Katherine

L’Université de Rebibbia Goliarda Sapienza (le Tripode 2013, réédition poche 2019)

Récit d’un séjour en prison qui date de 1980. Goliarda Sapienza est née en Sicile en 1924, fille de parents militants antifascistes, elle est comédienne et même actrice de façon épisodique, fréquente des milieux intellectuels. Elle termine en 1976 un énorme roman refusé par tous les éditeurs (et pour le contenu « scandaleux » et pour l’écriture) : L’Art de la joie. S’en suivent de graves épisodes dépressifs. En 1980, alors qu’elle a plus de 50 ans, elle est incarcérée dans la prison de Rebibbia à la suite d’un vol de bijoux.

La prison est présentée comme un lieu de découvertes, de rencontres, de diversité et de solidarité. L’auteur fait le portrait de prisonnières d’origines très différentes : une toxicomane en proie au manque, des intellectuelles prisonnières politiques (c’est l’époque des années de plomb en Italie), une Chinoise trafiquante de drogue, une petite délinquante paumée, une vieille gitane et bien d’autres. G. S. bourgeoise atypique, intellectuelle mais pas engagée politiquement tout en étant profondément libertaire est bien acceptée dans cet univers hétéroclite, elle intéresse un peu tout le monde, parce qu’elle-même est intéressée par tout le monde, sans principes et sans préjugés, elle est sensible à la beauté humaine de chacune (une attraction particulière pour les cheveux).

L’inconfort matériel est évidemment décrit mais pas souvent vécu comme insupportable (certes le séjour ne sera pas très long et on sent que d’autres prisonnières vivent plus mal l’absence de liberté…). À remarquer que les cellules sont souvent ouvertes et que les femmes ont beaucoup de contacts entre elles, beaucoup d’occasions de solidarité. Surprenant si l’on pense à ce que l’on entend généralement sur la prison et sur les rapports de classe et de violence qui y sévissent.

S’agit-il d’une utopie ? Ce récit saisissant renvoie bien aux deux titres L’Art de la joie et L’Université de Rebibbia. L’auteur découvre dans chaque personne et chaque situation une source d’énergie positive. La prison est vue comme une école de liberté, un lieu où, beaucoup plus que dans la société « libre », se neutralisent les classifications sociales. C’est le monde où elle vivait auparavant qui lui était insupportable (a-t-elle volé pour le fuir et échapper à la dépression ?).

Et c’est pour parler du monde extérieur qu’elle utilise la métaphore carcérale. (cf p.102-103) Pas de naïveté cependant, à certains moments, elle note la persistance dans la prison des oppositions de classe. (cf p. 152)

Par delà le contenu, c’est surtout l’écriture qui rend le texte saisissant. (un ex. p. 88-89). Est-ce la prison qui sauve G. S. ou l’écriture ? À plusieurs moments, elle signale qu’elle prend des notes et, pour se protéger de la névrose des autres, elle finit par demander (et obtenir) un changement de cellule alors même qu’elle a de l’empathie pour ses deux camarades particulièrement perturbées. Révélatrices, les deux dernières phrases du texte : cf p. 191

Ironie du sort, son livre sera publié en 1983, avec un certain succès, bien avant L’Art de la joie qui n’aura droit qu’à une publication posthume, peu de temps après sa mort en 1996.

 

Retour sur Babylone de Yasmina Reza

Mon avis : Étrange roman, où les dialogues, même absorbés dans le récit, sont percutants et drôles comme autant de répliques théâtrales, où le cocasse flirte avec le profond, l’absurde, avec la philosophie…On dirait (un peu trop?) un préambule à une future pièce de théâtre.

C’est donc un roman un peu hybride, qui m’a parfois un peu déconnectée du récit, à force de changements de ton et de douches écossaises…

Françoise

 

Le fils du feu de Guy Boley : 1er roman de l’auteur qui a obtenu le prix des lycéens 2018/2019

Nés sous les feux de la forge où s’attèle leur père, ils étaient Fils du feu, donc fils de roi, destinés à briller. Mais l’un des deux frères décède précocement et laisse derrière lui des parents endeuillés et un frère orphelin. Face à la peine, chacun s’invente sa parade : si le père s’efface dans les vagues de l’ivresse, la mère choisit de faire comme si rien ne s’était passé. Et comment interdire à sa mère de dresser le couvert d’un fantôme rêvé ou de border chaque nuit un lit depuis longtemps vidé ? Pourquoi ne pas plutôt entrer dans cette danse où la gaité renait ? Une fois devenu adulte et peintre confirmé, le narrateur, fils du feu survivant, retrouvera la paix dans les tableaux qu’il crée et raconte à présent. Ainsi nous dévoile-t-il son enfance passée dans une France qu’on croirait de légende, où les hommes forgent encore, les grands-mères dépiautent les grenouilles comme les singes les bananes, et les mères en deuil, pour effacer la mort, prétendent que leurs fils perdus continuent d’exister.

Guy Boley Fils du feu

Dans une langue splendide, Guy Boley signe ainsi un premier roman stupéfiant de talent et de justesse

Mon avis : C’est un livre plein de vie mais dont la mort marque forcément de nombreuses pages. Son frère, Norbert, a disparu et sa mère ne s’en remet pas alors que le feu de la forge a dû s’éteindre et le père s’adapter jusqu’à devenir représentant de commerce. Puis il y a la maison vide, le fils du forgeron qui va en fac de lettres, s’adonne à la peinture et retrouve sa soeur, enfants du peuple partageant des moments intenses et profondément émouvants.

C’est lucide comme le regard de l’enfant devenu homme

Françoise

Manderley for ever de Tatiana de Rosnay

Tatiana de Rosnay

Je l’ai décrite comme si je la filmais, caméra à l’épaule, afin que mes lecteurs comprennent d’emblée qui elle était. J’ai décrypté ses livres, sa voix, son regard, sa façon de marcher, son rire.

J’ai écouté ses enfants, ses petits-enfants.

Autour des maisons qu’elle aimait avec passion, j’ai dressé le portrait d’une écrivaine atypique et envoûtante, méprisée des critiques parce qu’elle vendait des millions de livres. Son univers macabre et fascinant a engendré une œuvre complexe, étonnamment noire, à l’opposé de l’étiquette « eau de rose » qui lui fut si injustement attribuée.

Ce livre se lit comme un roman, mais je n’ai rien inventé. Tout y est vrai. C’est le roman d’une vie.

Sandrine

Sandrine nous a longuement parlé des auteurs qu’elle affectionne: Jane Austen, Mary Shelley, Les soeurs Brontë, Dickens….Passionnée et passionnante!

coups de coeur de lecture avril 19

Etaient présentes : Catherine, Danielle, Marie-France, Berthe, Katherine, Sandrine, Françoise. Excusée Colette

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