Drame dans le tramway…aux Chaprais…

Drame dans le tramway…aux Chaprais…

« Dans l’après-midi du jeudi… (nous avons volontairement supprimé la date…) une scène qui faillit tourner au tragique s’est déroulée sur une voiture des tramways aux Chaprais.

Un soldat de l’infanterie de marine, le mari de la conductrice, ayant pour des raisons que nous ignorons, des motifs d’animosité contre sa femme, administra à celle-ci une magistrale raclée. La femme lâcha la direction qui fut prise un instant par le mari, puis par la receveuse.

Près de la place de la Liberté, la conductrice sauta à terre et courut se jeter sur la ligne en avant de la voiture du tramway.

A ce moment, la receveuse, qui conduisait la voiture, put bloquer les freins à temps et la désespérée ne fut que tamponnée et rejetée en dehors de la ligne.

On croit que ses blessures ne sont pas graves. »

Ce n’est pas une fable mais un article tiré du journal Le Petit Comtois daté du…16 août 1918 ! Et comme le journal paraissait alors sur deux pages seulement, la nouvelle se retrouva à la « une » !

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La question des femmes employées dans les tramways bisontins faisait alors couler beaucoup d’encre et de salive ! La mobilisation des hommes pour la guerre avait contraint la compagnie des tramways à les embaucher pour assurer le service de transport : c’est ainsi que dans ce petit fait divers relaté ici, conducteur et receveur sont, vous l’aurez remarqué, des femmes.

L'ancien tram

Voici un autre article paru dans Le Petit Comtois du vendredi 26 janvier 1917, page 2, rubrique Tribune libre, lettre signée d’un groupe de bisontins, qui illustre la mentalité de l’époque.

« Avant la guerre, Besançon était avantagé par des tramways préhistoriques qui s’harmonisaient fort bien avec le caractère essentiellement ancien de la ville. Cependant, pour les habitants, le bonheur n’était que relatif : les piétons pouvaient en effet, circuler dans les rues étroites en toute sécurité, mais ils ne se seraient jamais aventurés dans les infernales voitures électriques où ils auraient été invariablement la proie de la panne ou même du feu.

Un peu avant la guerre, sur les demandes réitérées, la Société des Tramways Electriques Bisontins voulut faire plaisir à ses voyageurs. Et, accompagnés par le sourire de contentement de tous les bisontins, de nouveaux tramways, possédant tout le confort moderne, circulèrent dans les rues. Alors, une ère de bonheur  commença; plus de panne, plus de plombs fondus et cependant point d’accidents. C’était le rêve.

Hélas ! la guerre survint, et bien avant la circulaire de notre dernier ministre de la guerre, on remplaça les wattmans par des femmes. Dès ce moment, on ne vit plus que chevaux éclopés, que camions éventrés, qu’autos cabossées, que débris de voitures jonchant les rues. Les rares véhicules qui peuvent encore rouler, portent tout au moins la marque du tampon des voitures électriques.

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Peut-être si ces femmes étaient remplacées par des blessés réformés, peut-être aussi si on faisait passer un sérieux examen à toute conductrice, les voyageurs des tramways, les piétons et les propriétaires de véhicules seraient beaucoup plus tranquilles .

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Il y a déjà assez de dommages et de malheurs causés par la guerre sans que les tramways s’en mêlent. Espérons qu’un jour viendra où la société des T.E.B. sera plus sage et où le calme reviendra dans notre paisible ville, mais pour cela il serait utile et urgent des faire des réformes nécessaires. »

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Le costume féminin réglementaire de la TEB

Rien que ça ! Au fait, qui se soucie aujourd’hui, dans notre tramway, de savoir si c’est une femme ou un homme qui conduit ? Mais un siècle s’est écoulé !

Sources : archives municipales; « Au temps des tramways bisontins » de Pierre Tupin; « Besançon sur les rails » de Gérard Ferrand; « Le tramway du grand Besançon » de Gérard Ferrand (éditions Sutton).

Pierre Tupin tramways bisontins

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