Le député Louis Biétrix, habitant des Chaprais

Le député Louis Biétrix, habitant des Chaprais
Photo officielle du député Louis Biétrix

Le député Louis Biétrix

Dans le billet précédent, nous avons évoqué la direction commerciale des Salines de Franche-Comté dont le siège se situait 20 avenue Carnot.

Portail de l'immeuble du 20 avenue Carnot où habitait le docteur Biétrix

Le 20 avenue Carnot

Notre ami Christian Mourey nous a aussitôt signalé que résidait également au N° 20, dans la première partie du XX° siècle, le docteur Louis Biétrix, qui fut élu député du premier arrondissement de Besançon en 1936. Il avait alors, en pleine vague du Front Populaire, battu le député radical sortant, Julien Durand qui pourtant était élu ici depuis 1928! Julien Durand fut d’ailleurs un ministre éphémère des Postes (du 21 février au 2 mars 1930), puis ministre du commerce et de l’industrie (du 3 juin 1932 au 31 janvier 1933).

Photo officielle du député julien Durand en 1932

Le député Julien Durand en 1932

Alors, comment expliquer cette victoire inattendue du docteur Biétrix?  Tout d’abord, il avait été élu dès 1934 conseiller général. Et s’il se présente en candidat de droite, avec le soutien des Jeunesses Patriotiques, il siégera au groupe des Indépendants d’union républicaine et nationale. Il était violemment antisémite et anti maçons. Son succès s’explique peut être par sa réputation de médecin des pauvres. Et de personnage atypique! N’aurait-il pas adressé à une administration qu’il jugeait trop tatillonne, la phalange d’un de ses doigts qu’il aurait perdue à la suite de manipulations radiologiques! De plus il était connu pour avoir fondé l’association de gymnastique l’Aiglon en 1909, association qui existe toujours et remporte de beaux succès lors des compétitions.

Le brave docteur plaisait indéniablement aux dames. Et son épouse, jalouse, a assassiné une de ses maîtresses!  C’est ce que nous apprend maître Jean-François Fourcade, avocat honoraire, lors d’une conférence qu’il fit, dans le sud-ouest en octobre 2014.

« Ce fut une histoire d’adultère banale qui a commencé à Besançon entre le « bon Docteur Biétrix et Madame veuve Plissonnier (née à Besançon)» l’une de ses nombreuses conquêtes.
Dénoncé par un corbeau, le Docteur avoue ces nombreuses liaisons et promet de ne plus jamais recommencer.
Blessé pendant la guerre, puis nommé à l’hôpital de Bagnères-de-Bigorre, on croit que le Docteur Biétrix est revenu sur « le droit chemin ». Mais c’est sans compter sur la nature humaine et plus précisément celle des hommes ! Des années après par un pur hasard, Madame Biétrix tombe sur une lettre écrite la veille par l’ancienne maîtresse de son mari Madame Plissonnier qui non seulement a vu la veille son mari, mais elle avait l’intention de le revoir le lendemain dans un hôtel à Lourdes. La lecture par Maître Fourcade de cette fameuse lettre, lettre remplie des détails délicieusement impudiques, ont émoustillé l’audience. Le récit de l’assassinat dans la petite chambre d’hôtel de Lourdes, la demande du Procureur d’une expertise médicale suite à l’amnésie totale de Madame Biétrix, la lecture d’une très belle lettre d’amour par celle-ci à son mari, ont eu raison de la raison des jurées. Madame Biétrix est déclarée innocente et relâchée dans la foulée ».

Annonce en une du Petit Comtois du 4 mai 1936 de la victoire du docteur Biétrix.

La une du Petit Comtois du 4 mai 1936

Revenons à ces élections de 1936 : le premier tour eut lieu le 26 avril et le docteur vire en tête avec 5 347 voix contre 2 905 à Julien Durand le député sortant (il est vrai que le candidat de la SFIO, Jean Minjoz, totalise lui, 2 645 voix). Le Petit Comtois, dans son édition du 27 avril 1936 analyse les résultats obtenus et indique :  » Nous ne devons pas dissimuler que l’importance du nombre de voix obtenu par le docteur Biétrix à Besançon nous surprend et, pourquoi ne pas le dire, nous afflige, car il montre la facilité avec laquelle l’opinion publique se laisse duper ».

A l’époque, les Chaprais disposait de 3 bureaux de vote. les résultats furent les suivants :

Helvétie : 1024 inscrits, 866 votants, 847 suffrages exprimés. Biétrix 467 voix; Durand 380.

Chaprais maternelle: 812 inscrits, 710 votants, 697 suffrages exprimés. Biétrix 434 voix; Durand 263.

Chaprais garçons: 983 inscrits, 841 votants, 824 exprimés. Biétrix 434 voix; Durand 389.

Et au second tour, le 3 mai, le docteur Biétrix l’emporte avec 6 201 voix contre 5 661 à Durand.

Le lendemain, on pouvait lire dans Le Petit Comtois :  » L’échec de notre excellent ami Julien Durand nous afflige profondément. Il nous est d’autant plus sensible que son adversaire n’était pas digne de sa victoire. Il a vaincu par des procédés méprisables à la mesure de son personnage. Notre vieille ville méritait un autre député que ce pauvre individu qui se prétend un « type » et qui n’ayant jamais connu que la notoriété du scandale, discréditera notre cité. La droite peur être satisfaite de son œuvre : elle aura abaissé jusqu’au néant le niveau intellectuel et moral de la représentation parlementaire bisontine. »!

Pendant la seconde guerre mondiale, le député Biétrix votera, le 10 juillet 1940, les pleins pouvoirs à Pétain (569 voix pour, 80 contre et 15 abstentions). Il aurait cependant été arrêté par l’occupant et fait un petit séjour en prison à la Butte.

A la Libération, il est déclaré inéligible. son épouse et ses amis le quittent. Alors il change de région. Il décède le 18 mars 1952 à Chalons sur Saône, à l’âge de 72 ans.

Si vous possédez des renseignements concernant cet homme, n’hésitez pas à nous les communiquer.

Voir la page consacrée à l’avenue Carnot actuellement

Voir le portrait de la présidente actuelle de l’association L’Aiglon Sport

 

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